Un extrait d'un texte en création qui pèse plus de dix pages à ce jour. Bref, l'ébauche d'un roman qui poura faire 50, 100, 500 pages...
L'hélicoptère progressait, luttant tant bien que mal contre la tempête. “Vous en foutrai, moi, des livraisons impératives !” marmonnait le pilote. “ Y’ pouvaient pas le livrer-eux même leur p’tain de chargement ?” Il jeta un coup d'œil au GPS pour connaitre sa position. Après quelques minutes, il vit apparaître le pénitencier CC7, sa destination. “Ici hélico-transporteur, demande permission de me poser. Et grouillez-vous, nom de Dieu ! Fait pas un temps de baptême de l’air !
-Bien reçu, lui répondit-on. Autorisation confirmée. Posez-vous sur la piste verte. Je répète, la piste verte.”
Un cercle lumineux apparut : le pilote atterrit tant bien que mal et sortit de son appareil. Trois hommes s’approchèrent de lui, courbés, luttant contre les violente rafales. Ils l’aidèrent à décharger une unique caisse dans l’obscurité qui en empêchait la correcte distinction. Les hommes rentrèrent, le pilote décolla. Un peut plus loin, sur un mirador, un garde recevait des ordres dans son oreillette. “Mettez l’ordre trente-sept à exécution une fois le signal donné. Deux minutes... Une minute...” Les secondes défilaient sans que le garde ne se déconcentrât. “Trente secondes, continua la voix. Quatre... Trois... Deux... Un.... Go.”
Il appuya sur le bouton bleu... Moins d’une minute après, une lueur orangée illumina le ciel au loin, suivit d’une sourde détonation qui aurait pu être prise pour le fracas de l’orage. Le pilote ne rentrerait plus. Le lendemain, une commission d’enquête mise en place par le gouvernement même annoncerait que l’hélicoptère avait été détruit par la foudre.
***
Au dernier étage de la prison CC7 se trouvait le bureau du Directeur. La pièce était relativement spacieuse. On frappa trois coups à l'épaisse porte blindée qui absorbait les chocs, ne laissant passer qu'un faible bruit. Le Directeur appuya sur l'ouverture à distance, le pistolet à portée de sa main libre. Une silhouette colossale apparut dans l'encadrement : “Vous m'avez fait appeler, Monsieur le Directeur ?
Le nouveau venu devait mesurer dans les deux mètres de haut. Une force de la nature dont les traits étaient déformés par de profondes cicatrices, restes de son ancien passé de mercenaire.
- Oui... répondit le Directeur. Voyez-vous, j'ai reçu l’ordre d'administrer un produit expérimental à un cobaye. Personne, hormis ses créateurs, ne sait en quoi consiste ce produit. Ils ont tenu à garder secret sa composition et aucun chercheur mandaté par l’Etat n’a réussi à percer le secret de sa fabrication... En bref, nous ne savons qu’une chose : le produit se nomme “Larmes de Dieu”.
- Donc si je comprend bien, Monsieur, vous voulez que je choisisse un détenu au hasard? Ou pensez-vous à quelqu'un en particulier ? questionna le colosse.
- Faites comme bon vous semblera. Je vous fais confiance pour que ces... choses... restent entre nous.
- Bien Monsieur le Directeur. Cela sera fait, Monsieur le Directeur.”
Le colosse s'en alla, un sourire sadique enlaidissant encore plus son visage. Le bureau redevint parfaitement silencieux. Il se passa quelques minutes avant que le Directeur ne fasse le moindre mouvement. Il appuya sur le bouton rouge de l'interphone situé sur la gauche de son bureau. “Mlle Clark ? Veuillez exécuter les consignes que je vous ai données pour la directive A22 que le gouvernement nous a envoyée hier. Ne faites rien de plus pour ce dossier et ne posez pas de questions ... comme d'habitude.
- Bien Monsieur le Directeur.”
***
L'orage qui recouvrait la région était particulièrement violent pour la saison. Des éclairs illuminaient le ciel de leurs éclats bleutés. La pluie battante et le vent soufflant par violentes rafales empêchaient de voir au loin et n'épargnaient aucunement le camp de détention CC7.
“Alors ! Tu vas creuser maintenant ? Ou en t’en redemandes ?” cracha un contremaître.
19bis avait été muté aux fosses communes du camp CC7 seulement quelques jours après son incarcération. Et il était, si cela était possible, le détenu le plus pris à défaut par les gardes de sa section. Les fosses communes de CC7 recouvraient une superficie d'environ quatre hectares. La terre, souillée par des centaines de cadavres reposant plus ou moins à six pieds sous terre, était dépourvue de toute végétation et les seuls animaux qui s’y aventuraient étaient les charognards les plus affamés des environs. La flétrissure de ce petit bout d'enfer se faisait ressentir à bien des lieues à la ronde.
“Creuser... pensa 19bis, creuser alors que je tiens à peine sur mes jambes. Creuser encore, alors que ces connards me lacèrent le dos sans vergogne. Creuser toujours alors que des types crèvent autour de moi !”
19bis s'écroula sous un coup particulièrement bien placé.
“Tu vas te relever tapette !” exulta le contremaître.
Les jambes flageolantes, le malheureux se redressa péniblement, à l'aide de sa pioche. Le sang lui battait aux tempes. Il voulut voir ses camarades d'infortune, mais l'eau et le sang coulant sur son visage l'aveuglaient. 19bis attendit que le garde soit sorti de son champ de vision pour se laisser tomber sur le ventre, laissant la pluie soulager ses nouvelles plaies.
“Tout le monde en rang par quatre! hurla le premier contremaître entre deux grondements de tonnerre. On rentre ! Et surtout n'oubliez pas votre matériel !” La fin de sa phrase se perdit dans le fracas de l'orage.
