LE MANOIR DU FANTASTIQUE
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 Elle

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ErikaLolita
Vampire de campagne
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ErikaLolita


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MessageSujet: Elle   Elle EmptyLun 23 Mai 2005 - 8:00

Elle est encore là ! Cela fait bientôt deux mois qu’elle vient, elle regarde la grande horloge de la mairie. Les yeux dans le vague, un léger tremblement par instant, la tête un peu penchée sur le côté. Elle est assise sur le banc en bois bleu. Il y en a des verts pourtant elle choisit toujours celui-ci.
Couleur du ciel, de la mer, de ses yeux. Seulement l’azur de ses yeux est parfois traversé d’un éclat gris, gris de douleur.

Tandis que le bleuté du banc est rehaussé par des teintes roses. Elle porte un pantalon de velours rose pâle. Il met ses formes en valeurs. Un petit débardeur de coloration plus soutenue lui embellit le teint. Je sais, par indiscrétion, qu’il s’agit d’un débardeur ! Lorsqu’elle se penche un peu, j’en aperçois la fine bretelle sur sa peau blanche. Par-dessus, elle porte un gilet. Un gilet rose, aussi, évidemment. Il est court et retenu devant par une broche ornée de petits brillants aux diverses teintes.

Je la vois porter le même ensemble depuis que je la connais. Enfin depuis que je l’observe plutôt. Etrangement, j’ai la sensation de la connaître depuis toujours.

Je m’assois en face d’elle. Elle ne me voit pas. Je dois vraiment être insignifiant comparé à ses multiples pensées. Oui, elle pense beaucoup. Je le sais, je le vois grâce à ses gestes. D’ailleurs en ce moment elle pense à une chose heureuse. La nuit vient de tomber dans ses yeux. Oh ! Non, non ils ne sont pas sombres pour autant ; il y brille en fait une multitude d’étoiles. Spectacle magnifique. Si le ciel s’assombrissait, son regard éclairerait la terre.

Et puis cette esquisse de sourire sur ses lèvres. Adorablement fin, subtil, discret. Tel la douceur d’une aurore au printemps. A l’instant où la nuit s’efface pour faire place au jour. Ses lèvres s’entrouvrent, sa langue vient délicatement les humidifier. Je resterais des heures à la regarder, d’ailleurs je reste des heures à la regarder. Elle m’obsède, elle hante mon esprit.

Elle se lève. Elle marche doucement, je me prends à rêver qu’elle vole tant ses pas sont légers. Ses cheveux châtains, balayés de temps à autre par la brise, viennent glisser dans son cou. Elle s’arrête près de moi. Mon cœur bat à tout rompre. Je peux désormais distinguer chacun de ses traits. Les effluves fruités de son parfum viennent me submerger l’esprit et le corps. Elle lève le visage vers le ciel, ferme les yeux. Sa poitrine se soulève au gré de sa respiration, je sais à cet instant que son inspiration est profonde. Son sourire s’efface, la douleur s’installe. Les bras le long de son corps, ses poings se ferment. Elle reste ainsi quelques instants. Je ne sais à quoi elle pense mais je ressens sa tristesse au fond de moi. Mon cœur se serre.

Elle redresse la tête, rouvre ses yeux. Je constate que les étoiles en sont parties pour faire place au voile des larmes retenues. J’aimerais savoir où ses pensées vont se perdre. J’aimerais savoir ce qui la fait passer du sourire aux larmes. J’aimerais, mais ce n’est qu’un souhait, un souhait irréalisable !


Elle s’agenouille, sa main effleure l’herbe dans une douce caresse. Je devine que dans son esprit elle frôle autre chose. Elle est toujours près de moi, si près, trop près ! Mon souffle est court et saccadé, j’espère qu’elle n’en ressent rien. Non, de toute façon je crois qu’elle est dans son monde, à des années lumières du mien et de cet instant.

Sa main s’arrête sur une pâquerette, elle la coupe. Je vois ses lèvres bouger à chaque pétale qu’elle enlève. Je l’imagine dire « Il m’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout, il m’aime, un peu,… ». La fleur est dénudée. Sa main redescend doucement et lâche ce qu’il en reste.

