LE MANOIR DU FANTASTIQUE
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 Le Contrat

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thomas desmond
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MessageSujet: Le Contrat   Le Contrat EmptyMer 22 Mar 2006 - 11:05

Encore une nouvelle que j'ai décidé de revoir entièrement... Autant le dire, je suis plutôt excité par le résultat !!!!

PDF (je vous le conseille pour les passages en italique... : http://tdesmond.free.fr/nouvelles/lecontrat2.pdf

LE CONTRAT

3h du matin.
Théodore Diès se réveilla en sursaut dans son lit médicalisé. À côté de lui, son voisin de chambre, l'autre vieux singe édenté, ronflait comme une chaudière à mazout. Satané gros lard, montagne de saindoux mal élevé qui l'empêchait de passer des nuits paisibles. Il lui aurait bien fait sentir de près le parfum des taies d'oreiller à celui-là.
Après quinze minutes passées à siffloter, claquer des doigts et taper des mains sans résultat, Théodore s'échauffa et attrapa sa pantoufle qu'il jeta en direction du gêneur. Qui ne broncha même pas.
Fulminant, il sonna et une infirmière se présenta dans la chambre plongée dans une semi obscurité. Elle pointa le faisceau de sa lampe torche sur le gorille à côté de lui, puis sur lui. La lumière l'éblouit et il du protéger ses yeux de sa main dégarnie.
– Et bien Monsieur Diès, chuchota-t-elle, que se passe-t-il ?
L'infirmière s'approcha et tira ses draps, puis réinstalla correctement ses trois oreillers. Il la reconnut. Elle s'appelait Magalie. Un joli brin de fille avec des yeux à tomber, tout juste diplômée. Il l'aimait bien, et ça lui changeait de toutes ces vieilles harpies qui ne s'intéressaient qu'au contenu de son bassin.
– Ah, ma petite Magalie, vous tombez bien. Comme vous pouvez le voir, King Kong a décidé de passer la nuit avec moi !
La jeune infirmière sourit et se dirigea vers le patient endormi. Elle le secoua doucement en chuchotant son nom. L'ours en hibernation se retourna en grognant comme un sanglier en rut et le ronflement se dissipa. Théodore sentit un limpide filet de silence pénétrer ses oreilles.
– Voilà Monsieur Diès, il suffisait qu'il se retourne ce pauvre homme.
Théodore prit la main de Magalie et la serra.
– Vous êtes un ange mademoiselle, envoyé du ciel pour apaiser mon malheur !
– Vous savez avec son cancer du...
– Dites voir ma petite, la coupa-t-il. Est-ce que vous croyez en Dieu ?
Elle haussa les sourcils et sourit avec indulgence.
– Il est un peu tard pour ce genre de discussion, Monsieur Diès. Pourquoi ne pas vous rendormir ? Il n'est que 3 heures du matin, demain vous allez être de mauvaise humeur si vous ne dormez pas un peu.
– Pas de ça avec moi mon enfant. Je sais vos horaires ! Vous êtes de garde jusqu'à 6h30, et mon petit doigt me dit que vous vous ennuyez, avec toutes vos satanées collègues, ces vieilles sorcières qui piquent sans douceur, comme elles feraient avec des bêtes !
– Vous exagérez monsieur Diès, elles...
– Tut tut ! laissez-moi vous inviter, je vous paye un café, qu'en dites-vous ?
– C'est que je dois être disponible à tout moment pour...
– Assez ! coupa-t-il une nouvelle fois en entreprenant de sortir de son lit. Aidez-moi, me voilà empêtré dans vos draps mortuaires !
Elle l'aida et ils sortirent de la chambre en silence. En passant devant le lit de son voisin, Théodore lui tira une langue grêlée et grise.

