Charles et Jimmy

Vraiment pas de quoi !

Ce qui m'ennuie, c'est qu'on ne sait toujours pas où on va. Dans quel genre est-on, fantastique, policier, sentimental ou autre. Ca manque d'action. Maintenant, c'est un roman, donc il est normal que l'action démarre plus tard mais pas trop tard quand même.

Euh pour le genre, je dirai autre ! Ca t'avance ? En fait il n'y a pas de genre particulier, ce n'est ni fantastique, ni sf, ni un polar, juste un roman moderne... Pas terrible comme explication, je sais...

Bon bin on s'en contentera en attendant la suite.

Un style que j'aime, pour ma part.
J'attends la suite, pidici

Euh la suite, je l'ai jamais fait lire... Il faut que je la retravaille et m'y remette à fond, pour avancer un peu plus loin que le 6e chapitre... Mais bon, après tout, pourquoi pas ! Alors c'est une exclusivité (quel honneur ! ) parce que les kingiens n'y ont pas eu droit :

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Chapitre 3 - Charles


Quel plaisir de rentrer chez soi après une si bonne journée ! Le gros client a signé et l'affaire est faite. Une commande de 300 000 pièces vient de partir pour le Japon et Charles s'en réjouit. Si des centaines de malheureux vont se retrouver exploités pour l'équivalent chez nous d'un sandwich par jour, lui s'en fout. La comm' est d'ores et déjà assurée, et particulièrement juteuse. Les voilà les vacances ! Bon bien sûr, ces pauvres japonais, des enfants pour la plupart, n'ont pas la vie facile mais, oh ! il faut se battre dans la vie ! On n'a rien sans rien ! Et puis, il n'y est pour rien, lui ! Au contraire, grâce à lui, ils ont du travail. Ils devraient le remercier.
Charles interrompt ses pensées et ce concentre sur son créneau. Il y a un garage dans la résidence mais il ne peut se résoudre à occuper la place qui lui est allouée. Pourquoi s'enfermer dans une construction bétonnée, triste et sans vie, quand pour pas un rond, on peut chaque matin éprouver un grand plaisir à se glisser dans un habitacle réchauffé par les seuls rayons du soleil. L'air pur du Mont Boron, loin des vapeurs enfumées du centre ville, est bien plus agréable que la moiteur atmosphérique et silencieuse d'un garage en sous-sol.
La manoeuvre effectuée, Charles verrouille son véhicule et se dirige tranquillement vers son appart. A cette heure, aucune chance de rencontrer Mme Rabino. Elle doit être bien installée dans son fauteuil, son Kiki sur les genoux, occupée à le gratouiller derrière les oreilles... "Il est content le Kiki ? Sa maman lui fait des câlinous ! Hein ? Ca fait du bien ça mon Kiki ! Oh le Kiki à sa maman !"... On ne les compte plus les mémères à son toutou qui discutent avec leur cleb's comme s'ils étaient humains. Et elles commencent de plus en plus tôt maintenant. L'autre jour, Charles en a rencontré une, dans la rue, mignonne comme tout, 25-26 ans, apparemment bien sympathique, mais qui a perdu tout son charme quand elle s'est mise à jacter à son chien.
- Non, mon Pépère, arrête de renifler ça, c'est sale ! Après tu vas attraper des cochonneries et maîtresse va devoir t'emmener chez le véto...
Où va le monde ? Charles se le demande tandis qu'il récupère dans la boîte aux lettres son courrier du jour. Deux factures, trois publicités, une proposition d'achat par une agence. Rien de bien palpitant, ni d'original. Il se débarrasse immédiatement des prospectus en les glissant dans la fente d'une des boîtes voisines et ne conserve que les factures qu'il posera dans un coin en rentrant. Il sera toujours temps de s'en occuper plus tard.
En tout cas, il ne s'était pas trompé. Pas de Mme Rabino à l'horizon ! Arthur, Lagaffe ou un de leurs confrères la retiennent bien sagement devant sa télé, inconsciente des inepties qu'elle ingurgite. Triste monde !
Charles ne peut cependant trop médire de cette dépendance puisque lui-même, à peine réintégré ses pénates, saisit machinalement la télécommande et allume le poste resté en veille. Même s'il ne regarde que les infos sur le câble, la télé est bien souvent allumée, quelque soit la chaîne, déroulant son tissu d'images sans qu'aucune âme ne s'y intéresse. Elle fait partie du décor. Comme un aquarium au milieu du salon, le téléviseur tient lieu d'ambiance, abritant les déambulations de personnages sans relief et ponctuant de bavardages incohérents le silence qui est seul maître dans ce grand appartement vide.
Charles ne s'attarde pas devant l'écran - quelque part en Irak, une bombe a encore sauté, faisant quelques dizaines de morts - et se rend dans la cuisine où, après quelques ouvertures de portes, il glisse dans le micro-onde une barquette surgelée. Au menu : boeuf bourguignon ! C'est loin d'être aussi bon que celui que lui préparait son père, mais au moins c'est rapide ! Et voilà que ça lui reprend. Toujours il faut qu'un petit détail de la vie lui rappelle son paternel. Et c'est toujours la même chose, il pense à lui, à la maison qu'ils avaient, à son frère aussi parfois et ça lui donne un arrière-goût amer
dans la bouche. Rien de tel qu'un doigt de whisky pour dissiper cette aigreur, mais trop souvent le doigt entraîne la bouteille finissant par le laisser, sur les coups de trois heures du mat', en larmes sur le canapé, se repassant en boucle les chansons de Trénet, Brassens ou Piaf.
Mais non ! Pas de ça ce soir ! On est vendredi, c'est le week-end et une biture-déprime gâcherait le tableau ! Personne cependant ne plaît suffisamment à Charles dans son entourage pour qu'il se décide à le contacter. Eli peut-être ? Oui, Eli est celui qui s'apparente le plus à ce qu'on pourrait appeler un ami. Toujours là quand Charles a besoin de lui. Toujours prêt à l'aider, à l'écouter quand, même en pleine nuit, il l'appelle pour lui parler de son père, lui dire que c'est trop tard mais qu'il l'aimait et qu'il lui manque. Non, tout compte fait ce n'est pas une bonne idée d'appeler Eli ce soir. Avec ce mourron qu'il se traîne, la soirée tournerait bien vite en complainte d'un pauvre diable, en ritournelle sanglotante d'un trente-huitard aisé en mal d'amour. Non, non, Eli est super mais il écoute trop bien, c'est là son problème !
Non, ce soir, Charles a envie de s'amuser et de passer du bon temps. Il va sortir ! Personne pour l'accompagner ? Et alors ? Il n'a besoin de personne pour s'amuser ni pour vivre ! Et avec un peu d'argent et quelques sourires, on ne reste pas longtemps seul dans le coin. Surtout quand on a son physique !
Allez haut les coeurs ! Une douche, un jeans, sa plus belle chemise et c'est parti. Ce soir, Charles sort et ne rentrera pas seul.

