LE MANOIR DU FANTASTIQUE
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 Mouna

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Leg
Vampire de campagne
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Leg


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Mouna Empty
MessageSujet: Mouna   Mouna EmptySam 1 Avr 2006 - 20:37

Voici l'histoire, achevée, d'un homme qui dans son deuil, fit face à sa femme...
Morte.

Bonne terreur...

http://www.stephenking-fr.net/articles.php?lng=fr&pg=1071 La version pdf, que je vous conseille pour les passages en italique

Mouna,
Par El Jabri Ismaïl


Citation :
Regarde ces femmes qui pleurent
Regarde ces jeunes gens qui meurent
Comme ils l'ont toujours fait auparavant

GUNS N'ROSES - CIVIL WAR


La première fois que j’ai rencontré Mouna, c’était pendant l’été 1977, dans la plage de Ain Diab, à Casablanca. Et la dernière fois, ce fut dans notre voiture. Une immense barre de fer lui transperçait la poitrine, et un gros morceau de verre était planté dans sa gorge.
Je ne sais toujours pas comment j’ai pu perdre le contrôle de ma Citroën jusqu’à ce qu’elle se retrouve dans la devanture d’un magasin de chaussure. J’ai tué cinq personnes ce jour-là. Dont une petite fille de cinq ans qui se tenait sur le trottoir, et ma femme Mouna.
Après son enterrement, je n’avais plus de chagrin, pis encore, je n’avais pas le moindre remord. Mon frère Hassan m’avait dit que la perte d’un être cher pouvait avoir des conséquences désastreuses qu’on ne pouvait comprendre. C’était bien plus complexe pour une déduction de la sorte tirée d’un bouquin de Freud. Je savais que c’était bien plus que ça. Mouna n’était pas tout à fait morte…
Je suis retourné vivre dans notre maison de Ksar Es Srhir, à quelques kilomètres de Tanger. Une belle petite bourgade perchée sur les montagnes. L’air y est pur, et la mer merveilleuse. Mouna et moi avions longtemps vécu dans cette maison, après notre mariage. Casablanca était bien trop bruyante et polluée pour notre amour. C’est dans cette maison que Mouna était revenue après sa mort.
Notre maison de Ksar Es Sghir était très grande. Mouna l’appelait souvent Le Manoir (avec « M » majuscule s’il vous plaît, criait-elle en riant). Nous étions très attachés aux gens qui habitaient la montagne, et à la mer aussi. Et ils nous le rendaient bien : les gens étaient chaleureux, et l’eau de la Méditerranée était bien rafraîchissante. Trop rafraîchissante même. Mouna me disait que si elle avait des couilles, elle se les serait gelées. Et pour me prouver cette constatation, et sachant qu’elle n’avait pas les « outils » nécessaires dont il est question, elle m’enlevait le célèbre caleçon avec lequel je nageais souvent, et tripotait mes testicules aussi dures et fripées que des noyaux de pêches. On finissait toujours par faire l’amour après cette petite dissection – ou appelez la comme vous le voulez – de l’appareil génital qu’elle surnommait Jean-Luc.