Elle retourne s’asseoir, les épaules basses, le visage fermé. Ses jambes se croisent et ses yeux se figent à nouveau sur l’horloge. Je doute que le dernier pétale soit parti sur « à la folie ». Sa douleur est palpable. J’ignore ce qu’elle attend mais elle est d’une très grande patience. Sa souffrance augmente un peu plus à chaque moment. Je ne crois pas que ses yeux retiendront longtemps les larmes qui tentent de s’échapper à chaque battement de cils. Seize heures sonnent au clocher. J’ai à peine bougé, juste desserré ma cravate afin de pouvoir mieux respirer lorsqu’elle était si proche.

Elle ferme de nouveau les yeux, sa poitrine se soulève fortement, sa tête s’enfouie dans ses mains délicates. Elle jette un coup d’œil à l’horloge, j’ai juste le temps de voir ses yeux rougis. Je baisse le nez dans mon livre au moment où son regard se pose sur moi. Quand je relève la tête elle n’est plus là. Il me semble, pourtant, ne pas m’être plongé trop longtemps dans ma lecture. Mais les faits sont là, elle est partie. Il me faudra attendre demain pour la revoir.

Elle disparaît toujours à l’instant où je détache mon regard d’elle.


-----------------------------


Le soleil est au zénith. Il fait une chaleur accablante aujourd’hui. Je doute de sa venue. J’attends un peu. Un tout petit peu, pour avoir bonne conscience. Je me suis trompé, la voilà. Toujours si légère dans ses mouvements, elle me fait penser à un papillon aux ailes délicates. J’ai l’impression que le moindre courant d’air pourrait la briser en deux. Elle est si frêle, si fragile.

Deux détails ont changé sur sa toilette. Son pantalon s’est mué en une jupe lui arrivant juste au-dessus des genoux. Elle porte un chapeau ; chapeau rose, ça va de soi ! Ses cheveux sont relevés, juste quelques mèches se sont échappées. Elles virevoltent porté par le vent.

Il me semble qu’une chose a changé sur son visage. Je n’arrive pas à savoir quoi. Ah si ! Je sais ! Elle a mis du fard sur ses paupières. Il est bleu pale. La couleur de ses yeux s’en trouve plus prononcée. Si jamais elle me regarde, je m’y noie.

Elle semble joyeuse aujourd’hui. Pour combien de temps ? Je l’ignore. Elle s’assoit, croise ses longues jambes. Ses yeux se portent inlassablement sur l’horloge. J’aimerais être l’horloge pour bénéficier de ce doux regard. Mais je ne suis qu’un homme, rien de plus.

Elle vient ici tous les jours que Dieu fait. Curieusement, son banc est toujours libre. Comme si toutes les personnes venant ici savaient qu’il était pour elle ! En fait le mien également reste à m’attendre. Heureusement pour moi. Je ne pourrais pas passer sans m’arrêter. Elle m’attire comme un aimant.

J’ai vraiment l’impression qu’elle vit dans sa bulle. Je ne sais pas si elle voit les gens autour d’elle. Une fois, un enfant est venu et l’a regardée au moins cinq minutes. Il semblait fasciné. Elle, elle n’a pas bougé. Comme si l’enfant n’était pas là. Elle est très étrange quand j’y pense. Son corps est là mais son esprit est ailleurs.

Elle joue avec une mèche de ses cheveux. Elle l’entortille autour de son doigt. Elle a le regard heureux, clair, presque limpide. Nos bancs ne sont pas très éloignés, sa position me donne loisir de la regarder en détail. Je pourrais me mettre à danser et à chanter, elle ne me verrait toujours pas. Elle est immergée dans ses pensées, j’arrive à me demander si elle ne va pas se perdre sur le chemin de son inconscient.

Le temps passe vite, le clocher annonce quinze heures. Je vois son visage se crisper au fur et à mesure que la cloche égraine l’heure. Son rendez-vous est en retard. Identique à tous les autres jours. Et elle, elle attend. J’aimerais savoir quoi ou plutôt qui !

Par instant j’entends comme un sifflement à mon oreille et, dans ses moments là, elle ferme les yeux et porte ses mains aux doigts entrecroisés jusqu’à sa figure. Oui, oui on dirait qu’elle prie !

Elle se redresse, remet son chapeau correctement. Le vent s’est accentué. Elle regarde furtivement autour d’elle. Aujourd’hui, ma tête refuse d’obéir et je continue à la contempler. Je me sens comme engourdi. Un vrombissement terrible vient se répercuter dans ma tête. L’air me manque.