Six heures plus tard. Charles est allongé sur le dos. Les yeux ouverts, il contemple le plafond baigné de la clarté lunaire. Par la fenêtre restée ouverte, il peut voir de son lit le ciel illuminé d'étoiles. Parcouru d'un frisson, il se lève fermer les volets. Si la nuit qui s'installe n'est pas désagréable au coucher, il en est tout autrement des premières lueurs de l'aube au réveil quand la lumière nous assiège après une nuit d'excès.
Cette nuit il est resté sobre malgré trois verres de punch mais la tigresse qui l'a raccompagné l'a achevé. Pour l'heure, elle gît près de lui, plongé dans les doux bras d'un profond sommeil. Délicatement, il dégage de son visage les deux mèches qui y tombent en cascade et la regarde. Des traits fins, une belle bouche, une chevelure brune aux ondulations cuivrées. Ses yeux clos ne lui font pas oublier le bleu océan dans lequel il a plongé les siens. Alice. Elle s'appelle Alice. C'est joli. Commun mais joli. Et Alice, à cet instant, arbore un agréable sourire qui le rassure sur ses exploits de tout à l'heure. A moins qu'elle ne soit plongée dans un rêve si réjouissant qu'il traverse la barrière de l'inconscience pour influencer le réel et ainsi éclairer le visage de la belle comme un premier jour de printemps.
Charles ne peut s'empêcher de sourire. Une telle poésie chez lui suffirait à ravir la moindre des filles qu'il a connues. Mais ça ne l'intéresse pas. La séduction pour lui passe par la domination et l'honnêteté. Inutile de déverser des torrents de mots pour séduire les coeurs. Lui, son secret, c'est sa carte bleue et son charme naturel. Rien d'autre. Il ne perd pas son temps en palabre. Il a envie, il y va. Il veut, il a.
Et c'est ce qui s'est passé avec celle-ci ce soir, comme avec les autres avant elle. Après un verre au bar et un repérage aux alentours, il l'a vue, s'est avancé et inséré entre ses amies et elle.
- Bonsoir, je m'appelle Charles.
- Euh... Bonsoir, je suis Alice.
Ses copines gloussent derrière lui. Il les entend qui chuchotent et voit ses yeux à elle les chercher avec amusement. Il s'interpose. Elle ne doit voir que lui.
- Tu es très jolie et je suis seul. Viens avec moi, tu ne le regretteras pas.
Elle sourit et lève les yeux au ciel. Surtout ne pas lui laisser le temps de répondre.
- Tu n'as rien à craindre. Je vais laisser mes coordonnées à tes amies. Je veux juste t'inviter à boire un verre, mais pas ici. Fais-moi confiance, je ne suis pas un sauvage, tu me plais c'est tout.
Ce faisant, il attrape sa carte dans la poche intérieure de sa veste et joue machinalement avec. Ca, c'est la partie difficile. Deux ou trois fois déjà il s'est fait jeté, s'est même fait gifflé, mais pas là. Là, c'est gagné. Du tout cuit ! Elle est intriguée, ses yeux pétillent. Elle se dit que ce mec est drôlement sûr de lui, fier et sûrement très con mais il est beau et il a de l'argent. Rien à dépenser pour elle ce soir, elle va pouvoir s'offrir cette petite robe qu'elle a vue cette semaine. Et puis ça ne coûte rien, elle n'est
pas n'importe qui. S'il croit qu'il va la mettre dans son lit, il se fourre le doigt dans l'oeil et profond !
C'est bon ! Charles sait qu'il a gagné. Elle accepte, se lève et il retourne payer son verre. Le temps de prévenir ses copines et elle est là, debout près de lui, dans sa jupe à volants, ses bottes en cuir marron et ce petit bustier rouge qui ne cache rien de ses charmes. Il la prend par le bras et l'entraîne. Il connaît un p'tit bar salsa sensass pas loin.

