Je dévale le torrent de marches follement. Rien ne m’arrêtera. Je compte bien l’attraper ce bougre ! Mon cœur ne faiblit pas et son rythme devient turbulent. Mes jambes se démultiplient avec rage et s’agitent vigoureusement. Tête baissée, je fends la foule et guide mon corps transformé en machine infernale vers ma cible. Le vent siffle dans mes oreilles et le goût d’une victoire prochaine ravive mon esprit.
Je m’engouffre dans les ruelles exigus et sombres. Je l’aperçois au loin, il ne peut pas m’échapper. Il court vainement et le temps passe.
Les badauds me regardent bizarrement et m’évitent. Mes pieds frappent et glissent sur les pavés. Il tombe, se relève lentement et regarde sa montre. Elle brille et ses reflets d’argent me motivent encore plus dans ma course.
Nous atteignons, haletants, une grande avenue. Les vrombissements des automobiles y règnent et la foule devient immense. J’ai cru perdre ma cible, mais il n’en est rien. Je brise le fleuve humain et je vogue contre tous les courants. Le soleil irradie la ville et ses rayons m’aveuglent. Je cavale toujours, sans défaillir. Des regards méprisants, d’incompris, de curiosité se jettent sur mon visage et je les repousse et me jette dans ma poursuite. Des corbeaux volent au dessus de moi et crient tout en plongeant dans ma direction. Des enfants piaillent à ma vue, s’agrippent à leurs parents et lâchent leurs glaces et leurs ballons.
J’arbore sur ma face froide et maigre, ma détermination et ma fureur. A chacun sa folie et je la talonne. Il est devant et je m’en rapproche. La population nous observe, elle voit le temps qui passe et moi. Mes bras s’agitent le long de ma carcasse impie et mon souffle bat la cadence de bataille. Le vent rugit et les nuages s’imposent dans les cieux. Je bouscule, je renverse, on m’insulte et rien ne m’arrête.
Mon cœur arrive à bout et mes jambes deviennent frêles. Mon âme dans son aliénation leur influe une dernière vie et mes yeux félins se posent sur ce but. Arrivé sur les quais, il est juste à quelques mètres au devant. Ma main glisse dans mon sac. Je me saisis d’un objet. La dague exhibée s’enfonce dans son corps. Elle y pénètre laborieusement.
N’avez-vous jamais tué le temps ?