– Vous voulez que je vous prépare une tisane ? demanda l'infirmière.
Théodore s'arrêta au beau milieu du couloir, les mains sur les hanches, l'air interdit.
– Une tisane ? et pourquoi pas une camomille ? Nous allons descendre et je vais vous payer un café, et vous pourrez aller fumer votre cigarette si ça vous démange. Qu'en dites-vous ?
– Monsieur Diès, vous n'êtes vraiment pas raisonnable. Je ne peux pas quitter le service, vous le savez très bien. Alors d'accord pour un café, mais nous restons dans le couloir.
– Debout ?
– Mais non, il y a des bancs à côté des ascenseurs.
– Des bancs ? vous appelez ça des bancs ? des planches de plastiques oui ! Un banc, ça se trouve dans un parc, en plein air, avec des oiseaux autour...
Magalie le coupa :
– Bon, qu'est-ce que vous voulez boire ? Un café ? un thé ?
– Et bien... va pour un café, avec trois sucres !
– C'est parti, je reviens dans cinq minutes !
– C'est cela mon petit, mais dépêchez-vous, qui sait si je ne vais pas mourir avant de vous revoir.
– Oh ne dites pas de bêtises...
Elle s'éloigna dans le couloir et bifurqua sur sa gauche.

Théodore prit place sur un des fameux bancs. Sur une tablette installée à portée de main étaient posées quelques revues vantant les mérites du dépistage du cancer de la prostate. Il détourna le regard et fixa sans conviction les portes bleu pâle des ascenseurs. Il se mit à penser à sa petite infirmière.
Quelle jolie pépée ! S'il avait eu cinquante ans de moins, son charme irrésistible aurait déjà eu raison de sa petite blouse blanche immaculée.
Une lumière clignotante lui fit perdre le fil de ses pensées. Le bouton de l'ascenseur qui lui faisait face venait de s'enclencher. Quelqu'un devait monter.
Sans prévenir, une douleur sourde déchira sa poitrine. Il suffoqua et s'étala sur le banc, violet. Il essaya d'appeler à l'aide mais aucun son ne sortit de sa gorge étranglée. Un kaléidoscope de pensées fugaces explosa dans son cerveau en alerte.
Est-ce que mon heure est arrivée ? Vais-je crever ici tout seul, sur un banc en plastique miteux ? Comment va réagir cette pauvre petite infirmière en me découvrant raide mort là, en pyjama marron ? Va-t-elle me pleurer, son plateau à boissons chaudes va-t-il se renverser ? Qui va appeler ma fille, va-t-elle entendre la sonnerie du téléphone en pleine nuit, son téléphone est loin de sa chambre... Oh mon Dieu laissez-moi encore un peu de temps...
Les yeux à demi révulsés, il aperçut les portes de l'ascenseur s'ouvrir. Instantanément, la force terrible qui l'empêchait de respirer se volatilisa, et il se sentit bien, comme si aucun malaise ne l'avait traversé.
Un jeune homme vêtu d'un curieux uniforme sortit de l'ascenseur et s'approcha de lui. Théodore se redressa, stupéfait d'avoir retrouvé si vite le contrôle de sa respiration. Peut-être n'était-ce qu'une crise passagère...
– Monsieur Diès ? demanda le jeune homme qui se tenait droit comme un piquet face à lui.
– Oui, c'est moi... vous êtes docteur ?
L'homme sourit. Il avait un visage enfantin, les joues glabres, une tignasse blonde aux reflets vénitiens. Une vraie tête d'ange. Quant à son uniforme, Théodore n'en avait jamais vu de tel. Une sorte de bleu de travail qui n'était pas bleu mais vert pomme, sans fermeture ni couture apparente. Comment faisait-il donc pour rentrer là-dedans, pensa Théodore.
– Je me présente, agent 23-7, mais vous pouvez m'appeler Jean-Marc. Si vous voulez bien me suivre.
– Vous suivre ? mais où donc ? J'attends une infirmière qui doit m'apporter un café.
L'homme sourit et se retourna pour appuyer sur le bouton de l'ascenseur.
– Suivez-moi s'il vous plaît, vous n'avez plus rien à faire ici.
– Qu'est-ce que ça veut dire ? qui êtes-vous donc, je ne vous ai jamais vu dans...
Etouffant un cri de stupeur, Théodore sentit ses jambes se redresser. Sans qu'il en ait donné l'ordre à son cerveau, il se leva et marcha mécaniquement vers la cabine de l'ascenseur.
– Nom de Diiieeeu ! réussit-il à éructer en jetant un regard courroucé au jeune homme qui lui rendit son magnifique sourire.
– Vous ne croyez pas si bien dire, lança le mystérieux Jean-Marc.
Celui-ci pénétra à son tour dans l'ascenseur et les portes se refermèrent sans bruit. Théodore ne pouvait toujours pas bouger.
– Voyou ! drogué ! marmonna-t-il avec colère, vous aller voir quand je n'aurai plus de crampes...
Quand l'ascenseur se mit en branle, les quatre murs en fer gris de la cage disparurent progressivement. Ébahi et stupéfait par ce qu'il voyait se dessiner autour de lui, Théodore ouvrit grand la bouche, sa langue presque pendante.

