Ah oui, ils sont là les alinéas, petits, mais là
Pendant qu'on y est, des interlignes un poil plus grandes, ç'aurait été bien aussi pour le confort (question de goût).
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prison spirituelle" => l'expression me gêne un peu (le mot spirituel).
- "
J’étais bien habitué à ce que mon chef direct me réclame des états statistiques inutiles, ou que son chef à lui vienne chercher des synthèses qu’il ne m’avait jamais demandé de rédiger." => un peu lourde cette phrase.
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Pendant un temps, c’est elle qui a fait l’interface." => l'intermédiaire sonnerait mieux. Quoique c'est peut-être pour renvoyer au jargon informatique du comptable ? Ou à la chute du texte ?
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Il est bizarre ce texte. Je l'ai plutôt aimé, à cause du sujet traité, évidemment. Mais je sais pas, il me laisse un sentiment de perplexité à la fin (donc une impression mitigée). Un manque d'unité peut-être, avec l'impression que pleins de trucs se mélangent pour un résultat étrange (perspective psychologique, dimension "matrix", dénonciation moderne, interrogation existentielle, côté "autobio", personnage de composition, cadre réaliste, mais surréalisme etc.). Un texte sympa, mais trop de perplexité et d'interrogations subsidiaires à la fin pour que j'apprécie vraiment. [Oui, j'aurais pu lire "bêtement", mais c'est moins intéressant.] Donc, perplexité pour 2 raisons :
PREMIÈREMENT : le personnage (oui, j'essaye d'organiser vaguement mon truc)
J'ai du mal avec l'élément déclencheur de la prise de conscience... Rien ne justifie qu'elle soit aussi subite. Soudainement le type trouve ses amis cons, son boulot d'une vacuité atroce etc. Pourquoi maintenant et d'un coup ? Certes, plus loin dans le texte : "
Grâce à lui, je me suis rendu compte que je souffrais de problèmes relationnels depuis bien plus longtemps que ça. Depuis le début sans doute." Mais ça ne change rien à l'affaire, pourquoi cette révélation miraculeuse ? Pourquoi n'a-t-il pas remarqué avant qu'il était marginal ? Du coup on dirait presque un demeuré/autiste... Et si c'est un "demeuré", il ne devrait pas être capable d'avoir les pensées d'analyse (simplistes mais exactes : "
Surpopulation, pollutions, violences, paupérisation, pénurie en énergie…") qu'il produit. Bref, la psychologie de ce personnage me laisse perplexe ; je me pose des questions sur la cohérence de sa mentalité et de sa personnalité.
[C'est de l'ordre du détail, mais d'un point de vue personnel et subjectif, je suis un peu déçu par les réflexions sur le monde etc. que je trouve beaucoup trop simplistes. Disons que j'aurais aimé lire des trucs plus poussés et moins "café du commerce" (ça peut être juste tout en étant "café du commerce"). En plus, avec les observations issues des tracas quotidiens, on a que 3 exemples, c'est trop peu. Sinon, impression de fausse naïveté sur les exemples (ceux-là et les autres), avec une façon de voir les choses limitée. Vision basique des choses. On est entre l'allusif, la généralité extrême et l'enfoncement de porte ouverte. Par ailleurs, on part d'une situation particulière (la blague) à l'échelle micro peu convaincante, pour embrayer sur des considérations macro qui sont très survolées et simplifiées. Le propos manque de structure, également, on passe de l'économie, à l'écologie, au tabac etc. Ok pour le caractère spontané, mais d'un point de vue intellectuel (démonstration) c'est pas efficace/pertinent. Maintenant, c'est certainement voulu, relativement au personnage. C'est juste que subjectivement, avec ce sujet, j'aurais préféré qu'il soit traité d'une "meilleure façon". Encore une fois, cela fait certainement partie du personnage que tu as voulu créer (homme simple/lambda), mais comme j'en suis pas sûr...]
Curiosité : dans quelle mesure ce texte est-il "autobiographique" ? Il l'est ; il ne l'est pas ; seulement en partie ; ou pas du tout ?
[Depuis certaines conversations je crois savoir qu'il l'est en partie, mais cela a-t-il "progressé" depuis ?]
Pour reparler du personnage. Le texte représente un type qui donne l'impression de s'éveiller, en se rendant compte, tout à coup, qu'il vivait dans un monde où grouillent les cons... On a envie de lui dire "il était temps que tu ouvres les yeux". Je le vois comme un homme qui verrait soudainement apparaitre une alternative :
1) = vie normale/conne et 2) = ? Un type qui ne saurait pas quoi mettre et quoi faire dans ce
2) Et donc qui galère entre les deux, paumé. [C'est là que je me demande jusqu'où le personnage te "correspond", Thierry] Sauf que quand on lit ça :
"Depuis les films, les romans, les essais me semblaient tous les mêmes." on a l'impression que c'est plus d'une prise de conscience qu'il s'agit, mais d'une grosse dépression... S'il y a une bouée de sauvetage à la connerie du monde ambiant, c'est bien (par exemple) les livres et autres produits "culturels". Ou alors il lit et regarde que des trucs nazes ? C'est pas de chance.
