J'ai hésité longtemps avant de la mettre sur le forum, car disons que c'est le meilleur exemple d'un texte écrit sur le coin d'une table. J'ai écrit le premier jet en un peu plus d'une heure et, après quelques corrections, le tout était terminé, avec un résultat moins que satisfaisant. Je ne sais pas si vous allez comprendre ce que je voulais que vous compreniez en l'écrivant, mais disons que ce n'est qu'un exercice, et que le meilleur moyen d'apprendre est en expérimentant toutes sortes de textes. Donc la voici !
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UNE VOIX DANS LE COULOIR
Alors qu'il s'apprêtait à éteindre sa lampe de chevet, François crut entendre une voix venant du couloir. Un souffle saccadé, puis des paroles inintelligibles. La résonance du passage en étouffa la source, mais il estima néanmoins qu’elle venait du bout du couloir. Ce recoin sombre, reculé, ce lieu de recueillement pour toute âme impie.
François porta un regard suppliant à sa lampe d’écriture, l’implorant de ne pas mourir dans la nuit venante. Depuis son arrivée à la maison de sa mère défunte, rien n’avait troublé la quiétude qui y régnait. Malgré son antique architecture, l’habitation était des plus résistante, et seul le vent qui s’élevait parfois parvenait à en ébranler la carcasse.
Cependant, cet endroit mystique avait nuit à sa tranquillité d’esprit depuis le début. Au fond d’un étroit corridor, sous un voile de ténèbres, il y avait une porte. Une porte qui n’avait pas été épargnée par le temps, et qui en gardait de profondes blessures. Une ouverture qui recelait peut-être quantité de secrets, mais dont l’apparence si repoussante dissuadait tout visiteur d’y pénétrer. Et c’est derrière celle-ci que François entendit la voix, ce soir-là. Un appel à l’aide, à peine étouffé par l’épaisseur de la surface de bois…
Il avançait présentement à pas feutré, plus alerte que jamais. Il avait laissé derrière lui toutes ses craintes pour en découvrir ses plus irrésistibles désirs. Son obsession d’y accéder, son besoin d’en apprendre davantage sur cette pièce inconnue. Car il y avait bel et bien une attraction qui en émanait, et qui encourageait le jeune homme d’en franchir le seuil. Mais persistait aussi cette peur pesante, cette appréhension intimement liée au chagrin qu’il avait éprouvé suite à la mort de sa mère. La lumière mourait peu à peu dans son sillage. Bientôt, ce serait la noirceur totale…
La voix s’était éteinte depuis un long moment, mais il s’était résolut de franchir la barrière de ses inquiétudes, et le fait de régresser n’était plus à concevoir. Il posa la main sur la poignée et tourna, la respiration haletante. Si verrou il y avait, il n’était maintenant plus d’aucune utilité, car le jeune homme parvint à ouvrir la porte avec une facilité déconcertante. Selon toute logique, quelqu’un avait pénétré en ces lieux récemment, car rien ne démontrait d’une utilisation rarissime. Aucune toile d’araignée n’avait été tissée dans le cadrage, le sol n’était pas tapissé de poussière et une lampe était même suspendue au plafond de la pièce. Devait-il allumer la lumière ? La question lui parut inutile, mais il se permit de la reconsidérer. Était-il vraiment prêt à affronter la vérité ? Voulait-il vraiment découvrir les particularités de cette source de mystère ?
À tâtons, il s’avança dans la pièce et appela :
-Il y a quelqu’un ?
Le silence. Aucun son, sinon celui de son propre souffle qui se faisait haletant. L’obscurité le dissimulait, mais la panique qui le gagnait trahissait sa position.
Il était vulnérable. Il se précipita vers le centre de la pièce et alluma la lumière, prêt à toute attente…
Il se trouvait dans une pièce baignée de lumière, dont les murs blancs en amplifiaient le résultat. À l’extrémité opposée de la porte se trouvait une petite fenêtre circulaire qui ne donnait sur aucun angle connu. François s’en approcha et, avec une précaution mesurée, osa en sonder les secrets…
Il était là. De l’autre côté de la vitre, il se voyait agir tel un esprit observant son enveloppe corporelle depuios un plan éthéré. Il y avait aussi sa mère, cette femme abattue par les années qui n’aspirait qu’à la mort. Très vite, il compris ce que son double allait faire. Tout ce que son esprit avait voulut oublier resurgit soudainement, et l’accabla d’une lourde tristesse.
Un François aux desseins pervertis s’avançait vers sa pauvre mère, couteau au poing. Un rictus de folie se dessinait sur son faciès, mais le véritable sentiment qui s’y lisait était la désolation. Celle de devoir en finir avec cette dame épuisée, dont la vie était devenue un véritable fardeau. De pouvoir vivre sa vie sans s’encombrer de ce corps flasque aux mouvements freinés par une vieillesse avancée, et d’habiter seul la maison de son enfance. Mais serait-il vraiment seul ? Dormirait-il l’âme en paix, alors que de l’autre côté de la fenêtre surgissait finalement la vérité ?
La scène se poursuivit, mais avant que l’arme du crime ne s’abatte sur la victime, la vision s’interrompit. La dernière chose qu’il entendit fut le cri strident de sa mère.
François reprit ses esprits. Recroquevillé dans un coin de la pièce, il tremblait de tout son corps, envahi de sueur. Il se retrouvait dans la même salle, mais la chambre n’était pourvue d’aucune fenêtre. Seul son imagination avait parlé. À ses côtés, la dépouille de la défunte gisait, inerte. Le fils de la morte éclata en sanglots, incapable de rester indifférent devant le fruit de ses vils agissements. Puis il ferma les yeux, imitant inconsciemment la physionomie maternelle…
Moins de quelques jours plus tard, la police pénétra dans la demeure. Les voisins avaient signalés aux autorités qu’ils avaient entendus des cris là-haut, avant que le mutisme ne se fasse maître des lieux. Ils étaient inquiets, car de coutume, tout était relativement calme. L’agent de police découvrit très tôt la chambre en question. Il était inéluctable de l’ignorer, car elle était la cachette parfaite pour un acte louche. Ce dernier découvrit un jeune homme en pleurs, qui serrait contre lui le cadavre en décomposition d’une vieille femme. Il s’empressa d’appeler du renfort, puis s’occupa ensuite de menotter l’homme d’une vingtaine d’année. Lorsque les autres policiers arrivèrent, il leur rendit le criminel puis fit le tour de la maison.
Dans une chambre adjacente, une lampe de chevet était restée allumée. L’officier s’avança et y découvrit plusieurs pages noircies d’une écriture brute. En haut du premier feuillet, il était inscrit : Journal d’un meurtrier, Par François Bovin.
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