Ils se trouvaient à l'intérieur d'une sphère transparente, où il ne semblait régner aucune gravité. Abasourdi, Théodore se rendit compte que ses pieds flottaient à quelques centimètres de la paroi incurvée. Il voulut bouger et découvrit de nouvelles sensations. Il flottait, comme les astronautes dans leurs navettes spatiales. Qu'est-ce que c'était que cette fantaisie ? Un nouveau service de l'hôpital ? Un dernier moment de loisir pour les vieux croulants comme lui ? Cela lui rappela un vieux film avec Paul Newman qu'il avait vu des années plus tôt, Soleil Vert. Dans ce drame futuriste, les vieux se rendaient dans un grand institut où on leur passait des images de paysages verdoyants, d'animaux gambadant dans la forêt, de vols d'oiseaux gracieux, de bébés babillant dans les bras de leurs mères épanouies... avant de les passer dans un sinistre broyeur où on les transformait en biscuits verts prêts à êtres distribués aux populations affamées.
Allait-on le transformer en galette bretonne ? ou peut-être allait-on lui voler ses organes, pour les revendre dans les pays de l'est à des neveux d'anciens mafieux ?
Au-delà de la sphère qui les transportait, tout n'était que vide noir et insondable.
Suis-je dans l'espace intergalactique ? Ai-je été kidnappé par des extraterrestres blonds en uniformes verts ? pensa-t-il avec frayeur.
À côté de lui, toujours droit comme la justice, le jeune homme le fixait, un sourire entendu au bord des lèvres.
Théodore lui aurait bien fichu une taloche à ce branleur, mais il ne réussit qu'à faire un tour fluide sur lui-même. Il essaya de parler mais sa bouche ne s'ouvrit pas.
Inutile d'utiliser vos cordes vocales Monsieur Diès, je vous entends très bien.
Une voix venait de s'infiltrer dans sa tête, sans prévenir. Il comprit que c'était la voix du type, Jean-Marc 27-machin.
– La parole est inutile en ces lieux, Monsieur. Je peux suivre le fil de vos pensées. Laissez-moi vous rassurer, je ne suis pas un extraterrestre, et vous n'allez finir en cookie.
– Espèce de petit prétentieux... qu'est-ce que vous me voulez ? et qu'est-ce que je fous ici ! je veux retourner à l'hôpital, la petite Magalie m'attend et...
– Monsieur Diès, l'hôpital ne fait pas partie du Monde où nous nous rendons. Nous ne pouvons faire marche arrière, je suis désolé.
Théodore n'en pouvait plus. Ce petit con se fichait vraiment de lui ou bien...
– Qu'est-ce que vous voulez dire ? où sommes-nous bon Dieu ?
– Nous descendons, Monsieur Diès. Nous descendons dans le monde suivant, et je suis chargé d'être votre guidant.
– Mon guidant ? Le Monde suivant ? est-ce que vous allez m'expliquer qu'est-ce que tout ça signifie à la fin ?
– Vous êtes mort Monsieur Diès. Mort, vous comprenez ? Vous avez fait une rupture d'anévrisme. Vous ne faites plus partie du Monde précédent.
Mort ?
Je suis mort ?
Le jeune homme hocha la tête, l'air désolé.
Comment ça mort ?
– Accrochez-vous Monsieur Diès, nous arrivons.
La sphère se mit à vibrer et sembla prendre de la vitesse.
– Mais à quoi voulez-vous que je m'accroche nom de...


