Je vous présente ici l'un de mes premiers textes, que j'ai écrit en l'occurence d'un gala qui se déroule à mon école. C'est un texte à mi-chemin entre la poésie et le drame, et sa construction est assez abstraite. Chacun le perçoit comme il l'entend. Bien sûr, il n'est que de courte durée vu les nombreuses restrictions que le gala m'imposaient.
À la dérive...
L’homme reprit pied en s’appuyant sur une souche bien connue de lui, qui avait fait office d’oreiller ces derniers jours. Recrachant le sable humide qui avait su gagner sa bouche durant son sommeil, il contempla une fois de plus ce paysage typique de la mer, qu’il sondait comme de coutume à chaque levé du jour.
Cette fois-ci, ce serait peut-être la dernière fois…
Son regard se porta machinalement aux vagues, qui, déchaînées dans cette mer matinale, déferlaient sur les rochers, mettant un terme à leur courte existence.
Tôt ou tard, la même fin lui serait accordée.
Des pensées qu’il avait plus tôt jugées inappropriées fusèrent alors à son esprit. Des maux caverneux qui dépassaient certaines marges de l’entendement, mais qui, curieusement, lui étaient intimement liées. Il était temps pour lui d’affronter une réalité qu’il avait fui depuis toujours : la mort qui le guettait, dans ses moindres gestes, et qui mettrait bientôt un terme à cette triste destinée.
Elle approchait. Aveuglément guidée par les flots, cette pensée fatale de l’homme s’avançait vers la grève. Le coup de grâce se préparait…tranquillement, mais d’une terrible fatalité.
L’homme s’était tendrement endormi à sa place habituelle quand son sommeil fut troublé par quelque chose des plus inattendus. Un objet, si petit soit-il, était entré en contact avec son pied. Une bouteille. Il la prit dans ses mains et la retourna plusieurs fois, comme s’il redécouvrait quelque chose qu’il n’avait pas vu depuis longtemps. Très vite, il comprit.
Elle évoqua chez lui un sens si profond qu’il éclata en sanglots. À travers ses larmes, il aperçu dans le verre un lettre parcheminée.
Pris d’un élan de volonté, il la sépara de son bouchon de liège et fit sortir délicatement le parchemin de son récipient. Une essence vint à ses narines. Puis, reconstituant certaines bribes de ses souvenirs, il comprit que c’était ce petit objet qui, jadis empli de son liquide enivrant, l’avait entraîné à sa perte…
La lettre était parcourue d’une écriture serrée et raffinée.
Son écriture. Elle se lisait sous forme de journal intime, mais, étrangement, aucune date n’accompagnait les écrits. L’homme n’en fut pas surpris. Depuis qu’il s’était aventuré sur ces rives inconnues, le temps ne comptait plus. Il était figé, figé dans la béatitude de ces mers éperdues.
Cette missive venait d’une source inconnue, écrite à même sa plume. Il fabulait.
Le mourrant entama une longue lecture à travers un passé oublié.
Tout y était nommé. En détails, de la complète nomenclature de ses échecs à celle de ses réussites, puis le résultat final. Celui-là, il le connaissait trop bien. Son idiotie l’avait menée jusqu’à cette grève oubliée de sa pensée, pour que s’écoulent les derniers jours d’une vie qui tendait à disparaître. Cette bouteille, issue des méandres de son esprit, était un rapport bien complet des chemins tortueux qu’il avait emprunté. Ainsi, il partirait sans ignorer ce que lui avaient coûté ses années de déboires.
L’homme termina la lecture. Faiblissant, il remis la bouteille à la mer, et s’affaissa, luttant contre la noirceur qui gagnait du terrain sur son âme. Puis vint le moment où la bouteille disparue de son champ de vision, emportée par les flots. Plus rien…