LE MANOIR DU FANTASTIQUE
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 Les lunettes brisées

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Olivier Michael Kim
Démon aztèque à la mode
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Olivier Michael Kim


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MessageSujet: Les lunettes brisées   Les lunettes brisées EmptyVen 17 Déc 2004 - 17:28

Il s'agit de l'exercice n°1 avec d'autres contraintes de mots pour un autre site


TEXTE AU FORMAT PDF


Ca fait plus de vingt ans que je l’ai découvert. A fait plus de vingt ans que je le sais. Pourtant, cet épisode de ma vie est toujours aussi intense, presque douloureux.

Je me souviens.

J’avais sept ans. Je passais les vacances de Noël chez mes grands-parents maternels. Non pas que j’avais besoin de voyager, mais ma mère était hospitalisée et mon père était en mission en Irak. D’ailleurs ma grand-mère n’habitait pas très loin, son vieil appartement de Saint-Cloud se trouvait qu’à quelques kilomètres de notre maison en bordure de la forêt de Chevreuse.

Je répugnais aller à Saint-Cloud. Je haïssais cet immeuble ancien, ses escaliers cirés, son hall marbré et ses gens. A chaque fois que je croisais le concierge ou un habitant, il me regardait bizarrement. Je suis métisse. Mon père est cambodgien et ma mère était blanche. Visiblement ma couleur de peau, mon type asiatique ne convenait pas au standing. Les étages étaient infestés de ces bourgeois racistes qui donnaient de l’argent au tiers-monde par hypocrisie.
Je haïssais cet immeuble.

Et puis… J’étais tout simplement un sale gosse ! Je courrais dans les escaliers, je glissais sur les rambardes, je jouais aux voitures dans le hall. Le concierge me dédaignait. Je le voyais à chacune de mes bêtises, sur son visage exsangue transparaissait un regard glacial. L’enfant que j’étais en faisait des cauchemars.

Bref. J’étais un enfant plein de vie, un enfant qui avait l’habitude de gambader en extérieur, pas un intérieur. Je faisais vraiment tourner ma grand-mère en bourrique !

Ce jour-ci j’avais fait ma pire bêtise. Comme la bonne était de congé, ma grand-mère préparait le déjeuner pendant que mon grand-père jouait au tennis à son club. Je jouais donc, comme chaque jour, avec mes voitures sur le parquet vitrifié. Mon plus grand plaisir était faire des traces sur le vernis de ces vieilles lattes en chêne. Mes petits véhicules suivaient à toute allure les routes dessinées par les veines du bois. Le plus rapide d’entre eux heurta le buffet du salon.

En m’approchant je constatai que ce meuble, habituellement fermé à clé, était entrouvert. Je jetai un coup d’œil derrière moi. J’entendais les marmites siffler, mais je ne voyais pas grand-mère. J’en profitai.

La porte s’ouvrit dans un crissement que je tentai de contenir. Mes yeux cherchaient avec curiosité quelque chose de nouveau, un objet qui se serait révélé un jouet par mon imagination.

Je pris un objet au hasard. C’était une grande boîte en fer, une vieille boîte de chocolats. Dans celle-ci je découvris une paire de lunettes cassées. Les verres manquaient aux deux cercles de la monture. En saisissant une des branches, celles-ci se mirent à osciller comme un pantin désarticulé. Il y avait aussi un petit album photo : un vieux classeur plus large que haut dont le parfum rappelait les greniers humides et poussiéreux.

Toutes les photos étaient en noir et blanc, sur un papier gaufré avec un cadre dentelé. Il s’agissait de photos de classe de ma grand-mère au Cambodge. Ma grand-mère était une Française qui y exerçait le métier de professeur de lettres. J’y voyais à chaque page une année différente, des élèves différents… Sauf à la page numéro 6 !

