Une ch'tite nouvelle, réécrite deux fois en deux jours.
Anniversaire réussi
On ne savait plus où donner de la tête. Partout où se promenait le regard, c’était la liesse. Des explosions de couleurs et des saveurs arc-en-ciel qui régalaient les yeux. Ici et là, des clowns et des acrobates faisaient rire et applaudir grands et petits à force de jongleries et facéties. Un peu plus loin, des enfants jouaient, faisaient la ronde ou criaient afin de forcer leurs parents à leur offrir un tour de manège. Bref, tout n’était que bonheur et enchantement pour Matheo, un jeune forain qui ne se lassait jamais des attractions qu’offraient les siens à tous les villes et villages qui voulaient bien les accueillir. Il était d’autant plus heureux que cette nuit même, le clan fêterait son vingtième anniversaire. Les danses et le festin promettaient d’être grandioses ! Matheo se perdit dans une rêverie qui concernait tout particulièrement Giudh, une jeune fille qui l’envoutait à chaque regard, qui le faisait fondre à chaque sourire. Quel cadeau lui offrirait-elle ? Une lueur coquine illuminait ses yeux noirs lorsqu’il affronta à nouveau la foule. Il s’avança ver un bonhomme ventru qui tenait sa petite fille par la main. “Permettez ?” demanda-t-il en soulageant ce dernier de son chapeau. Le forain répéta l’opération avec cinq hommes, évidemment tous chauves. Alors, il se mit à jongler, exercice qui lui avait toujours paru simple et naturel. Et au vu de son habileté, personne dans le public n’aurait songé à le contredire s’il l’affirmait. Tout à coup, comme par magie, des balles mufti colores sortirent de chaque chapeau, venant se joindre à l’aérienne farandole. Des cris de stupeur précédèrent un tonnerre d’applaudissement. À la fin de la représentation, toutes les balles retournèrent d’où elles étaient venues. Le jongleur rendit chaque chapeau à son légitime propriétaire.
Matheo laissait ses yeux se promener sur les visages de jeunes femmes, et ce, qu’elles soient accompagnées ou non de leur amant ou d’un potentiel beau-père protecteur. Il avançait, la tête haute, la démarche féline. Il se dégageait de lui l’assurance et la noblesse qui étaient communes à chacun des siens. Arrivé près d’une grande tente, il regarda autour de lui et entra. Une vrai caverne d’Ali Baba. Ici se trouvaient tous les déguisements possibles et imaginables. De longs manteaux de clowns, raccommodés de mille pièces de tissus bariolés, étaient suspendus au-dessus de grandes chaussures à pompons. Une malle poussiéreuse recelait gants blancs et perruques vertes. Et juste à côté, une autre, pleine d’instruments fantaisie. Mais il y avait aussi des vêtements ordinaires, ceux qui, précisément, intéressaient Matheo. Il choisit une paire de pantalons noirs, une chemise blanche très mal repassée, ainsi qu’un blouson gris, tout autant négligé. Il se défit de ses oripeaux d’amuseurs et revêtit les habits soigneusement sélectionnés. Après quoi il sorti, non sans avoir revérifié que son maquillage le rendait parfaitement méconnaissable. L’après-midi était encore jeune et la fête battait son plein. Matheo avait des choses à faire et disposait du soir et de l’éternité de la nuit pour réaliser ses rêves. Il se rendit à la tente de “bonne aventure”, art que pratiquaient les femmes de son sang depuis l’aube des temps, tradition qui n’avait rien perdu de ses charmes et mystères en traversant les âges.
- On m’a dit qu’une vraie voyante se trouvait ici, déclara-t-il en pénétrant dans le minuscule chapiteau. Mais je voudrais moi-même faire démonstration de mes dons à cette personne.
Il s’assit en face de la jeune devineresse et commença en lui prenant la main.
- Je vois que vous êtes la plus belle femme au monde.
Elle chercha à l’interrompre et esquissa un geste pour retirer sa main.
- Chut ! Je n’ai pas fini, continua-t-il. Je vois aussi que vous allez avoir beaucoup de chance car vous allez rencontrer le plus charmant des hommes.
- Et qui sera-t-il ? demanda-t-elle, plus amusée que surprise.
- Mais voyons Giudh... La Voyante serait-elle devenue aveugle ?
Il la fixa droit dans les yeux. Ses iris noirs firent sursauter la jeune femme.
- Matheo !
- Pour vous servir, très chère ! dit-il, en riant.
- Tu es le pire des butors... Tu es... Tu..., reprenant son souffle, elle partit à son tour d’ un incontrôlable fou rire.
- Alors ? questionna-t-il.
- Alors quoi ?
- Tu veux bien passer le reste de la journée avec moi ?
Il rougit.
- Mais bien sûr, gros bêta ! accepta-t-elle en l’entraînant dehors par le bras, en riant de plus belle.
Lorsqu’ils sortirent de la foire, Matheo avait repris son apparence normale. Ils traversèrent, main dans la main, les quelques cultures qui les séparaient de la capitale. Des carrosses bourgeois les dépassèrent dans un nuage de vapeur tiède, traversant la rue principale avant de s’aventurer dans les quartiers chics.
Les deux jeunes gens progressèrent jusqu’au chœur de la cité, là où s’entassaient des centaines d’échoppes. Ils débouchèrent sur une place qui était au moins aussi agitée que leur champ de fête. De tout côté, ça slalomait ou bousculait pour se frayer un chemin, ça criait et haranguait des passants venus de tous les horizons. Bref, un joyeux tumulte faisait vivre ces lieux. Ils progressèrent jusqu’à la fontaine située en son centre.
- Attends-moi là, demanda Giudh en se tournant vers Matheo.
