Coupable. Irresponsable de mes actes.
Tel a été le verdict de la cour d'Assises. Mon avocat, ces jurés qui m'ont condamné, le juge... Ils ne peuvent pas comprendre. Ils s'imaginent que le Bonhomme Hiver n'est qu'un délire schizophrénique... Mais non ! Il est bien réel ! Seulement, on ne peut pas l'arrêter, lui...
En attendant, c'est moi qui suis interné. Centre Hospitalier Spécialisé Saint-Benoît, Section des Fous Dangereux. On m'a autorisé à écrire mon histoire. J'ai à ma disposition un gros paquet de feuilles, un stylo plume et une belle réserve de cartouches d'encre. Ca devrait aller...
Certains criminels écrivent leurs mémoires afin de les vendre, ce qui les rend pleins aux as. Moi, je m'en fiche bien d'être plein aux as ! Je ne quitterai jamais cet asile, alors à quoi bon empocher des millions d'euros que jamais je ne dépenserai ?
Non, moi, ce que je veux, c'est un peu plus subtil... Aux yeux des criminologues, je suis un tueur psychopathe. Il paraît que je suis déjà considéré comme un cas d'école à Quantico... Avec mon récit, j'espère bien établir la vérité. Pas ma vérité. La vérité.
La vérité, c'est ce personnage dont le seul nom me fait frémir sous les morsures de la terreur, ce personnage plus froid que la mort qu'il sème sur son passage, sur notre passage : le Bonhomme Hiver. Je suppose que c'est son nom : c'est le seul qu'il ait bien voulu me donner... C'est lui qui a commis les meurtres pour lesquels je suis interné, pas moi ! Je n'espère plus être cru, mais j'espère au moins que mon histoire sera connue...
J'entends une voix m'appeler. Une voix grave et lointaine, comme celle d'un absurde Père Noël fantôme. Non ! Je ne l'avais pas revu depuis mon internement. Mais il est revenu... Je le savais, qu'il reviendrait un jour ! Je le savais !
Je le sais derrière moi, lisant mon récit par-dessus mon épaule. Je n'ai pas besoin de me retourner pour voir ce tronc de neige en forme d'énorme boule sur deux jambes de glace, ce nez en forme de carotte gelée, ce sourire formé de dix boutons, ses grands yeux noirs, son haut-de-forme mangé par les mites... Et ce balais dans son poing de neige au bout d'un bras de neige !
Je sais qu'il se moque bien de ce que je vais vous raconter. Sans regarder son visage rond comme une pleine lune, je vois son sourire de boutons chargé d'une ironie glaciale !
Je ne demande pas à être cru. Juste à être compris... Sans doute refuserez-vous de croire à la réalité du Bonhomme Hiver, mais s'il regardait par-dessus votre épaule comme il regarde par-dessus mon épaule, vous cesseriez de douter de son existence.
(à suivre...)