Cette page avait une marque plus personnelle. C’était une photo de mariage, le mariage de ma grand-mère avec un homme asiatique. Or mon grand-père était blanc ! Il n’avait rien à voir avec celui sur la photo. L’image présentait un homme sérieux avec des lunettes, celles trouvées dans la boite.

***

Je ne pouvais qu’imaginer un mensonge. Mon grand-père, le robuste gaillard qui jouait au tennis, était un imposteur. D’autre part, cela voulait dire que je n’étais pas à moitié français ! Seulement un seul quart de mon sang était du sang blanc, ce sang blanc qui me faisait défaut pour affronter le regard des autres.

De rage, je claquai la porte du buffet. Ma grand–mère rappliqua aussi sec.

- Olivier ! Tu t’es fait mal ? demanda-t-elle affolée.
- Non…

En lui répondant je n’avais pas décollé mes yeux de la boite en fer. Je commençai alors à me retourner. Elle vit ce que j’avais découvert et s’empressa de me retirer l’album.

- N’y retouche jamais ! hurla-t-elle.
- Mais Mamy ! Je veux savoir !
- Quoi ?
- Qui est le monsieur à lunettes.
- Le monsieur à lunettes est grand homme politique.
- Un Cambodgien ?
- Oui.
- Que lui est-il arrivé ?
- Au Cambodge, dit-elle avec émotion. Il y a la guerre. Il est mort.
- Pourquoi est-il mort ?
- Parce que les lunettes étaient interdites.
- Il pouvait les cacher, les enterrer...

Ma grand-mère était stupéfaite par la pertinence de mes questions. Un moment de silence saisit l’instant, comme pour marquer sa gravité. Devant mes yeux insistants, elle reprit.

- Il les a cassés et ensuite il les a cachés. Mais les Khmers rouges l’ont reconnu malgré tout.
- Les Khmers rouges ? Ces sont les méchants ?
- Oui. Des très méchants…

Des sanglots difficilement contenus glissaient sur sa joue. Ma colère avait fait place à la compassion. Un quelconque enfant ne pouvait rester insensible au chagrin de sa grand-mère. Je lui fis alors un câlin pour la réconforter autant que je pouvais. Trop de questions avaient été posées, j’arrêtai de la harceler. Je gardais quand même en main, la paire de lunettes qu’elle avait oubliées.

Pendant mon étreinte avec Mamy, grand-père entra dans l’appartement. Il nous scrutait et voyait bien le chagrin qu’éprouvait sa femme. Elle ne bougea pas, mais moi je courus vers cet homme que j’aimais tant.

Je pris sa main et l’ouvris, doigt après doigt. Dans celle-ci je lui remis les lunettes brisées du monsieur cambodgien. Il comprit alors que j’avais découvert. Il ne pouvait plus être mon vrai grand-père. Il s’écroula en larmes dans le canapé.

- C’est pas grave, lui dis-je pour le consoler.

Il n’avait rien entendu, trop affecté par la perte de son unique petit-fils.

Ce jour-ci, je n’avais pas su qu’elle était l’histoire de ma famille. Bien plus tard, on m’avoua que les Khmers rouges avaient emmené mon vrai grand-père dans un camp de rééducation en 1973. C’était un personnage politique trop connu. Briser ses lunettes, symbole des intellectuels, ne lui avait pas suffi...
Ma grand-mère s’était alors remariée avec un autre homme en 1975, un an avant ma naissance…
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MessageSujet: Re: Les lunettes brisées   Les lunettes brisées EmptyVen 17 Déc 2004 - 18:47

