Tchatchor et Flamotor avaient été désignés volontaires pour cette mission. Des résultats concrets étaient exigés et tout échec serait puni par une privation de dessert pouvant aller jusqu’à plusieurs mois selon les murmures.
Ils se trouvaient devant la villa des Nielson. Lui était un riche promoteur immobilier, sa femme une ménagère accomplie, et ses enfants des anges nommés Hank et Zoé. La demeure se dressait sur deux étages et était littéralement envahie par le lierre. Le terrain boisé qui l’entourait représentait en superficie l’équivalent de la taille d’un terrain de football. Au moins deux ! avait même exagéré Tchatchor en arrivant sur les lieux.
L’idéal pour le clan en tout cas, d’autant plus que la baraque était complètement isolée du reste du monde, il n’y avait pas la moindre âme qui vive à plus de 10 kilomètres aux alentours. Presque trop beau pour être vrai.
Restait à la prendre d’assaut et à buter ses occupants.
- Treize.
- Hein ?! fit Flamotor.
- On sera treize si on convertit ces abrutis.
- Ouais… Et ?
- Ben ça craint.
- Un zombie superstitieux tu crois que ça fait sérieux ?
- Ben…
- Non ! Alors tu la boucles et tu m’aides à mettre au point un plan d’attaque.
Une grille en fer forgé leur barrait l’accès de la propriété et Flamotor soupçonnait la présence de détecteurs de mouvements. Et de chiens aussi. Mais les chiens n’étaient pas un problème. Au contraire, c’est bon le chien.
- Bon, dit Flamo. Je crois que j’ai un plan.
- Ouais ?
- Ouais !
- Et donc ?
- On va se faire passer pour des touristes égarés !
- A deux heures du mat’ ?
- Ben ouais quoi, ça arrive.
- Bon, et ensuite ?
- Ce n’est pas tout, on dira qu’on est tombés en panne plus loin sur le chemin et qu’on veut passer un coup de fil. Une fois entrés, j’égorge le mari – c’est lui qui descendra – et toi pendant ce temps-là tu fileras à l’étage buter sa femme qui regardera par la fenêtre ce qui se passe. Après on ira trucider les gosses dans leur sommeil !
- Ok !
Tchatchor se gratta la tête, un détail lui échappait mais il ne voulait pas avoir l’air idiot, alors il acquiesça d’un air grave. Un silence s’installa, Flamo toisait son acolyte avec insistance.
- Tchatchor, si tu as une question à poser c’est maintenant, fit-il d’une voix sèche.
- Bon Ok, comment tu sais que la chambre de la bonne femme est à l’étaaaaaggAAAAAIEEEEE !
- J’en étais sûr, fit Flamo en tordant l’oreille de son coéquipier. Tu n’as même pas pris soin de lire le dossier ! C’est à cause d’abrutis comme toi que nos missions foirent toujours !
Flamo fouilla dans sa poche intérieure de veste et en ressortit une feuille de papier pliée en quatre qu’il balança à la figure de l’abruti en question.
- Tiens, voilà le plan de la baraque, je te donne 30 secondes pour te familiariser avec, après ça on fonce.
- Ok chef, fit Tchatchor à la limite des larmes.
- Je suis pas ton chef, abruti, on est logés à la même enseigne tous les deux alors prends tes responsabilités.
Tchatchor se redressa et parcourut les documents pendant que Flamo observait la propriété, répétant mentalement les différentes étapes de leur plan.
- Ok, c’est parti !
Flamo appuya du pouce sur la sonnette de l’interphone et prit son allure la plus rassurante possible, bientôt imité par Tchatchor. Sourire n’était pas une bonne idée avaient-ils conclu après s’être mutuellement observés, le résultat avait quelque chose d’assez écœurant. Aussi optèrent-ils pour une attitude sobre et une expression neutre.
Dehors des projecteurs s’allumèrent, éclairant la pelouse impeccablement tondue de leur lueur crue. Un grésillement se fit entendre à leur gauche et une voix étrangement calme émana de l’interphone.
- Qui est-ce ?
Les deux « agents » échangèrent un regard tendu. Flamo désigna l’interphone du menton à Tchatchor, lui signifiant par là qu’il devait prendre ses responsabilités.
- Heu… Bonsoir… Je…Enfin nous… sommes désolés de vous déranger si tard mais nous avons perdu notre voiture.
- Je vous demande pardon ?
Flamo envoya son coude dans les côtes de son partenaire, le gratifiant par là même occasion d’un regard noir.
- Je veux dire : nous sommes perdus et notre voiture est en panne, nous souhaiterions téléphoner si ça ne vous dérange pas.
Flamo leva le pouce et Tchatchor soupira intérieurement, tous deux tendaient l’oreille vers l’interphone, priant pour que le plan fonctionne. En guise de réponse, un grésillement suivi d’un cliquetis émana de la grille. Celle-ci s’entrouvrit et les deux agents se regardèrent. Voilà qui ressemblait fort à une invitation.