Un éclair foudroya le sol non loin. 19bis, se dressant douloureusement et arrachant ce qui restait de sa chemise, se mit en marche pour rejoindre la colonne.
Les quelques cent-cinquante fossoyeurs se mirent en marche pour regagner leur camp situé à sept kilomètres au nord. Un homme tomba et roula sur le bas-côté. Le garde le plus proche s'approcha du corps inerte et lui tira une bonne rafale de plomb dans la tête pour s'assurer que ce n'était pas une tentative d'évasion. Personne ne se retourna ; tout ceci était normal dans la vie des détenus et le message toujours clair: si on sort de CC7, c'est par l'ultime délivrance, la mort. La troupe avançait inlassablement vers son but et, ironie du sort, le seul endroit où aucun d'eux ne voulait aller était l'endroit précis où ils devaient obligatoirement se rendre.
Après une heure de marche forcée, les détenus arrivèrent en vue du solide complexe de leur prison. Tout commençait par une enceinte à l'unique porte de fer forgé, qui semblait venir de temps oubliés. Aucune imperfection n'était visible sur ces battants dépourvus de tout ornement. Satan les aurait lui-même forgés que personne ne s’en serait étonné. Une fois à l'intérieur des murs massifs, tout était pensé pour favoriser le maintien de l'ordre. Vingt miradors, munis chacun d'une gaetling montée sur pivot qui tirait sur tout détenu procédant à une tentative d'évasion, avaient été construits. La prison était bâtie en aval d’une grande forêt ou des détenus coupaient du bois pour en faire du charbon servant à alimenter en énergie tous les bâtiment du fort. De l’énergie gratuite fournie par des bras en suffisance. Par “soucis écologique”, le Directeur demandait chaque année de replanter les arbres car la vue de bois défrichés le rendait dépressif. Malgré tout, les prisonniers progressaient plus vite que les arbres ne poussaient...
La porte géante sembla avaler silencieusement les arrivants. A peine étaient-ils arrivés dans la cour principale, qu'un colosse au visage déformé par plusieurs hideuses cicatrices dont une à peine refermée, vint à leur rencontre. L'homme, revêtu d'un pantalon de treillis militaire ainsi que d'une impressionnante paire de chaussures noires à épaisses semelles, semblait taillé dans le roc. Il approcha de la colonne où se trouvait 19bis, en faisant jouer ses énormes muscles.
"Bienvenue chez vous bande de pédés... Bienvenue en enfer ! les accueilla-t-il. Tout le monde en rang : l'appel va commencer !
Un gars possédant une face de fouine sortit en courant du bâtiment le plus proche. Il s'arrêta à côté du colosse, prit un bout de papier de sa poche et commença l'appel le souffle court :
- 01bis, cria-t-il.
Le premier gars des rangs depuis la droite fit un pas en avant.
- 02bis, continua la fouine.
Personne ne bougea.
- 02bis.
- Un de moins, murmura le colosse. Excellent.
Les codes d'immatriculation se succédèrent. Sur les cent-cinquante fossoyeurs partis le matin, trente ne reviendraient jamais, car tous étaient mort d'épuisement, ou alors le désespoir les avaient poussés au suicide. Leurs noms seraient effacés de tout document officiel les concernant. Ils n'auraient jamais existé.
- C'est bon. Regagnez tous vos cellules, ordonna le colosse. Le dernier rentré a droit à un traitement spécial !”
L’ordre à peine formulé, tous les gardes présents formèrent deux lignes afin de créer un couloir se terminant devant l'entrée du bâtiment Est. La bastonnade allait commencer. Le rituel de fin de journée. Un océan de violence pure et gratuite allait fondre sur les détenus, pour le plus grand plaisir des gardes qui raffolaient tous d' actions sadiques du genre. Un fouet claqua. Le signal. Les détenus se ruèrent droit devant eux. Courant aussi vite que le leur permettaient leurs dernières forces. Fouets et bâtons s'abattaient sans faiblir sur tout ce qui passait à portée. Des corps chutèrent sur le sol détrempé, piétinés par tous ceux qu'ils précédaient. 19bis fut repoussé brutalement hors de la masse grouillante par un coup dans les côtes. Ses plaies étaient rouvertes et ses flancs le martyrisaient. Il effectua quelques tonneaux et finit par s'immobiliser hors de portée des coups. Il se dressa sur les coudes en gémissant. Il ne s'attendait pas au coup qui lui pulvérisa les côtes, lui stoppant net la respiration. Une lourde botte vint lui écraser une main et le colosse de tout à l'heure se pencha sur lui.
“Je crois que tu vas passer un mauvais moment, sussurra-t-il, un sourire mauvais aux lèvres, avant de cracher sur 19bis.
Il le souleva de terre jusqu'à la hauteur de son immonde visage et lui explosa le nez d'un coup de boule. A demi-conscient, 19bis ne fit rien pour se défendre, se contentant d'ignorer les multiples élancement que subissait son corps.
- Pourquoi tu réagis pas ? Tu veux jouer au dur ? questionna ironiquement la brute. On va s'amuser un moment... tous les deux... Ta mère ne t'a jamais appris à répondre aux questions qu'on te pose?continua-t-il sur le même ton.
19bis baissa les yeux, refoulant ses larme qui voulaient jaillir et se mélanger au sang qui coulait abondamment de son nez tuméfié.
- Mais je sais à présent... On pourrait te trancher la langue, vu qu'à première vue tu ne t'en sers pas...”
Là-dessus, 19bis sombra dans les ténèbres suite à un violent coup sur le bas de la nuque.