Cher Papa Noël,
Tout d’abord, je te remercie pour le cadeau de l’année dernière. La poupée que tu m’as offerte était vraiment super. Mais, comme tous les ans, pour mon prochain Noël, j’en voudrais une nouvelle, car l’ancienne est cassée. Je sais que tu ne vas pas être content, mais on ne pouvait pas faire autrement.
Tu sais, il faut que je te dise une chose : plus personne de mon âge ne croit que tu existes. Au début, j’ai essayé de leur faire comprendre qu’ils se trompaient, mais ils se sont tous moqués de moi. Ils disent tous qu’à douze ans, le Père Noël, ça n’existe plus. Mais moi, je sais que ce n’est pas vrai. Je le sais parce que c’est mon papa qui me l’a dit. Et mon papa, il est trop fort !
Si papa dit que tu es vrai, alors, tu es vrai. Mon papa, il ne ment jamais.
Je ne dis pas non plus aux autres que je te demande à chaque fois une poupée pour Noël. Un garçon de mon âge, ça ne joue pas à la poupée. Un garçon, ça ne joue jamais à la poupée. Mon papa, il dit que je peux jouer avec ce que je veux, du moment que je connais mon rang et que je sais remettre les filles à leur place.
Papa est très riche. Nous habitons un très, très beau château. La seule chose qui manque, c’est une maman. Papa dit qu’il n’a pas de chance avec les femmes. Des fois, quand il a trop bu, il crie, seul dans la grande salle, devant la cheminée où brûle toujours une très grosse bûche.
— Toutes des vicieuses, il dit.
Pourtant, mon papa, il cherche toujours ma nouvelle maman. Dès fois, je lui dis que nous sommes bien mieux tout seuls, tous les deux, mais alors, il me regarde d’un œil sévère.
— Tu sauras, quand tu seras plus grand, qu’un homme doit prendre femme.
Il parle bien mon papa. Il est grand et fort. Il a une barbe comme toi (mais la sienne n’est pas blanche).
La toute dernière femme de papa est encore pire que les autres. Incroyable comme elle est désobéissante. Je te le raconte parce que, sinon, tu ne me croiras pas.
Papa part fréquemment en voyage pour ses affaires. Figure-toi qu’il lui avait laissé tout le château pour elle toute seule. Tout le château sauf une seule pièce. Il lui avait défendu expressément d’entrer dedans. Eh bien, devine ce qu’elle a fait cette gourgandine ? Il a fallu qu’elle aille voir ! C’est pas du vice ça, hein ? Je ne te raconte pas la colère de papa quand il s’est aperçu qu’elle avait fouillé là où elle n’avait pas le droit. Jamais je ne l’ai vu dans une telle colère ! Cette idiote avait taché la clé en la faisant tomber par terre, c’est comme ça qu’il s’en est rendu compte.
De toute façon, celle-là, je ne l’ai jamais aimée. Encore moins que les autres. Elle nous a imposé sa sœur à la maison sous prétexte qu’elles avaient toujours été élevées ensemble et qu’elles ne voulaient pas être séparées. Et c’était toujours des « Anne » par ci, des « Anne » par là : insupportable ! Vivement que papa ait fait ce qu’il faut. Elle est enfermée dans la plus haute tour avec sa sœur qui n’arrête pas de regarder par la fenêtre.
Tout est prêt. Ça doit avoir lieu ce soir. C’est pour ça que ma poupée est cassée. Papa me demande toujours la dernière pour voir si c’est suffisamment aiguisé. Je ne devrais pas le dire, mais je suis content parce qu’il m’a promis que cette fois-ci, je pourrai voir comment il fait.
Donc, mon cher Papa Noël, je voudrais une nouvelle poupée pour quand je me réveillerai le 25 décembre prochain. Mais surtout, j’aimerais que tu trouves pour mon papa à moi, une femme qui ne fait pas de bêtise, qui obéit, et surtout qui n’est pas une fouineuse.
Et puis, si tu le peux encore, un joli nœud papillon bleu pour aller avec sa barbe.
Travaille bien Père Noël, et à bientôt.
PS : Est-ce que madame Noël est gentille ? Sinon, je peux demander à papa de venir te voir pour régler ton problème. Bisous.