Trois petits corps

Gontran avait sorti le disque de sa pochette et l’avait mis sur son lecteur 33 tours, sans pour autant l’enclencher... Non... pas encore. Son regard s’attardait toujours sur la lettre qui ornait la fourre du disque, cette lettre qui lui avait fait acheter le disque sans autres raisons particulières: un sigma. Caressant rêveusement le signe, Gontran eut l’impression que ce dernier commençait à tourner, d’abord sur la pochette, puis dans son esprit. Gontran fut brutalement ramené à la réalité par une douce musique, ou plutôt, une mélopée. Le lecteur s’était mis en marche... Tout seul? Il resta un moment immobile, sentant son cœur battre un peu plus fort dans sa poitrine. “Bah...,” finit-il par se dire. “La branche de lecture devait être mal replacée et elle s’est remise en marche toute seule...” Rassuré, il se mit à écouter plus attentivement l’enregistrement du disque et remarqua que, contrairement à ce qu’il avait pensé dans un premier temps, ce n’était pas de la musique mais une petite comptine récitée par une petite fille ou un petit garçon à la voix mélodieuse et curieusement envoutante. Les paroles allaient ainsi:
Trois petits corps allèrent dehors
Trois petits corps frappèrent si fort
Que ce qu’ils touchaient était mort
Trois petits corps enterrèrent les morts
Trois petits corps t’observent de dehors

Cette comptine tournait en boucle, toujours sur le même ton innocent, toujours sur le même rythme pesant. Gontran laissa la petite voix éthérée réciter le poème encore quelques fois et songeur, alla retirer le disque. Un éclair lézarda le ciel, il sursauta et crut voir de petites silhouettes traverser la cour précipitamment. Il avala sa salive avec peine. Une boule à l’estomac, il regarda par la fenêtre, en observant aussi scrupuleusement qu’un enfant cherchant un quelconque monstre sous son lit. Rien. Rien ne se trouvait dehors, sous la pluie battante, hormis les platanes se dressant dans la rue faiblement illuminée par la lueur des lampadaires. Gontran se reprit. Il ramassa le disque qu’il avait laissé tomber dans en sursautant et le glissa dans sa pochette. C’était quoi ce truc? Comment une chose pareille avait-elle pu se retrouver sur le marché ? Ça venait d’où ? Il décida de ne plus y penser et de le ramener au marché aux puces. De toute façon, la brocante ne fermait que le lendemain soir. Il se rendit dans sa petite cuisine et se prépara trois bons gros sandwiches végétariens. Depuis le jour où il avait eu la surprise de découvrir des poils non identifiés dans un pâté de volaille, il ne mangeait plus de viande, trop dégoûté par cette malheureuse expérience.

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Onze heures sonnaient lorsqu’il se résolut à aller au lit, quitte à lire si le sommeil ne venait pas. Lorsqu’enfin il ferma les yeux, ce fut pour tout de suite les rouvrir. La petite comptine continuait à envahir son esprit. Il l’entendait si nettement, qu’il se leva pour aller vérifier si le lecteur ne s’était pas remis en marche tout seul. Mais non, le vinyle était toujours en place dans sa pochette, à côté du tourne-disque. Gontran se reglissa dans ses draps, sûr de passer une nuit blanche, et à présent persuadé d’avoir réalisé un très mauvais achat!

°°°
Gontran, finalement, avait dormi. Mal, certes, mais il avait dormi. Voulant se débarrasser de son nouveau disque au plus vite, il se leva à l’aube, prit son petit-déjeuner bien plus rapidement que d’habitude et partit pour le marché. Sur place, il était presque le premier client car les puces venaient d’ouvrir à peine quelques minutes auparavant. Mais il avait la désagréable impression d’avoir oublié quelque chose en partant de chez lui... Mais quoi? “Chier ! J’ai oublié ce putain de disque ! Mais quel con je fais, bordel !” Il rentra chez lui en courant, chercha le disque dans tous les coins et recoins pendant une heure, sans succès. “Mais c’est quoi ce disque ! Putain, c’est quoi ce truc à la fin !” Il fouilla son appartement de fond en comble, il en oublia même de déjeuner lorsque midi sonna. Il chercha, ouvrant les tiroirs, soulevant les magazines et les coussins des fauteuils, il chercha même dans sa poubelle, (sa superstition lui interdisant de jeter un tel objet). Aux environs de cinq heures de l’après-midi, il se rendit à nouveau sur la place du marché afin de retrouver celui à qui il avait acheté le disque. Ce dernier pliait bagages lorsqu’il vit Gontran se ruer vers lui en soufflant comme une forge. “Monsieur ! l’interpela Gontran. Monsieur, je dois vous parler...”continua-t-il.
- Dans c’cas, faites vite m’sieur.
- C’est au sujet d’un achat que j’ai effectué dans votre bric-à-brac...
- Z’un peu de respect s’youplait, le coupa le brocanteur faussement vexé.
- Désolé. Mais là n’est pas la question, continua Gontran. Voilà, hier matin je vous ai acheté un disque...
- J’vous interromps d’suite m’sieur. Mais la maison n’fait point de reprise.
- Dommage... Mais de toute façon, au point où j’en suis cela ne fait rien, dit Gontran.
- Alors z’êtes venu pourquoi ?
- Vous n’allez probablement pas me croire ou me penser fou, commença Gontran. Mais j’ai toute les raisons de croire que je vous ai acheté un disque maudit...
- Ah, j’regrette mon bon m’sieur, mais je n’peux effectivement point vous croire... Bonne soirée.”
Le marchand ferma le coffre de sa camionnette. Un peu dépité, Gontran rentra chez lui. Il se coucha tôt, sans avoir mangé ni bu. A minuit exact, il fut réveillé par une chansonnette. Celle du disque! Il se leva, se dirigea ver son tourne disque, mais non... La comptine n’en provenait pas, et le lecteur n’était pas en marche. Gontranc se débarrassa du tourne-disque dès le lendemain. Mais cela n’empêcha nullement la récitation de la comptine les nuits suivantes. Gontranc décida de déménager afin d’échapper à la petite voix d’enfant, mais ça ne changea rien... Où qu’il se trouvait, ses nuits étaient hantée par le macabre petit poème.