Ils poussèrent la grille et s’engagèrent dans l’allée.
L’homme qui les accueillit se présenta sous le nom de Stanley Roronoa, il invita Flamo et Tchatchor à le suivre et les conduisit dans le salon. Il leur fit signe de s’installer d’un mouvement de ses longs bras décharnés et se posa lui-même sur l’un des fauteuils en cuir disposés autour d’une table basse en verre.
- Peut-être souhaiteriez-vous boire quelque chose ?
- En fait, nous souhaiterions surtout téléphoner…
- Malheureusement nous ne disposons pas de téléphone, en revanche je pourrai vous conduire en ville dés demain matin si vous le souhaitez.
- C’est que…
- Un garagiste pourra alors venir remorquer votre voiture.
A travers ses lunettes à monture fine, Stanley les observait d’un œil bienveillant et ses gestes, à la fois sûrs et voluptueux, inspiraient confiance.
- Inutile de vous déranger Mr Roronoa, fit Flamo. Nous ne voudrions pas déranger votre famille. Indiquer nous la route pour nous rendre en ville et nous marcherons, voilà tout.
Tchatchor lui coula un regard ahuri, s’il s’agissait là encore d’une subtilité du plan, il ne l’avait pas saisie.
- Faîtes comme bon vous semblera messieurs, en attendant de prendre une décision que diriez vous d’un chocolat chaud ?
- Sans façon, merci.
- Volontiers !
Flamo exécuta du regard son coéquipier.
- Parfait, fit Stanley en sortant de la pièce.
Il se retourna un peu plus loin.
- Au fait, soyez rassurés, vous ne dérangerez personne, je vis seul ici.
Une fois la silhouette de Stanley disparue dans les ombres du couloir, Tchatchor se leva brusquement de son fauteuil et se mit à gesticuler.
- Là je ne te comprends pas, il est à notre merci et tu voudrais te barrer ?! En plus tu as entendu, il vit seul !!! Qu’est-ce qu’on attend ?
Flamo bâilla et étendit ses bras qui émirent un craquement sonore.
- Merde, encore cassé, fit-il en remboîtant son coude. Puis se tournant vers Tchatchor : Pauvre imbécile, s’il t’arrivait de réfléchir un peu tu saurais !
- Je saurais quoi ?
Flamo soupira et jeta un regard consterné à son équipier.
- Primo, ce type ne correspond pas à la description faite sur le dossier. Secundo, s’il dit vrai, il n’a pas de famille et c’est encore un détail qui cloche. Mais le plus flagrant est qu’il ment !
- Comment tu sais ça ?
- Il a dit « nous ».
- Quoi ?!
- Tout à l’heure quand je lui ai demandé si on pouvait téléphoner, il a répondu en disant « nous ».
- Quel intérêt aurait-il à mentir ?
- Pour endormir notre vigilance, pardi !
- Je ne comprends pas.
- Peu importe, de toute façon il est trop tard pour se barrer si tu veux mon avis.
- PourquoiAAAAAAIIIIIEEEEEE !!!
- Mais dans le genre boulet, toi, j’te jure, hurla Flamo en tirant violemment les cheveux de Tchatchor. Tout ce que je viens de te dire ne te met pas la puce à l’oreille ?!
- Mais quoi, pleurnicha l’équipier-boulet. Tout ce que je vois c’est qu’on n’a qu’à aller le trouver, le buter et la mission sera accomplie !
- Tchatchor, tempéra Flamo, à partir de maintenant tu ne dis plus rien, tu me laisses faire, d’accord ?
- Ok, Flamo, mais qu’est-ce que tu comptes faire ?
- J’en sais rien encore, il va falloir improviser.
Flamo tira une cigarette de derrière son oreille et prit une longue bouffée qu’il recracha très lentement.
- Tout ce que je sais c’est qu’on est tombés dans un piège.
Stanley réapparut quelques minutes plus tard avec les chocolats chauds. Il en disposa un devant Tchatchor et en prit un pour lui qu’il se mit à siroter doucement.
- Qui vous a prévenu ? fit Flamo sans préambule.
- Je vous demande pardon ?
- Arrêtez votre petit cinéma, Roronoa, et dîtes moi plutôt d’où vous est venue l’information.
Flamo s’était levé de son fauteuil et se dirigeait lentement vers l’homme à l’air tranquille. Il découvrit ses dents en un sourire ravagé, écrasa sa cigarette sur la moquette et remonta ses manches, exhibant des muscles saillants.
- Si c’est la bagarre que tu cherches, les zombies sont prêts à relever le défi. Pas vrai Tchatchor ?
- Ouais ! fit ce dernier en reposant précipitamment sa tasse.
