LE MANOIR DU FANTASTIQUE
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 Rêves de Bruxelles.

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SERGEI
Goule affamée
Goule affamée



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MessageSujet: Rêves de Bruxelles.   Rêves de Bruxelles. EmptyJeu 27 Avr 2006 - 13:30

Je vous propose ici un peu de surréalisme belge...

Titre: Rêves de Bruxelles

Auteur: moi.


L'inspecteur Coppenol détaillait sous toutes les coutures un corps lacéré des pieds à la tête, à première vue il devait s'agir d'un homme de race blanche d'une trentaine d'années. L'état lamentable du cadavre ne permettait pas d'en dire beaucoup plus, il n'était plus que charpie, vulgaire déchet humain. Une myriade de cafards trottaient ça et là sur les murs et le plancher, tandis que de grosses mouches bleues voletaient paresseusement à hauteur du plafond décrépit. Des rats avaient apparemment fait bombance avec une bonne partie du maigre mobilier en bois et une odeur répugnante régnait dans la chambre de cet hôtel de seconde zone où gisait le corps. Ce cocktail de détails accroissait le côté macabre de cette découverte.
- C'est le sixième en deux jours, lança le légiste, un petit homme gris aux lunettes cerclées de fer. Tout en parlant il continuait à prendre des notes sur un petit calepin noir.
L'air soucieux, Coppenol le fixa.
- Deux ce matin et quatre la nuit passée, il n'y a plus de doute maintenant, nous avons affaire à un tueur en série, d'autant plus que l'arme du crime semble être la même pour chaque meurtre.
- Oui inspecteur, toujours ces particules de matière cornée dans les chairs, c'est très bizarre car la forme des lacérations et la présence des ces particules laisseraient croire qu'il s'agit d'un animal mais cela ne colle pas, par quelle bête pourrait-on se faire écorcher et lacérer vif à Bruxelles ? Un gros chat de gouttière, un pigeon affamé ? Sans rire, ces blessures me laissent coi, j'en perds mon latin.
L'homme de loi s'approcha d'une fenêtre crasseuse et regarda distraitement la pluie tomber au dehors. Dans la rue, les passants courbaient le dos et rentraient la tête dans les épaules pour lutter comme ils le pouvaient contre l'insistant crachin.
- Un détraqué ? dit-il presque pour lui.
Le légiste entendit et se gratta l'occiput.
- Certainement, mais un détraqué à l'arme bien étrange. Enfin, on voit de tout à l'heure actuelle. Cela semble être l'oeuvre des griffes d'un animal, comme celles d'un tigre royal ou plus gros encore…
Les deux hommes jetèrent un dernier coup d'oeil à la victime avant de quitter l'hôtel. Elle avait dû subir les pires affres de la douleur, un rictus d'indicible horreur était encore perceptible sur ce semblant de visage.

Il était environ trois heures du matin dans un vieux bâtiment abandonné de la rue de la Samaritaine. Ce quartier si souvent mal fréquenté semblait érangement désert cette nuit.
Un enfant nu passait la tête par une fenêtre du deuxième étage, aucun frisson ne parcourait son petit corps malgré la fraîcheur des nuits de ce début d'automne. Il scrutait les ténèbres, visiblement à la recherche de quelqu'un.
Quelques instants plus tard il se retourna pour s'adresser à une inquiétante masse sombre tapie dans un coin de la pièce poussiéreuse.
- Alors mon bon Godefroid, toujours pas de nouvelles d'Albert ? Il me tarde de le rencontrer à nouveau.
Une voix gutturale mais non menaçante lui répondit :
- Non gamin, mais il devrait se montrer un de ces soirs, il me l'a promis.
- Et le "patron" qui est encore en rénovation, bon sang!
- Hélas oui, il me manque tout comme à toi et aux autres…
La masse sombre vêtue de chausses en cuir, de braies noires et d'une cotte de mailles recouverte d'un surcot azur se leva dans un cliquetis et s'installa aux côtés du jeune enfant.
Le visage du colosse, mangé par une barbe vigoureuse, s'anima :
- C'est quand-même étrange cet affolement depuis deux jours, je sais que nous ne nous entendons pas très bien avec nos semblables mais maintenant la tension est à son comble, il y a d'abord eu Janeke qui nous a quitté pour une autre bande, puis Léopold et aujourd'hui Albert qui ne vient plus agrémenter de sa présence nos petites réunions.
Tu veux savoir le fond de ma pensée Manneken? Je pense que quelque chose se trame dans le royaume de Belgique comme a dit un illustre Danois.
- Tu crois vraiment cela Godefroid ?
- Oui mon petit, et je crois que cette série de crimes n'est pas étrangère à nos discordes intestines, elle fait peur aux humains mais chez nous l'impact est pire encore.
Tout en répondant, le gamin nu urina nonchalement par la fenêtre.
- Tu as raison, tout cela est bien curieux et ne m'inspire guère confiance. Mais l'heure froide approche, il va être temps de rejoindre nos places respectives mon bon Godefroid, toi à la "Place Royale" et moi "Rue de l'Etuve".
Le colosse sourit à son jeune ami.
- Oui mon cher, d'ailleurs je remarque que tu as déjà repris ta pose…