Je fis la rencontre d’un jeune garçon, un jour que je marchais sur les rochers. Il ne devait pas avoir plus de neuf ans. Il était assis à l’indienne sur un rocher, boudeur et apparemment contrarié par quelque chose. Si Les Trois Accords existait déjà en cette année de 1992, il m’aurait rappelé Simon. Ma femme était déjà morte cela faisait à peu prés un an, et je ne pus m’empêcher de penser à ce qu’elle aurait dit en voyant ce magnifique garçon.
« Ce soir, on en fabriquera un pareil dans notre lit. »
Elle m’aurait alors saisi fermement le pénis en m’embrassant. Comme elle le faisait si souvent pour me contraindre à lui présenter mes lèvres. Je ne pouvais refuser par crainte de voir les débris de mes testicules écrasés joncher le sol. Je n’ai jamais pu supporter la torture. Jean-Luc non plus.
Quand il m’eut vu, le garçon sourit et se leva. Il n’avait plus cette expression de garçon qui veut de nouveaux parents parce que les siens sont trop stupides. Je m’étais peut-être imaginé que le garçon bouder. On ne connaît jamais les sentiments d’un garçon. Il les dissimule si bien qu’il nous trompe.
« Salut. » Et je m’étais assis à côté de lui. Je pris un caillou et le jetai dans l’eau. Il ricocha huit fois.
« Nom de… fit le garçon. Vous êtes drôlement incroyable !
- Ma femme était bien meilleure que moi à ce jeu. Elle arrivait jusqu’à faire ricocher la pierre onze fois. C’est son record. » Le garçon avait dû se douter de quelque chose car il me dit, avec une consternation sincère, quelques paroles qui me firent un drôle d’effet, qui n’était, je pense, pas déplaisant.
« Vous êtes triste.
- Tout à fait. »
Nous restâmes sans mot dire durant de longues minutes dans lesquelles j’eus le temps de réfléchir. Je me rendis compte que le doux souvenir de ma femme était de plus en plus évanescent. Furtif au point de me donner l’impression de n’être plus qu’une image aux contours flous, que l’on voit à travers un objet translucide. Je sortis mon portefeuille. Il y avait dedans une photo de Mouna que je gardai toujours sur moi.
La photo a été prise pendant nos vacances d’été de 1987. Nous étions à Agadir. Mouna était sur un chameau, riant aux éclats. Elle portait le maillot de bain rouge deux pièces que je lui avais acheté pour notre dixième anniversaire de mariage. Nous étions sur la plage de Taghazout, une plage quasiment déserte. Mouna me disait que quand elle nageait dans la mer de Taghazout, elle avait l’impression de se faire un bain d’algues. Maintenant que j’y pense, il est vrai qu’il y avait tellement d’algues qu’on éprouvait une répugnance à se baigner.
« Elle est belle. Comment s’appelait-elle ? » Le petit garçon savait qu’elle était morte. C’était une évidence. Mon deuil était-il aussi apparent ? Je crois que oui. J’avais quarante six ans à l’époque, et j’avais perdu Mouna un an auparavant. Je n’avais pas eu suffisamment de temps pour me remettre de sa mort.
« Elle s’appelait Mouna. C’était ma femme, lui avais-je dis en lui donnant la photo qu’il tint en la regardant. Il esquissa un sourire, puis la caressa affectueusement, ses doigts glissant sur le corps photographié de Mouna, sur les grains de sable, sur le chameau qui donnait tant de plaisir à Mouna, et sur la mer.
- Comment est-elle morte ? demanda-t-il.
J’entourai ses épaules de mes mains, puis lui répondit d’un ton calme. Il me fallut énormément d’efforts pour empêcher ma voix de trembler.
- J’étais avec elle. Nous étions dans la voiture quand j’ai perdu le contrôle. Je n’avais pas une seule égratignure quand je l’ai vu sur le siège passager, morte et défigurée.
- Elle a souffert ? » demanda-t-il alors. Mon silence fut une réponse. Et aussi la dernière chose que je fis avant de me lever pour pleurer seul dans ma maison. Sur la montagne.



Quand je fus devant le portail de la maison, je décidai d’aller m’asseoir sur le hamac à l’arrière de la maison pour lire. J’y trouvai mon frère Hassan, sirotant un verre de thé à la menthe fumant. J’ignorai comment il était rentré. Sachant le visage que j’avais – j’avais pleuré tout au long du trajet –, je rentrai furtivement par une porte coulissante juste derrière la chaise sur laquelle mon frère était assis. Malgré mes efforts pour ne pas être vu, je l’avais été alors que j’étais déjà dans le salon, qui grâce à cette porte coulissante, donnait sur le petit jardin.
« Bonsoir, mon frère, me dit-il avec une expression de douleur sur le visage.
- Qu’est-ce que tu as, Hassan ? lui demandai-je, horrifié.
- Je suis venu te demander conseil, Driss. J’ai tué Hasnae. »
Je ne répondis rien. Je m’étais contenté de le regarder sans broncher, et sans montrer la confusion dans laquelle je baignais.
« J’ai tué ma femme, Driss, fit-il calmement. Son corps doit être encore sur le lit souillé par son sang de pute. Je l’ai égorgée, et j’en ai fait de même avec son amant. »
Il me dit tout. Du moment où il avait soupçonnait que cette poufiasse le trompait, jusqu’à celui où il l’avait empoignée par les cheveux pour lui couper littéralement la tête. Il en avait fait de même avec l’amant. Je pensai alors aux moutons de Aid El Kebir, et à la manière avec laquelle Hassan les sacrifiait quand nous habitions encore chez nos parents.
Le fait de tromper son époux est une chose si obscène, que je trouve que le mot « adultère » est une sorte d’euphémisme beaucoup trop mélioratif à mon goût. Une femme qui trompe son mari n’est rien d’autre qu’une traînée, et un homme qui trompe sa femme n’est rien d’autre qu’un idiot qui mériterait un beau coup de pied au cul pour le remettre à sa place. C’est un fait, et nul ne peut dire le contraire.
« J’ai laissé mon poignard dans la chambre, planté dans le sol. J’étais tellement en colère… »
Ceci ne m’échappa pas : j’ai perdu ma femme dans un accident, mon frère a tué la sienne de ses propres mains alors qu’elle s’envoyait en l’air avec un type autre que son mari.
L’amant de Hasnae eut, certes, un beau coup de pied au cul un peu poignant pour le remettre à sa place. Mais comme cela, Hassan était sûr que cet idiot n’allait pas refaire la même connerie. Quoiqu’il aurait pu réagir plus calmement…
Je dis à Hassan que j’allai lui rapporter de quoi manger, mais j’avais l’intention d’appeler la police. Hassan dut se douter de quelque chose, car à mon retour, une assiette remplie – je ne me rappelle plus de quoi – dans les mains, mon frère était mort. Il avait brisé son verre dans lequel il buvait, et s’était enfoncé bien profondément un bout de verre dans la gorge. Mouna mourut de la même manière.
La police arriva dix minutes plus tard, mais il était trop tard pour faire quoi que ce fût. J’avais perdu mon frère qui dans les derniers instants de sa vie, était devenu un assassin. Tueur de sa femme qui s’était transformé en putain, et tueur de son amant qui était trop idiot pour baiser une femme mariée.