à suivre
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MessageSujet: Re: Le Contrat   Le Contrat EmptyMer 22 Mar 2006 - 12:02

Alors celle-là j'adore! Et j'attend la suite avec impatience! En fait j'ai beaucoup mieux aimé que "dynamite" dont pour moi la fin était prévisible.
Mais ici, on va de surprise en surprise. A quand la suite?
hahaha
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MessageSujet: Re: Le Contrat   Le Contrat EmptyMer 22 Mar 2006 - 12:08

beauty

Demain matin normalement... j'écris le soir !
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MessageSujet: Re: Le Contrat   Le Contrat EmptyMer 22 Mar 2006 - 17:14

C'est vrai que nous avons hâte de savoir où va "atterir" ce brave Monsieur Diès. Par contre côté surprise, on devine très vite qu'il est mort, mais ça n'a pas d'importance, c'est bien écrit et la suite peut nous surprendre...

feelgood
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MessageSujet: Re: Le Contrat   Le Contrat EmptyJeu 23 Mar 2006 - 10:03

La suite :

En PDF : http://tdesmond.free.fr/nouvelles/lecontrat2.pdf


[...]
– Vous êtes mort Monsieur Diès. Mort, vous comprenez ? Vous avez fait une rupture d'anévrisme. Vous ne faites plus partie du Monde précédent.
Mort ?
Je suis mort ?
Le jeune homme hocha la tête, l'air désolé.
Comment ça mort ?
– Accrochez-vous Monsieur Diès, nous arrivons.
La sphère se mit à vibrer et sembla prendre de la vitesse.
– Mais à quoi voulez-vous que je m'accroche nom de...