Quelques heures plus tard, dans un bureau de la police judiciaire…
- C'est bien ce que je dis monsieur Poiret, encore douze corps la nuit passée.
- Pour les médias il est déjà trop tard, nous n'avons pu les museler à temps et la populace gronde déjà. Cela ne fait que commencer savez-vous ?
Sur une table étaient disposés des journaux à scandale aux titres évocateurs : "Un dépeceur à Bruxelles!", "Nouveaux meurtres dans la capitale!", Le tueur fou frappe encore!" ; etc..
- Vous rendez-vous compte ? Dix-huit corps en trois jours, on n'a jamais vu cela même dans une grande métropole comme New-York ou Mexico ! Et ces villes comptent le même nombre d'habitants que notre vieille Belgique !
L'inspecteur débattait avec un supérieur en complet noir. De grosses gouttes de sueur perlaient sur ses tempes.
L'homme au costume sombre alluma méticuleusement une cigarette et se passa la main dans ses cheveux soigneusement gominés vers l'arrière.
- Et vous n'avez pas la plus petite idée de qui aurait perpétré ces crimes ?
- Comment voulez-vous que je le sache ? D'ailleurs on serait plus tenté de dire "quoi" que "qui", avez-vous seulement vu l'état des victimes ? On les aurait cru tout droit sorti d'une moissonneuse batteuse ! Vous n'avez qu'à demander au légiste pour aller faire un petit tour à la morgue mais j'espère que vous avez l'estomac bien accroché monsieur Poiret !
Ce dernier se contenta de recracher la fumée de sa cigarette.

La nuit même, tout Bruxelles était étrangement calme, les habitants de la ville avaient scellé et cadenassé portes et fenêtres, on aurait dit qu'une peur ancestrale avait soudainement rejailli, comme aux temps les plus obscurs du Haut Moyen Age. Mais ici, pas de guetteur pour vous annoncer : "Il est telle heure et tout va bien!"
Non, rien que le souffle glacial du vent qui courait dans les rues.