Au moment où son regard croise le mien, brusquement je me sens aspiré. Elle se dirige lentement dans ma direction, me tend la main. Je la prends délicatement dans la mienne. Mes gestes sont mécaniques, dictés. Une clarté aveuglante nous entoure au contact de nos mains.

Sa peau est veloutée, chaude. Sa douce voix murmure à mon oreille : « Mon amour, réveille-toi ! Je t’en supplie, ma vie sans toi n’a pas de sens. Il est temps pour toi de rentrer, cesse de te promener dans les limbes et retourne vers la lumière. Prends ma direction, ne m’abandonne pas pour aller vers la mort. Depuis deux mois je viens te voir tous les jours et je mets constamment mon ensemble rose, celui que tu aimes tant. Je désire être belle pour toi alors je t’en supplie reviens vite. Parfois je pense à nous avant cet accident, la vie était si belle. Puis la réalité vient me sauter au visage et tout s’assombrit. Te souviens-tu la naissance de ton fils ? Il t’attend aussi, sais-tu ? J’ai peur de la vie sans toi. En allant au parc, l’autre jour, j’ai fait un petit bouquet de pâquerettes. J’en ai effeuillé une, comme on fait quand on est enfant, à chaque pétale je disais : il reviendra aujourd’hui ; bientôt ; un jour peut-être ; jamais. Fais mentir les fleurs, je t’en prie, le dernier pétale est parti sur ‘jamais’… »


Je l’écoute parler, mon corps se soulève. J’entends sa voix, cette voix si familière mais je n’ai plus son image. Une peur terrible m’étreint, puis la douleur. J’ai mal à la poitrine, ma respiration se coupe. Je ne sens plus ses mains, j’entends uniquement sa voix résonner à mes tympans. Je suis perdu, tout est noir autour de moi. J’aperçois, au loin, un filtre de lumière. Je m’approche. Le son s’intensifie, des odeurs mélangées se rejoignent dans mes narines. J’en reconnais une dans la masse, une odeur familière. Un parfum aux effluves fruités.

Sa voix me guide toujours. Je la suis, me laisse porter. Je… je vois… je vois des images défiler dans ma tête. Une route sombre, des phares, puis… tout se fige.

La lumière est plus intense encore, le son également. Ma tête semble prise dans un étau, j’ai mal, si mal. Il me semble être allongé mais je n’arrive pas à bouger. Seul mes yeux tentent de répondre. Je fronce, étire mes paupières. J’entends du monde s’agiter autour de moi. Je commence à ressentir de nouveau des contacts mais ce n’est pas elle. On me touche les bras, le torse. Ça y est mes yeux obéissent, je les ouvre et… elle est là !

Elle avance vers moi en poussant un médecin ou un infirmier, peu importe. Elle me regarde, se penche et me sert soudainement dans ses bras. Plus rien d’autre ne comptent pour moi. A cet instant je ne souhaite qu’elle, ses larmes salées qui glissent dans ma bouche par mes lèvres entrouvertes et ses quelques mots qu’elle me susurre doucement: « mon amour, tu es revenu. Je t’aime.»
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Yann
Blondasse efféminée
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MessageSujet: Re: Elle   Elle EmptyLun 23 Mai 2005 - 16:25

Je l'ai lu d'un trait, et je n'ai rien à dire, sinon que je suis sous le charme de cette histoire, bien racontée de plus.
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viniwow
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viniwow


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MessageSujet: Re: Elle   Elle EmptyMar 24 Mai 2005 - 8:47

Excellent et très bien écrit! Ca se lit très bien et ça change un peu de ce qu'on lit d'habitude, ça donne un peu de fraîcheur! Et la fin est bien vue, belle chute!
Bravo, un très joli texte! : thumright
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thomas desmond
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thomas desmond


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MessageSujet: Re: Elle   Elle EmptyVen 27 Mai 2005 - 6:53

Comme l'ont dit les collègues, joli texte, avec quelques belles descriptions, notamment par rapport à "elle", de nombreuses maladresses pas trop graves qui pourraient être facilement corrigées en une relecture au calme... Sinon j'ai été assez déçu par la fin, amené assez brutalement dans un paragraphe où "elle" explique tout... ça manque un peu de finesse je trouve... j'aurai aimé un dénouement plus nuancé, moins fleur bleue quoi...

Sinon l'idée est séduisante, romantique et joliment coloriée, si j'ose dire...
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