- Pourquoi ?
- C’est une surprise ! répondit-elle, malicieuse.
Matheo attendit, repêchant discrètement les pièces qu’avaient lancées dans l’eau des superstitieux en quête de chance. Les minutes se succédèrent, longues et monotones. Soudain, deux bras vinrent enserrer le cou du forain et des lèvres se collèrent à sa joue mal rasée.
- Tu as trouvé ton bonheur ? demanda-t-il.
- Le tien, j’espère, dit Giudh en lui faisant un clin d'œil.
Matheo réprima un montée de sang. Il tendit la main, dans l’espoir d’attraper le sac en tissu blanc, mais ce dernier disparu à la vitesse de l’éclair dans le dos de la jeune femme.
- Pas touche ! dit-elle.
- Allez ! Dis-moi ce que c’est !
- Si je te le dis, il n’y aura pas de surprise... argumenta-t-elle, faussement farouche. Ils se promenèrent longuement dans les ruelles et les boutiques. Les tentatives désespérées de Matheo pour découvrir le contenu du sac étaient devenues un nouveau jeu entre eux. Elle le laissait approcher le plus possible, avant d’écarter au dernier moment le cadeau. Une autre activité consistait à entrer dans les échoppes, en quête de l’objet le plus laid possible. Celui qui avait l’objet le moins moche subissait un gage. Giudh se plaignit vite du manque d’imagination de Matheo, qui, à chaque fois, exigeait un bisou. Ils s’amusaient aussi à se vêtir de la manière la plus extravagante possible. A un moment, la jeune femme crut mourir de rire lorsque Matheo mit uniquement des sous-vêtements féminins et ouvrit de nombreuses cabines d’essayage en demandant à leur occupante, plus ou moins dévêtue, si cela lui allait bien. Mais s’amuser comme des gamins n’avait jamais empêché le soleil de se coucher. “Allons ailleurs...” dit Giudh en appuyant sa tête contre l’épaule de Matheo. Ils sortirent de la ville, sous un ciel rosé, et elle l’entraîna jusqu’à un bosquet, isolé au milieux des champs. Matheo sentait son cœur battre si fort qu’il avait peur de voir sa poitrine exploser. La lumière du crépuscule filtrait doucement sur leurs visages lorsqu’ils avancèrent sous les arbres. Ils finirent par s’arrêter sous un grand chêne et demeurèrent là, sans un mot, immobiles. L’instant sembla durer des heures, les heures des années. La jeune femme fit le premier geste. “Retourne-toi s’il te plait, demanda-t-elle dans un souffle, un murmure. Il obéit. Il entendit le bruissement d’un chemisier qui tombait, le bruit d’une jupe glissant dans l’herbe. Le sang battait au tempe du jeune homme. Il ferma les yeux, cherchant un nouveau calme intérieur. Il ne les rouvrit que lorsque deux mains, les plus douces qu’il ait jamais connues, firent tomber sa chemise au sol. Sa respiration se saccada quand la moelleuse chaleur de la poitrine nue de Giudh vint se coller contre son dos. “Je t’aime”, chuchota elle. “Je le sais, car je n’ai jamais rêvé que de toi, et ne rêverai jamais que de toi”, répondit-il en se retournant lentement. Alors qu’elle rougissait légèrement, il la contempla. Elle n’avait laissé que sa culotte. Il respirait encore plus fort, si cela était possible, pendant qu’elle défaisait son pantalon. Nu, il déposa un baiser dans le cou de la jeune femme, laissa ses lèvres descendre jusqu’à son ventre et fit descendre sa culotte jusqu’à ses pieds. Une fois couché tous les deux sur leur lit de mousse, Matheo embrassa la chaleur du ventre de son aimée et s’ennivra longtemps de la saveur qu’il abritait. Giudh le fit remonter jusqu’à sa bouche en soupirant. Ils firent l’amour plusieurs fois. Commençant maladroitement et finissant passionnément. Fatigués, mais encore en pleine félicité, ils allèrent rincer dans la rivière la sueur qui perlait sur leur peau. Dans l’eau, ils finirent de se découvrir. “Le sac était vide... J’y avais juste mis une boite... C’était pour t’embêter...” Elle lui sourit timidement. “Je l’avais deviné, mais je voulais te laisser ce plaisir...”, répondit-il. Elle le pinça sans méchanceté, ce qui le fit éclater de rire.
La lune avait presque terminé son ascension lorsque les deux forains arrivèrent chez les leurs. Personne ne leur demanda où ils étaient passés. Il suffisait de les regarder pour comprendre. Giudh et Matheo se dirigèrent vers un immense bonhomme barbu, vêtu d’un tablier taché de sang.
- Tout est fin près pour ton anniversaire, mon fils, déclara le géant en les prenant par les épaules. Certains ont déjà commencé à cuire. On savait que vous n’alliez pas rentrer tôt...
Il leur adressa un sourire malicieux.
- Alors le repas s’annonce bien ! Si tu nous en laisses..., plaisanta Giudh en tapotant sur un ventre aussi impressionnant que son propriétaire.
Le géant prit une lampe à huile dégageant une forte odeur et pénétra dans la tente derrière lui. Le jeune couple le suivit. Cinq corps écorchés pendaient à des crochets.
- Ce sont ceux qui nous restent... Ça m’étonnerait qu’on arrive à tout manger ce soir ! dit le géant.
En reconnaissant un des hommes à qui il avait piqué le chapeau, Matheo ne put s’empêcher de sourire.
Fin
Sujet: Anniversaire réussi 
C'est quoi le rapport entre Matheo et Giudh et les 5 gars à qui Matheo a piqué les chapeaux?
(désolé pour le pourrissage, Hellebore).