Un petit texte bête et méchant issu d'un délire. C'est brut de décoffrage hein !Le grand type étrange de la sécurité
Quand les gens parlent de moi, ils prennent cet air entendu qui signifie « vous voyez qui je veux dire », et se mettent à chuchotter.
Quand les gens parlent de moi, leurs yeux s'agrandissent et balaient les environs afin d'être sûrs de ne pas être entendus.
En fait les gens évitent de parler de moi, de peur d'attirer le mauvais oeil. De peur que je surgisse des ombres et les emportent pour avoir osé prononcer mon nom. Comme s'il s'agissait là d'une incantation diabolique.
Je suis le grand type étrange de la sécurité.
Mon boulot n'est pas compliqué, il consiste simplement à faire régner l'ordre et à écarter les menaces, avérées ou non. Et je ne crois pas éxagérer en affirmant que depuis deux ans que je suis à mon poste, aucun vol, même minime, n'a été recensé. Et ce grâce à mes méthodes révolutionnaires. La direction du centre commercial me laisse carte blanche et me fournit une bombe lacrymogène, une paire de menotte et une matraque en fonte. Pour le reste c'est à moi de gérer. Et croyez moi: je gère.
Je me poste près des portiques et observe. Je vous observe. Vos attitudes et vos regards au moment de franchir les bornes de sécurité. Et croyez moi, vous vous trahissez tous, je peux flairer la malveillance avant même qu'elle ne germe dans vos esprits. Un mouvement de paupière, un geste anodin, une façon de se tenir, des mouvements involontaires du muscle buccinateur, et j'en passe. Vous êtes déjà repéré avant même d'avoir une chance.
Mais ma charge de travail ne se limite pas à jouer les piquets à la sortie sans achats. Régulièrement je fais une ronde dans les rayons, histoire de débusquer le mal à sa source. Saviez-vous que la plupart des vols échouent ou réussissent à l'intérieur même du magasin ? Car voyez-vous lorsque vous passez les portiques le sort en est jeté. Il y a 237 caméras braquées sur vous en permanence et trois systèmes de protection pour chaque article. Et si vous vous croyez finaud en consommant sur place, vous risquez d'être surpris par l'efficacité de nos bornes au moment de sortir.
Mais admettons... Par miracle, vous parvenez à contourner le problème, et croyez moi c'est impossible, par je ne sais quel sortilège vous parvenez à échapper aux caméras et aux bornes, de toute façon je vous attends à la sortie. Fatalement. Et je ne suis pas le genre de problème qu'on résoud.
Il y a un truc qui me chiffonne avec la mamie au gilet bleu. Voilà maintenant six minutes qu'elle retourne ce paquet de chips dans tous les sens, comme si elle cherchait à lire l'heure dessus. Ou comme si elle cherchait à y insérer des articles. Je vous recommande la plus extrême vigilance face à ce genre de combines, car cela élimine directement le problème des bornes. Si un connard -ou une grosse pétasse dans le cas qui nous occupe - parvient à berner les caméras sur ce coup-là c'est foutu. Car alors il – ou elle - passera en caisse avec son paquet de chips et repartira sans être passé par moi. Mais je vous l'ai déjà dit... N'imaginez pas berner 237 caméras.
Et là, elle vient de se trahir. Elle vient de jeter un coup d'oeil sur le côté. Trop rapidement.
Si un jour vous êtes amenés à exercer cette noble tâche qu'est la sécurité en grande surface, sachez que furtivité = culpabilité. La vieille cherche à m'entuber et elle le sait. C'est pour cette raison que son regard de côté est si rapide, la vieille n'est pas tranquille et préfererait que son attitude coupable reste inaperçue, pour ce faire elle croit malin d'accélerer le mouvement. Elle a tout faux. Si vous voulez allez vite, allez lentement. Croyez moi.
En tout cas je tiens ma première arrestation de la journée, ce qui amène le compte à soixante-quatorze rien que pour cette semaine.