Une formidable explosion de lumière fit disparaître les contours de la sphère. Théodore hurla sans bruit, en proie à une incroyable sensation. Il perdit en un instant la notion de son corps, comme si celui-ci venait de se désintégrer. Il ne ressentit aucune douleur. Il jura intérieurement et essaya de se débattre, sans succès.
La lumière déclina rapidement et Théodore commença à distinguer un paysage pour le moins curieux.
À perte de vue s'étalait une infinie étendue de gazon fraîchement taillé et odorante. Un ciel bleu azur et sans nuage dominait l'espace environnant. Pas de vent, pas d'arbre, pas d'oiseau, aucune construction. Un désert d'herbe tendre parfumée.
Peut-être un green pour golfeurs géants ? Mais qui tond la pelouse ?
La température était imperceptible, mais quelque chose manquait. Théodore leva la tête et ne trouva aucun soleil. D'où provenait donc la lumière ? Cela lui rappela un autre film. The Truman Show, où le héros victime malgré lui d'une émission de télé réalité découvrait à la fin que le ciel de son Monde était en fait peint sur une paroi métallique.
– Monsieur Diès ?
Théodore voulut se retourner, mais il avait déjà fait demi-tour, à la seconde même où la voix l'avait surpris. Quelle vitesse de mouvement !
Devant lui se tenait Jean-Marc-27, enfin ce qu'il en restait... Il avait perdu son corps de jeune blondinet ainsi que sa combinaison verte.
Théodore fut frappé de stupeur. Ce n'était plus être un humain qu'il avait devant lui, mais une chose surnaturelle, comme on en voit dans les téléfilms le soir sur la 6. Une sorte de feu ovale lumineux et jaune avait remplacé la tête du jeune homme, mais on pouvait toujours distinguer les traits de son visage. Plus aucune trace de cou ni de membre, plus de corps tout court, juste un long fil de lumière jaune incandescent qui ondulait avec souplesse. Comme la queue d'un spermatozoïde géant, pensa Théodore, atterré par cette nouvelle extravagance.
– Qu'est-ce que c'est que ce truc encore...
– Vous avez en face de vous mon apparence de guidant, Monsieur Diès. Ne vous moquez pas, car vous me ressemblez beaucoup. Dans ce monde de transition, tous les êtres ont cette apparence. Mais votre corps n'est pas de la même couleur que le mien. Le vôtre est blanc.
Théodore baissa la tête, et aperçut à la place de son tronc et de ses jambes maigrelettes un feu blanchâtre semblable à celui de l'autre hurluberlu.
– Vous pouvez vous regarder en entier, Monsieur Diès, il suffit juste de le vouloir. Sortez donc de votre nouvelle enveloppe, pour voir.
Instantanément, Théodore se trouva à une dizaine de mètres plus loin, et il découvrit une nouvelle sensation, celle de n'être qu'un esprit flottant. Il vit deux silhouettes, une jaune et une plus petite, blanche. Lui. À l'endroit de sa nouvelle tête, il reconnut ses traits de visage, mais en beaucoup plus jeunes. Cela le ragaillardit. De quoi appâter la petite Magalie quand je serai de retour à l'hôpital. Pourvu qu'elle ne s'inquiète pas...
– Quel bel homme vous faites ! C'est bien, Monsieur Diès. Avec un peu d'entraînement vous vous déplacerez comme bon vous semblera. Regagnez votre enveloppe maintenant, nous avons à parler.
Avant que Jean-Marc-27 n'eût fini sa phrase, Théodore avait réintégré son corps de feu follet.
– Bien. Comme je vous l'ai dit, je suis votre guidant, dans ce monde de transition du moins. Je ne suis autorisé à faire la navette qu'entre ce monde-ci et le vôtre.
– Et comment je vais pour retourner à l'hôpital moi ?
– Ah, mais vous n'y retournez pas Monsieur Diès, la Mort est un voyage à sens unique vous savez. Un aller simple comme vous dites par chez vous.
Théodore commençait à comprendre.
– Vous voulez dire que je vais rester ici avec ma tronche de feu de cheminée ?
– Non, j'ai juste quelques recommandations à vous faire concernant le Monde suivant, puis je vous laisserai suivre votre route, si je puis dire.
Théodore aurait bien voulu s'énerver, mais il ne savait comment faire.
– Comment ça le monde suivant ? parce qu'il y en a encore un autre ?
– Oh ! Une infinité !
– Bon Dieu de bon Dieu... si vous m'avez drogué, vous avez bien réussi votre coup...
– Détrompez-vous, vous êtes bien mort... Vous ne me croyez pas ? Savez-vous que vous n'êtes pas le seul nouvel arrivant dans ce Monde de transition dont les limites sont incommensurables ? Il y a des dizaines de milliers d'autres nouveaux-morts qui viennent d'arriver, et ils sont autour de nous. Pour les voir, il vous suffit de vous déplacer, mais plus vite cette fois.
– Vous vous fichez de ma poire ? Vous voyez bien qu'il n'y a personne d'autres que nous dans ce trou paumé !
– Déplacez-vous, et vous verrez.
Agacé, Théodore fronça les sourcils qu'il n'avait plus, et se mit à penser à un avion à réaction lancé à Mach 3. D'un coup, il fut projeté à une vitesse inouïe dans l'espace. A quelques mètres sous lui, le sol recouvert de gazon n'était plus qu'une masse verte floue. Soudain il discerna quelques zones lumineuses. Il ralentit et s'immobilisa. À une trentaine de mètres se tenaient deux silhouettes enflammées, une jaune d'or et une petite blanche. Il se rapprocha, avec une grosse envie de rire. Le feu jaune avait une tête toute ronde, du plus bel effet comique.