°°°
A ce jour, dix ans ont passé et Gontran a été arrêté pour le meurtre d’une vingtaine d’enfants en bas âge. Lors de son jugement, alors que la Cour lui demandait les motifs qui l’avaient poussé à de tels actes, il répondit calmement: “À cause du disque, à cause de la comptine... Pour qu’aucun enfant ne puisse plus jamais venir me la réciter dans mon sommeil.” Gontran fut condamné à mort et croyez-le ou non, mais il paraît que même en enfer, il continue à entendre le poème du petit enfant... Mais écoutez, écoutez...
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Euh, tu ne te serais pas trompé de rubrique, par hasard..?
Enfin, j'dis ça comme ça, moi...

Oui, peut-être bien... Ch'uis nouveau. Faudrais la mettre où ?

Snif... J'ai pas baucoup de critiques...

Un peu de patience, y'a beaucoup de textes à lire!

J'ai bien aimé ce texte. C'est bien ecrit et on rentre rapidement dans le coeur du sujet sans detours (un point que j'apprecie bcp, surtout dans l'exercice difficile des nouvelles, où il est paradoxalement plus ardu de commencer rapidement, etant donné qu'en un format très court, il faut se debrouiller pour vite poser un decor, une atmosphère, des personnages, etc).
Donc, de ce coté-là, c'est tres reussi.
J'aime bien aussi l'idée de la petite comptine maudite, où comment rendre effrayant qqchose qui est censé etre l'incarnation meme de l'innocence chez les enfants...

En fait, la seule chose qui m'a un peu embeté avec cette histoire, c'est le dernier paragraphe, que je ne trouve pas amené de façon très "naturelle". Ca fait un peu compte-rendu, comme si un journaliste avait pris la place du narrateur, ça change le ton meme de l'histoire et du coup, ça crée une espèce de cassure pas vraiment agreable.
Mais l'un dans l'autre, ça reste une bonne histoire et je trouve que tu te debrouilles vraiment bien Hellebore, surtout pour un ptit jeunot de ton age (oui, là jme la pete un peu "vieux daron" lol mais c'est surtout qu'à 15 piges, j'aurais pas été capable de la moitié de ce que tu fais).

je crois que TAK a dit ce qui m'avait sauté a la gueule. c'est clair qu'avec la pratique, tu va vite progresser. continu d'ecrire.

Merci des critiques. ^^ C'est cool d'avoir des avis exérieurs à ses potes et à sa famille parce qu'ils relèvent plus difficilement ce qui ne va pas....

Désolé, mais je ne serais pas aussi sympa.
Il manque souvent le mot juste et je trouve que c'est souvent fastidieux dans la tournure des phrases (manque de clarté). Ton histoire n'est pas assez développée malgré que le thème me parait original.
Tu devrais faire comme moi, passer plus de temps à la correction qu'à l'écriture et attendre quelques jours avant de poster.

Assez impressionné par ta maîtrise étant donné ton jeune âge... Conçis et sobre, j'aime.

L'histoire est bonne, on imagine très bien la scène et la petite musique, et j'ai eu quelques frissons.

A mon avis, tu peux alléger en virant les exclamations de Gontran, et aussi simplifier le dialogue avec le brocanteur. Rend ce dialogue plus court, inquiétant, mystérieux, c'est une scène idéale pour inquiéter le lecteur quant aux origines du disque. Ou alors fait disparaître ce stand, et fais dire aux autres stands qu'ils n'ont jamais vu ce type...

Je ne suis pas très d'accord avec ta fin sur les meutres, tu aurais pu développer quelque chose de beaucoup plus angoissant, en restant dans l'action présente de l'histoire. Ce genre de résumé (que j'ai déjà utilisé) est facile mais n'apporte pas grand chose, même si tu y a mis en toute fin quelques éléments efficaces.

Vraiment bravo, continue car pour un jeune homme de 15 ans, tu maîtrises déjà pas mal !

Rien à ajouter à ce qui t'a été dit. C'est bien écrit, surtout pour ton âge. Le fait que tu entre tout de suite dans le vif du sujet m'a aussi beaucoup plu.
Par contre c'est vrai que tu aurais pu développer un peu les meurtres avant le dernier paragraphe, genre au moins raconter le premier ou décrire la folie de Gontran jusqu'au moment où l'idée de tuer un enfant lui vient à l'esprit.