En deux pas je me glisse derrière la mamie. Cette dernière, surprise par l'ombre de mes 2m06, se retourne en sursautant. Aussitôt elle porte la main à sa bouche et sourit comme une idiote.
- Oh, vous m'avez fait peur !
Tu m'étonnes, grosse conne.
- Je ne m'attendais pas à trouver quelqu'un d'aussi grand derrière moi, qu'elle me fait avec un grand sourire. Comme s'il y avait quelque chose d'amusant à la situation.
- Je peux savoir ce que vous faîtes ? dis-je sans me départir de mon air autoritaire. Question purement rhétorique, puisqu'il est déjà clair que la vieille essaie de m'enculer à sec.
- Eh bien, voyez vous jeune homme, j'ai beau regarder, je ne vois nulle part le prix sur cet arti...
Le malin essaiera toujours de vous troubler par ses paroles, il aura toujours en réserve un mot pour semer le doute dans votre esprit, une phrase qui vous fera perdre votre bon sens. Si vous laissez les gens discourir sur leurs actes, ils finiront toujours par leur trouver une explication. A moins que vous n'y alliez fort. Très fort. N'ayez pas peur, soyez brutal, ne faîtes aucune concession et la vérité éclatera. Croyez moi.
Avant même qu'elle ne finisse de tisser son mensonge, je saisis la vieille araignée par les cheveux et la tire un coup sec en direction du sol. Ses jambes cèdent et elle tombe lourdement sur les genoux. Je lui balance un coup de matraque dans le bras qui tient encore le paquet de chips et la regarde s'effondrer sur le carrelage.
Je lui attrape les bras et les lui passe dans le dos, je la menotte et la soulève par les poignets jusqu'à ce qu'elle ne touche plus le sol.
- Puis-je savoir ce que vous faîtes ?
La vieille hurle et pleure, elle me supplie de la lâcher, je lui fais trop mal. Une goutte de morve tombe sur le carrelage, et je peux déjà l'entendre renifler bruyamment, elle a du mal à respirer. C'est à ce moment là qu'il faut définitivement briser le mal, lorsque vous sentez que le type – ou la pétasse – est à bout, portez le coup de grâce.
Je la remets debout, juste le temps pour elle de reprendre sa respiration, et lui envoie un coup de fonte en plein sur l'arrête du nez. Le sang jaillit et s'écrase par terre en formant de grosses gouttes épaisses. Elle s'effondre immédiatement et cesse de bouger. La vieille respire encore, juste assez pour avouer son crime. Après ça, et après seulement, elle sera en règle avec la maison. Alors je lui repose la question.
- Puis-je savoir ce que vous faîtes ?
Entre deux crachats rouges vifs, la vieille tente d'articuler quelque chose.
- Au secours...
Ce n'est évidemment pas ce que j'attendais et j'en suis assez surpris. A ce stade, vous avouez tous, croyez moi. Alors pourquoi cette obstination ? Où trouve-t-elle la force de persister dans son mensonge ? Se pourrait-il que je me sois trompé ? Ma foi, cela arrive de temps en temps, mais tout de même...
La vieille semble désormais secouée de spasmes, elle s'étouffe dans son sang et ses yeux se révulsent. En voilà une qui risque fort d'emporter son secret dans la tombe.
Ce qui est très contrariant.
Je saisis alors le paquet de chips qui gît par terre, l'ouvre d'un geste sec et le retourne, vidant son contenu sur le sol. J'éparpille les chips d'un mouvement du pied à la recherche d'un objet compromettant.
Rien.
Etrange.
Oh, elle avait sûrement de mauvaises intentions de toute façon.
Croyez moi.
Je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit mais quand les gens parlent de moi, ils prennent cet air entendu qui signifie « vous voyez qui je veux dire », et se mettent à chuchotter.
Quand les gens parlent de moi, leurs yeux s'agrandissent et balaient les environs afin d'être sûrs de ne pas être entendus.
Il y a un truc qui me chiffonne avec la gamine au rayon confiseries...