– Monsieur Diès, veuillez rejoindre votre guidant s'il vous plaît, lui lança-t-il. Je n'en ai pas fini avec Madame Nwyang. Mais... attendez, vous tombez bien. Madame Nwyang, voici un nouveau-mort, fit le guidant en montrant Théodore du bout de sa queue flamboyante. Il est comme vous. Donc il faut me croire, épela-t-il lentement, comme s'il était en train de parler à un bébé. Merci Monsieur Diès, bonne route à vous.
Théodore hocha ce qui lui servait de tête.
– Euh... pardon, comment je fais pour retourner dans mon corps là ?...
Le guidant souri. C'était une femme, avec une grosse tête qui lui rappelait quelqu'un... Pas du tout son style de nana.
– Merci m'dame !
Et dès que la pensée de rejoindre son corps le traversa, il se retrouva de nouveau face à Jean-Marc-27.
– Alors convaincu ? dit celui-ci avec assurance.
– Ben... faut bien qu'est-ce que vous voulez que je vous dise. Mais ça ne m'arrange pas du tout votre histoire. J'ai une jolie petite infirmière qui m'attend à l'hôpital, et mon café va refroidir.
L'ange prit un air agacé.
– Monsieur Diès...
– Je sais. Je suis mort. Mort. Mais ma fille ? qui va prévenir ma fille que je suis parti dans votre monde en gazon là, déguisé en feu de la Saint-Jean ?
– Je comprends votre inquiétude, Monsieur Diès. Mais vous ne faites plus partie du Monde des humains. Toute considération relative à votre vie sur Terre ne peut plus être prise en compte. Tout contact avec votre vie passée est dorénavant coupé.
– Plus de contact ? Du tout ?
– Aucun.
Manquait plus que ça... et qui va boire mon café ?
– Si c'est ça votre paradis, j'aurai peut-être bien préféré aller voir en Enfer...
– L'Enfer, comme vous le nommez, est réservé aux animaux, et non aux êtres humains comme vous.
– Ah bon ? et ça vient de sortir ?
Jean-Marc-27 rit de bon cœur.
– Les humains se font de drôles d'idées quant à ce qui suit la Mort terrestre, et même si certains ont découvert ou imaginé certaines pistes plutôt réalistes, rien n'approche vraiment la vérité.
– Alors comme ça les animaux vont en Enfer ? Et ils finissent rôtis au four avec des petits pois ? Remarque ça ne les changerait pas trop...
– Pas du tout. L'image d'un Monde infernal dévoré par les flammes a été inventée de toutes pièces par vos semblables, une manière comme une autre de culpabiliser les consciences naïves. Les animaux suivent le même chemin que vous, avec leurs propres guidants-animaux, vers leurs propres Mondes.
– Donc si je comprends bien, les animaux auraient une âme ?
– Bien sûr qu'ils en ont une. Croyez-vous que l'amour total que peut vous porter un chien n'est dû qu'à son instinct de survie ? Les animaux ont juste un langage qui leur est propre, différent de celui des humains, c'est pourquoi vous les avez toujours traités comme des races de peu de valeur. Ce qui ne vous ressemble pas vous paraît toujours inférieur, et c'est votre gros problème. Les animaux ont une âme, de valeur égale à la vôtre. Et c'est pareil pour les végétaux.
– Les plantes ?
– Oui, ainsi que les arbres, les algues, les fleurs, les herbes, tout ce qui est vivant a une âme.
– Donc la pelouse sous nos pieds, enfin, sous nos flammes-machins là, ça a une âme, ça réfléchit ?
– Non, ce gazon n'est pas réel. Il a été placé sur ce monde de transition pour procurer une sensation de bien-être aux nouveaux-morts, afin de les déstresser. Saviez-vous que dans votre monde le taux de suicide est quatre fois moins important chez les personnes possédant un jardin ?
Théodore secoua la tête.
– Les végétaux ont leur propre mode de communication, et quand vous, les humains, vous le percevez, sans vous en rendre compte bien évidemment, cela vous apaise.
– Ah dites donc. Je me coucherai moins con ce soir...
– Bref, trêve de bavardages. Il ne nous reste plus beaucoup de temps, et j'ai quelques informations importantes à vous communiquer concernant le Monde suivant.
– Allons-y, fit Théodore d'un air désabusé.
– Une nouvelle sphère de voyage va venir vous chercher d'un instant à l'autre, et elle vous conduira au Monde suivant. Là-bas, plus de pelouse ni de ciel bleu, car ce n'est plus un Monde de transition. C'est un Monde de vie, où il vous faudra trouver votre place rapidement si vous ne voulez pas vous retrouver tout au fond. Si vous arrivez en haut, vous pourrez passer au Monde suivant, qui est un endroit... comment dire ?... plus civilisé.
– Comment ça ?
– Je vais être bref, la sphère va arriver. Vous allez atterrir au beau milieu d'une foule gigantesque de nouveaux-morts. Il y en a trois sortes : ceux qui veulent monter vers la lumière, dans l'espoir de passer dans le Monde suivant, ceux qui sont trop feignants pour monter et qui pour s'occuper font tout pour gêner les grimpeurs, et enfin les derniers, que je ne vous souhaite pas de rencontrer.
– Pourquoi ça ?
Le guidant eut l'air gêné.
– Et bien... disons qu'ils sont plutôt malfaisants et qu'ils pourraient vous ... hum... vous faire du mal.
– Du mal ? Je peux avoir mal avec ce corps en guimauve ?
Jean-Marc 27 hocha la tête.
– Mais comment je fais pour les reconnaître ?
À ce moment, une force gigantesque tira Théodore vers le haut, sans qu'il ne puisse y résister. Il se débattit et appela son guidant à l'aide.
– N'ayez crainte, c'est la sphère de voyage ! lui cria celui-ci, toujours stationné au ras du gazon qui s'éloignait à vue d'œil.
– Comment je fais pour les reconnaître ! hurla Théodore de toutes ses forces.
Jean-Marc-27 n'était plus qu'un point de lumière pâle dans l'immensité verte.
– Vous les reconnaîtrez tout de suite, réussit à entendre Théodore avant que la paroi de la sphère ne se referme sur lui et ne l'emporte dans le Monde suivant.