Simon était assis sur le même rocher le lendemain. Bien que la marée se fut « renversée », comme on le disait dans le patelin, il n’éprouvait aucune gêne à être trempé. J’étais en caleçon – mon célèbre caleçon –, et torse nue. Je m’assis près de lui sur le rocher, et aussitôt, un frisson me parcourut le corps. Je sentis aussi que mes fesses allaient rester à tout jamais gelées. Heureusement, Jean-Luc était plus ou moins à l’abri.
« Salut, me dit-il. »Il portait un tee-shirt Iron Maiden avec une tête de mort sur un fond noir, et un jean. Tout était trempé, mais l’enfant ne semblait pas s’en soucier. « J’ai rêvé de Mouna la nuit dernière.
- Un beau rêve ? lui demandai-je en commençant à jeter des cailloux dans l’eau.
- Non. » Je rêvais presque chaque nuit de Mouna dans une ondulation de toile blanche. Mes rêves étaient des portes. Des tonnes de désirs matérialisés, concentrés dans la nuit. Je me réveillais, puis me rendormais. Jamais je n’eus peur, bien que parfois les rêves fussent épouvantables.
Le rêve de l’enfant avait une signification. Il me dit avoir vu une chaise blanche au centre d’une pièce noire…

L’apparition de Mouna après sa mort s’est passée pendant un samedi soir. Tout commença par une coupure de courant. J’étais dans le salon à regarder la télévision quand ça arriva. Je me levai donc avec l’intention de sortir pour attendre que tout s’arrange, mais je ne voyais plus rien du tout. Tout était noir. Tout semblait avoir disparu…
Je commençai alors à percevoir des voix, des murmures. Des rires d’enfants, des pleures. Des gémissements, puis des cris intenables et incessants. Des ombres parmi les ombres couraient sur les murs. Je tournai ma tête dans tous les sens, voyant par intervalles réguliers et dans des endroits différents des murs des petites filles pendues, éventrées, égorgées… des chèvres décapitées… éclairés par des faisceaux de lumière qui disparaissaient aussitôt après avoir fait apparaître la danse macabre des ombres.
La télé s’alluma, donnant l’image tremblante d’une pièce blanche. Une petite fille, en position fœtale, était assise au centre. L’image se troubla, s’élargit, se transformant en désert, puis en une pièce noir. Après un vacillement de l’image, une chaise blanche apparut…


« Qu’est-ce qui s’est passé après, petit ?
- Une femme est apparue, puis est allée s’assoire sur la chaise. Elle s’est mise à remuer les lèvres, mais aucune parole n’était dite. Mais je l’avais reconnue, c’était Mouna… »

Elle se mit alors à remuer les lèvres, quand soudain, sa bouche se tordit, et elle se mit à hurler si fort que j’avais l’impression qu’elle allait crever mes tympans. Je voulais fuir, mais le monde avait disparu autour de moi. Tout s’était effondré, comme dans un cauchemar. Tout s’arrêta. Je regardai vers la télé. L’écran était noir, traversé horizontalement par une ligne blanche. Elle s’éteignit, puis se ralluma, m’offrant l’image d’un pré. Des chevaux couraient sur l’herbe, des vaches meuglaient, et un petit enfant courait, suivi par son chien. Ce dernier avait des épines plantées tout le long de son corps, et son pelage était poisseux de sang. L’enfant semblait ne pas s’en souciait, et courait joyeusement, éventré et du sang coulant à flots de son crâne ouvert.
J’approchai un peu plus de l’écran, et une main ectoplasmique m’attira au sein de ce monde conçu par je ne sais quelle monstruosité…


« Et je me suis réveillé. »
Il restait à savoir pourquoi dans son rêve, c’était lui que la main blanche attirer dans le pré. Mais j’étais très fatigué, je n’avais pas la force de réfléchir. Je le quittai.
Simon me montra la voie à prendre en me parlant de son rêve. Que fut son rôle dans ma vie ? Un passage bref, certes, mais Providentiel, révélateur et séraphique. J’avais demandé aux habitants du patelin s’ils connaissaient un jeune garçon d’une dizaine d’années, assis souvent sur les rochers de la plage. J’essayai de le décrire du mieux que je le pouvais, mais personne ne connaissait mon Simon des Trois Accords.
Il avait disparu sans laisser de trace. Un petit garçon merveilleux que Mouna et moi désirions avoir comme fils il y a bien longtemps. Un enfant parfait qu’on prendrait plaisir à tenir par la main, à le mettre sur nos épaules et à jouer avec lui.
Mouna repose en paix sur les montagnes de Ksar Es Sghir, grâce au petit ange Simon.

31 Mars 2006
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