Je me suis souvent demandé ce que ressentirait Paracelse poursuivi par mes dogues et mes serviteurs. Lui ou les impertinents de ce Forum qui ne se courbent pas en ma présence !
Voici la réponse (faite en un seul jet) :
LA TRAQUE :
La traque avait trouvé son rythme.
Dans le lointain, on percevait parmi les lambeaux brumeux, la meute humaine.
Une cohorte obstinée et avide.
Avide d'hommes.
Je suis le gibier aujourd'hui.
Les soldats me pistent depuis l'aurore, implacables, asservis dans leur funeste jeu.
Les broussailles écorchent le flanc de mes cuisses, les branches souffreteuses griffent mes bras à sang.
Je tente de protéger mon visage contre cette barrière naturelle.
J'offre une face crispée par la peur et le tourment. Une terreur indicible qui envahit l'homme et son enveloppe.
Je cours comme un dératé. C'est à peine si je perçois les coups de fusil qui claquent dans le bruissement de la forêt qui respire.
Emporté dans ma course claudicante, je tombe lourdement derrière un boqueteau épineux. La pente est abrupte et les angles acérés des rochers freinent ma chute.
Le craquement est perceptible.
La fracture d'un os rend une douleur insurmontable mais la crainte de mourir la domine.
Je me sers d'une grosse branche pour stabiliser mon corps et je me relève avec difficulté.
Les hommes ne sont plus qu'à une dizaine de mètres, les armes tendues et chargées.
Je ne respire plus que par lampées arythmiques. Une apnée de désespéré !
Cinq mètres.
Les chasseurs stoppent et me toisent.
Vulgaire crabe qui veut rejoindre la marée montante !
La falaise est là !
Les balles ou la noyade ?
Ce n'est plus une décision, c'est un dilemme. Un choix que le cerveau renonce à définir les contours.
Dans les yeux de mes poursuivants, j'y discerne de la joie.
La hardiesse de la traque luit dans leurs prunelles étincelantes de haine.
La puissance déifiée du chasseur, la miséricorde du traqué.
Je reste au bord du précipice et je contemple l'immensité bleuâtre.
L'océan me tend ses bras salvateurs.
Je ferme les yeux et laisse mon corps basculer, les bras en croix, libéré.
Je pense à ma femme.
Demain c'est son tour...