Et il y encore un autre truc, qui n'intéresse plus uniquement le personnage : on sent une petite voix de l'auteur (raison, "sagesse", lucidité) qui viendrait relativiser/condamner l'attitude (en grande partie louable et bénéfique à mon avis) du personnage
en lui faisant dire :
-
"cela renforçait mon autisme et me poussait à ranger tout le monde dans le même panier."-
"Par contre, c’était un cercle vicieux. Plus je prenais de recul sur les choses, moins j’étais disposé à les comprendre."- et le personnage trouve sa réaction "
stupide" et "
prétentieuse".
Bref, un problème de cohérence dans la personnalité je trouve. S'il est "intelligent" (parce qu'il se rend compte soudainement de la connerie du monde) pourquoi maintenant ? Parce qu'il y avait largement de quoi s'en rendre compte avant (étant donné son enfance, aussi)... Et pourquoi des réflexions aussi survolées et "basique" (mais peut-être que toi, l'auteur, tu n'as pas souhaité t'étendre là dessus, tout simplement ? C'est un peu facile, mais tout à fait recevable). Et si le personnage est "simple", genre lambda, voire même un peu "autiste" (réflexions trop basiques, difficultés relationnelles dès l'enfance etc.) - et plus victime d'une dépression qu'autre chose - pourquoi cette prise de conscience, ces analyses exactes (même si simples) et surtout cette grande lucidité à propos de lui-même (avec en plus, ici, l'impression étrange que c'est la voix de l'auteur qui se superpose à celle de son personnage) ?
Au fait :
"L’histoire que je vis, que je rédige actuellement [...] manque d’élévation." Eh oui, c'est ça que je reprocherais (subjectivement) à ce texte ! Son manque d'ampleur. [Mais je parie que tu l'avais complètement anticipé (ce "reproche"), d'où cette phrase ainsi que certaines choses et allusions... Reste que c'est un fait.] Avec ce genre de phrase on a l'impression que tu as conscience que les propos de ton personnages (et donc le texte) manquent d'élévation. Donc pourquoi ce choix ?
Enfin, pour terminer sur ce point du "personnage", je pense avoir identifié un truc. En fait, il y a probablement des "interférences" entre la personnalité du personnage et la personnalité de l'auteur - c'est pas évident à gérer, dans ce genre d'exercice.
DEUXIÈMEMENT : la chute du texte, la justification...
Ça rejoint des trucs déjà dit plus haut. Pourquoi cette prise de conscience soudaine ? Pourquoi ce "bug" soudain avec les mots (c'est amusant, d'ailleurs, mais surréaliste) chelous. Pendant tout le texte, malgré les incohérences en termes de "mentalité et de personnalité", je penchais pour une justification psychologique, évidemment. Mais avec la chute, je suis forcé d'oublier.
- Spoiler:
je pense à un truc à la Matrix, ou genre "le désaxé se fait rafistoler par Dieu ou par ses anges..." Mais du coup ça devient plutôt n'importe quoi ! Le pire, c'est que j'ai bien compris, apparemment... Bam ! Un truc "fantastique" qui tombe de nulle part
Franchement c'est quoi cette chute ? C'est vrai qu'elle élargit les perspectives du texte et du propos, mais à quel prix ? Ça donne un mélange vraiment bizarre. J'aimerais bien que Tak m'explique ce qu'il trouve de bien à cette chute, à part le fait qu'elle surprenne (la surprise n'est pas nécessairement une bonne chose en soi). Pour moi, on dirait un truc balancé à la fin, à l'arrache, pour trouver absolument une sacrosainte chute et surprendre avant toute chose... Genre j'esquisse une vague (et vaste) explication (dans le genre vaste elle est énorme, celle-là : métaphysique à fond et tout) et démerde toi lecteur. Peut-être que j'aime pas ce genre de chute à la con, en fait. C'est trop grossier. Et en ce qui me concerne, ça ajoute du flou sur un texte qui me rendait déjà un peu perplexe.
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Pour terminer : l'écriture est impeccable, globalement. Mais cela dit, on retrouve encore une fois un ton général "posé", presque monotone. Dans la façon de raconter (ton) mais aussi dans le style. Avec la ponctuation, par exemple, on a l'impression (exagérée) que tu n'utilises que 3 signes de ponctuation différents (point, virgule, point d'interrogation). Peu de point d'exclamation, aucun point virgule, peu de tirets ou de point de suspension. Et impression de "monotonie" renforcée par des successions régulières de phrases courtes, terminées par des points. Parfois je mettrais des points de suspension, par exemple - mais c'est personnel et j'ai tendance à abuser des 3 petits points. Après, ce ton particulier colle bien au texte, donc c'est pas un problème - mais comme je me rappelle pas avoir lu autre chose venant de ta part, je serais curieux de lire un autre ton, un jour
Donc un plaisir de te lire, comme d'habitude, mais c'est la première fois que je suis aussi perplexe (l'un n'empêche pas l'autre).