à suivre...
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MessageSujet: Re: Le Contrat   Le Contrat EmptyJeu 23 Mar 2006 - 12:49

Génial! Je trouve cette suite excellente et je trouve l'humour de ton texte très très bon! J'attends impatiemment la suite des tribulations de monsieur Diès!
Et également de voir la tronche des morts malfaisants!
beauty
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Alan Bates
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MessageSujet: Re: Le Contrat   Le Contrat EmptyJeu 23 Mar 2006 - 16:51

Une suite très intéressante. Même si je ne partage pas le concept, cette histoire nous fait voyager, à l'instar de ce brave Monsieur Diès.
J'aime beaucoup la phrase "Ce qui ne vous ressemble pas vous paraît toujours inférieur". Elle est tellement réaliste !

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MessageSujet: Re: Le Contrat   Le Contrat EmptyJeu 23 Mar 2006 - 19:26

Thomas, je commence à lire le prmier texte, et je me dis : "Voyons ce que ça donnerait au présent." Je corrige donc au fur et à mesure que je lis en mettant au prsent, et là ça me semble plus "punch". Le présent allège, met du rythme, fait bouger et vivre ton texte, c'est plus actif, on entre mieux dans le bain, c'est moins lourd en terminaison de verbe, etc. Suggestion...
Pourquoi tu as choisi le passé plutôt que le présent qui est plus du genre "droit direct" ?

Autrement, c'est bien. Wink et ça me plaît !
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thomas desmond
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MessageSujet: Re: Le Contrat   Le Contrat EmptyVen 24 Mar 2006 - 7:20

Je ne sais pas, disons que j'essaye de prendre le passé quand je pars sur "il"... Je prends le présent quand je pars sur "je"... Et puis un jour un directeur littéraire d'une grande maison d'édition m'a dit d'éviter le présent...
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MessageSujet: Re: Le Contrat   Le Contrat EmptyVen 24 Mar 2006 - 7:41

Alan Bates a écrit:
Une suite très intéressante. Même si je ne partage pas le concept...

C'est le fait que j'ai complétement zappé l'imagerie chrétienne de la vie après la mort ??
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MessageSujet: Re: Le Contrat   Le Contrat EmptyVen 24 Mar 2006 - 13:58

thomas desmond a écrit:
Je ne sais pas, disons que j'essaye de prendre le passé quand je pars sur "il"... Je prends le présent quand je pars sur "je"... Et puis un jour un directeur littéraire d'une grande maison d'édition m'a dit d'éviter le présent...

Tout avis est toujours contestable, un éditeur a dit, mais d'autres disent le contraire. En fait, il faut faire selon le contexte et selon ce que l'auteur sent. Là, c'est plus évident. Et moi, je t'ai dit ce que j'ai senti, mais ce n'est qu'un avis. Wink et je ne souhaite pas que tu le retiennes car il n'est peut-être pas bon.
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Alan Bates
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MessageSujet: Re: Le Contrat   Le Contrat EmptyVen 24 Mar 2006 - 17:34

thomas desmond a écrit:

C'est le fait que j'ai complétement zappé l'imagerie chrétienne de la vie après la mort ??

Pas forcément l'imagerie chrétienne traditionnelle telle que définie par 2000 ans de christianisme, mais l'idée que je me fais de ce qu'elle peut être d'après mes propres convictions.
Ceci dit, ça ne me dérange pas du tout pour apprécier le texte et en attendre la suite avec une légère impatience. Je ne crois pas aux Zombies et n'ai pas peur la nuit dans les cimetières, cela ne m'empêche pas d'apprécier un bon Georges ROMERO.

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