Texte touchant, bien sûr, j'ai senti comme une vraie histoire intime où se mêleraient souvenirs personnels auto-biographiques et fiction. Je ne saurais pas démêler les 2. Ou alors c'est tout l'un ou tout l'autre ? Tu n'es pas obligé de répondre !
Ca se lit bien, mais quelques fautes de temps de conjugaisons m'ont gênée. Facile à corriger. Et si tu es un garçon, tu es un "métis", pas une "métisse"...
Ou encore "je n'ai pas su QUELLE était...".
Je n'ai pas pu imaginer les mots obligatoires, donc forcémenbt ils sont bien placés ! Tu nous dira desquels il s'agissait ? Merci !
Dialogues bien menés aussi, après cettte belle description de l'immeuble au début que j'ai bien aimée.
Le petit côté historique sur le régime local ajoute une touche dramatique qui sonne vrai.
Bref, récit véridique, vraisemblable, pas mal Olivier.
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Olivier Michael Kim
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MessageSujet: Re: Les lunettes brisées   Les lunettes brisées EmptyVen 17 Déc 2004 - 21:43

J'espérais que ça sonne vrai ! Il y en a un peu, mais c'est en grande partie une fiction.
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MessageSujet: Re: Les lunettes brisées   Les lunettes brisées EmptyVen 17 Déc 2004 - 21:57

Citation :
Si je suis connecté tard le soir... C'est parce que je suis de corvée de biberon
Vu ta présence sur ce site à des heures indues, Benji doit passer son temps à boire... Quel glouton !
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MessageSujet: Re: Les lunettes brisées   Les lunettes brisées EmptyVen 17 Déc 2004 - 22:01

Citation :
J'espérais que ça sonne vrai ! Il y en a un peu, mais c'est en grande partie une fiction.
Alors "ça sonne vrai" ! car je pensais l'inverse : beaucoup de vrai, une pointe de fiction ! Bravo, bien joué !
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MessageSujet: Re: Les lunettes brisées   Les lunettes brisées EmptySam 18 Déc 2004 - 7:05

Si j'ai beaucoup aimé ton autre texte de l'atelier, j'aime celui ci davantage encore. J'aime bien ce genre d'histoires où toute la subtilité réside dans les sentiments et les émotions. Sentiments que tu fais bien ressortir d'ailleurs, et sans vouloir paraphraser Mo, je dirais que ton texte a effectivement un côté touchant.
Voilà sinon au niveau de la forme, je ne vois pas bien ce que je pourrais dire si ce n'est que c'est fluide et agréable à lire.

Par contre je serais curieux de savoir quelles contraintes t'étaient imposées dans cet exercice...
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MessageSujet: Re: Les lunettes brisées   Les lunettes brisées EmptyDim 19 Déc 2004 - 22:16

Vincent,
cet exercice est le même que celui de l'atelier avec des mots imposés différents :
exsangue
parfum
canapé
chocolat.

Voilà Smile
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MessageSujet: Re: Les lunettes brisées   Les lunettes brisées EmptyDim 19 Déc 2004 - 22:48

Ah donc voilà les mots cachés ! Ils sont bien passés alors, le seul qui m'ait gêné est le "parfum", je l'avais noté en me disant : tiens, le mot "odeur" aurait été plus approprié à cet endroit ! Mais j'ai compris maintenant.
Pas mal.
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MessageSujet: Re: Les lunettes brisées   Les lunettes brisées EmptyJeu 23 Déc 2004 - 10:41

Très touchant comme texte, même si un peu trop bref à mon goût !
Détail : j'ai adoré le passage "les marmites sifflaient"... Avec deux ou trois descriptions de plus, on s'y serait cru à 200%...

Sinon c'est fluide, tout est clair, net et précis ! J'adore ! thumleft
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MessageSujet: Re: Les lunettes brisées   Les lunettes brisées EmptyJeu 23 Déc 2004 - 11:52

Merci Thomas.
Tu aurais des suggestions pour les descriptions?
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MessageSujet: Re: Les lunettes brisées   Les lunettes brisées EmptyJeu 23 Déc 2004 - 13:59

ah bah je sais pas... peut-être parler des effluves de pot au feu diffusées par nappes épaisses dans l'appartement, un truc comme ça, une odeur d'oignons ou de carottes !! Le truc qu'on a tout senti mijoter chez nos grand-mères sur le coup de midi moins le quart !
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