Dans un ancien "squat" de la rue de la Samaritaine, l'enfant nu faisait les cents pas dans une grande salle délabrée, son petit visage autrefois mutin exprimait aujourd'hui la peur et l'angoisse. Il répétait sans cesse les mêmes mots :
- Dix-huit morts ! Dix-huit morts ! Dix-huit morts ! Et c'est certainement l'oeuvre d'un de nos frères par dessus le marché ! Mais qui ? Mais qui donc ?
Godefroid de Bouillon vint à la charge, il fulminait intérieurement depuis trop longtemps.
- Cesse de jacasser petit homme, Albert est à nouveau parmi nous, lui trouvera une solution, dit-il en désignant du doigt un personnage moustachu à l'aspect austère.
Manneken Pis, furieux, se retourna brusquement vers le célèbre croisé.
- Moi je jacasse, moi je jacasse ? Mais pour qui te prends-tu Godefroid de Bouillon ! Premier roi de Jérusalem, cela reste encore à prouver ! Il y en a plus d'un qui un jour atteignit cette cité !
Le colosse se releva d'un seul bond.
- Et toi Manneken Pis, enfin devrais-je plutôt dire le "soit-disant" Manneken pis ! Car sache ceci petit effronté, je me suis laissé dire que le vrai Manneken pis serait installé dans les Flandres, dans une ville du nom de Grammont ! Eh oui jeune sot, il y en a également un là-bas ! De plus ce ne sont pas des "moulins à vents" que j'ai combattus en terre sainte mais de véritables sauvages et…
- Il suffit !
L'homme à l'aspect austère mit fin à la querelle. Vêtu tel un aristocrate du début du 20 ème siècle, il toisait ses deux compagnons.
Albert Ier, ancien roi des Belges, reprit la parole d'un ton rude :
- Cessez cela séance tenante je vous prie ! Nous n'arriverons à rien en nous querellant !
Manneken pis courba l'échine et alla s'installer dans un coin de la pièce tandis que Godefroid de Bouillon regardait par la fenêtre en lui tournant le dos. Un silence complet s'était installé entre les trois personnages.
Finalement le plus insolant, en l'occurence l'enfant, brisa cette pause gênante.
- Ha, si seulement le patron était là, mais il est toujours en rénovation. Lui, il trouverait une solution à notre problème. Nous le savons tous, les statues de Bruxelles sont libres la nuit, elles peuvent se dédoubler et retrouver pendant quelques heures leur aspect originel. Malheureusement Saint-Michel, notre maître à tous, n'est plus à sa place pour cause de nettoyage et réfection et il n'a plus la possibilité d'user de son pouvoir de dédoublement.
Et ces satanés humains qui ne comprennent rien à rien et qui ne connaissent pas nos facultés, ils ne peuvent encore moins savoir que dès que notre statue est ôtée de son socle, son pouvoir d'ubiquité disparait.
En entendant ces mots, Albert ouvrit de grands yeux et se tourna vers le croisé. Il se mit à bégayer pour ensuite sortir une phrase intelligible.
- L'enfant a trouvé la solution Godefroid, et je crains le pire… Fortuitement le gamin m'a donné la réponse. Ho mon Dieu!
Le chevalier fronça ses sourcils broussailleux.
- Ecoute Godefroid, quelle était la responsabilité de Saint-Michel du haut de notre bon vieil hôtel ville ? Tu le sais, quand-même !
- Heu…
- Allons, réfléchis bon sang ! Tu n'es pas idiot à ce point !
- Heu... Ha, cela me revient, garder le Drag… Ventre-saint-gris ! Il doit garder le Dragon !
L'ancien roi des Belges sourit, mais ce n'était pas de l'amusement.
- Oui, ajouta-t-il, garder le Dragon, Dragon qui est maintenant libre de faire ce que bon lui semble et surtout le mal qu'il incarne.
Manneken pis s'approcha.
- Le mal ?
- C'est cela mon petit, le mal, tu es bien candide et ta désinvolture me consterne mon garçon, car qui aurait pu commettre de telles atrocités sinon lui ? A ton avis ?
Le petit secoua la tête comme s'il ne voulait pas comprendre mais la vérité commençait à se faire jour dans son esprit.
Albert sembla alors réfléchir puis changea de sujet :
- Au fait, sais-tu pour combien de temps Saint-Michel est en rénovation ?
Manneken se gratta les cheveux.
- Quelques semaines tout au plus.
Le regard du souverain s'assombrit, pour la première fois ses deux amis virent une larme sur ce visage si sévère. Ils n'en crurent pas leurs yeux. La situation devait être à ce point désespérée pour que ce grand homme se mette à pleurer.
Les lèvres tremblantes, il ajouta :
- Alors nous sommes tous condamnés, ainsi que Bruxelles et la planète entière. Dans un ou deux jours "la bête"se réveillera complètement de son long sommeil ; elle redécouvrira également toute l'étendue de ses anciens pouvoirs et je puis vous dire qu'ils sont presque illimités.
Malgré tout, son regard avait retrouvé cette dureté habituelle.
- Alors, alors, il pourra commencer réellement à se repaître de l'humanité comme dans ses rêves les plus fous…
Malheureusement Saint-Michel arrivera trop tard, il ne lui restera plus que décombres et cadavres...
L'homme de sang royal regarda une fois encore ses camarades.
- Il n'y a plus aucun espoir et les termes que j'utilise sont faibles, vous savez très bien qui est le Dragon.

L'heure froide approchait inexorablement, comme chaque nuit les trois compères ainsi que toutes les autres statues de la capitale devraient bientôt se préparer à regagner leur socle. Dehors, un vent fort et glacial balayait les rues de Bruxelles, il était d'une violence si incroyable qu'il couvrit presque totalement des hurlements d'effroi.

Fin

Note: Cette idée m'est venue quand dans les années 90, on avait retiré la statue de "Saint-Michel" du haut de l'hôtel de ville de Bruxelles. Il devait aller en rénovation tandis que le Dragon (Satan ou le mal si vous préférez) qu'il terrassait est lui resté sur place.
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