Ils ont dansé, parlé, bu, un peu mais surtout parlé. De tout. De rien. D'elle. De ses études. Elle a vingt-cinq ans. Prépare un DESS Edition. Il ne lui a pas dit son âge. A quoi bon !
Et elle est là maintenant. Dormant du sommeil du juste. Il ne l'a pas prié. Pas besoin, elle en mourrait d'envie. Elle dort tranquillement alors qu'il cherche vainement à la rejoindre. Il est fatigué pourtant, usé. Il approche de la quarantaine et elle est jeune la bougresse. Mais ses yeux restent irrémédiablement ouverts, profitant de ces quelques heures près d'un corps féminin.
Non pas qu'il soit insensible, bien au contraire. Elle est belle. Et celles qui se sont succédées ici, à sa place, l'ont toutes été mais il ne les a jamais revues plus de deux ou trois fois. Charles se lasse vite et même, sans ça, il ne veut pas s'encombrer, ne veut pas s'enticher d'une gonzesse qui serait tous sourires et cajoleries au début, et puis finirait par le faire chier. Il ne veut pas d'une femme jalouse ou envahissante ou sournoise ou vénale. Ou collante. Ou trop bavarde. Ou tout cela à la fois. Il préfère être
seul et n'avoir pas de femme. Ou toutes les avoir.
Et puis une femme, ça veut des enfants. Et ça, il n'en est pas question ! Un chiard ? Et puis quoi encore ! Il faut l'éduquer, s'en occuper, le punir, le sortir. Il ne veut déjà pas d'un chien, alors un môme !
Non, il est bien comme ça. Il est libre, il n'a pas de compte à rendre. Il ne connaît pas la routine, du moins celle qui s'installe immanquablement quand on fréquente ou vit avec une femme. Il peut sortir quand il veut. Il peut manger ce qu'il veut. Il peut lire tranquillement. Il peut... Il peut...
Il peut dormir.

Je lirai ça mais pas avant lundi.