Stanley réajusta ses lunettes sur son nez et prit un air interrogateur, il avait le regard d’un entomologiste qui aurait découvert une variété étrange d’insecte.
- Je ne comprends pas bien, fit-il. Je vous propose mon aide et vous me menacez, c’est bien ça ?
- Arrête de faire l’innocent, face d’anchois ! Tu as dis vivre seul ici, mais tout à l’heure tu as dis « nous » !
- Et alors ?
- Alors tu as menti ! grinça Flamo en serrant les poings. Peu importe combien vous êtes ici, ce que je peux te dire c’est que si tu continues à nier, Tchatchor et moi on va t’éclater la gueule !
Un sourire se dessina sur le visage de leur hôte et une lueur fugace passa dans ses yeux.
- On m’avait pourtant dit que vous étiez deux abrutis. Force est de constater que vous êtes plus fins qu’on le dit.
- Qui dit ça ?! éclata Tchatchor qui s’était levé.
- C’est moi ! fit une voix provenant du couloir !
Flamo et Tchatchor se tournèrent vers la porte et scrutèrent le visage du nouveau venu. Les cheveux longs, les traits anguleux, le regard glacial, ils le reconnurent immédiatement.
- Maniator, espèce d’enfoiré, éructa Flamo. C’est toi qui nous as vendus !!!
- Tu as compris. Un peu tard, mais tu as compris tout de même. Bientôt, vous n’existerez plus. Avec moi comme agent des brigades infiltré parmi vous, vous n’avez aucune chance. D’ici quelques semaines vous, les zombies, appartiendrez à l’histoire.
Maniator sortit de sous son manteau une hache et pulvérisa la table basse d’un coup puissant sous le regard amusé de Stanley.
- Zombies ou pas, une fois que vous aurez goûté à ma hache vous ne serez plus qu’un tas de bouillie tout juste bon à donner aux chiens !
- Amène toi, tête de bite, je vais te trucider ! hurla Flamo en se jetant sur lui.
Maniator esquiva sans difficulté le coup porté par Flamo, prit appui sur une jambe et balança l’autre dans les côtes de son assaillant. Celui-ci se retrouva projeté contre le mur dont le plâtre se fissura sous la puissance de l’impact.
- Alors tafiolle, tu te relèves ou s’il faut que je t’achèves dès maintenant ?
Flamo se rabroua rapidement et se dressa à nouveau face à Maniator, plantant son regard haineux dans le sien.
- Garde tes caresses pour tes chiens.
Maniator rentra les épaules et chargea avec un cri de rage, il abattit sa hache à quelques centimètres de la tête de Flamo. Celui-ci profita de ce temps d’avance pour agripper son adversaire par les oreilles et lui briser le nez d’un coup de tête. Maniator recula en se tenant le visage, gémissant de douleur.
- Mon nez ! Tu m’as bousillé le nez !
Flamo voulut profiter de son avantage mais il ne perçut que trop tard l’ombre qui s’était glissée derrière lui.
- Je te tiens, fit Stanley qui d’une manière incompréhensible avait réussi à immobiliser Flamo avec un seul bras.
Ce dernier avait beau se débattre et se tortiller dans tous les sens, la prise de Roronoa ne laissait aucune marge de manœuvre.
- Allez Antoine, fit-il à l’adresse de Maniator. Finis-en avec cet avorton.
Maniator se redressa, s’essuya le nez d’un geste agacé, et brandit sa hache au dessus de la tête. Qu’il abattit de toutes ses forces sur le crâne de Flamo qui éclata en deux parties distinctes. Trop distinctes, se dit Tchatchor qui était resté prostré dans un coin, au bord des larmes.
Emporté par sa puissance, le coup avait également fendu en deux la cage thoracique de Stanley qui observait ses poumons d’un oeil alarmé.
- Antoine… Tu m’as…
Il porta un regard chargé d’incompréhension à Maniator et s’effondra au sol dans un dernier râle d’agonie. Flamo parvint à effectuer un pas. A tendre un bras en direction du traître.
Et s’effondra à son tour.
- A nous deux maintenant, fit Maniator à l’attention de Tchatchor qui pataugeait dans une flaque douteuse. Tu vas rejoindre ton pote au royaume des morts qui sont déjà morts.
Maniator souleva sa hache mais sa tête explosa avant qu’il n’ait pu faire un pas. Un poing venait de la traverser de part en part.
- La voilà ma taupe, fit Kleptarius qui avait surgi de nulle part. Je savais bien que nos échecs répétés n’étaient pas le fruit du hasard, nos plans de missions étaient donc bien sabotés…
Le corps sans tête de Maniator, se déplaça de quelques mètres, le temps pour lui d’assimiler la triste nouvelle, puis s’affala sur la moquette dans une position ridicule. Klept leva une jambe à la verticale et en abattit le talon sur les restes de Maniator avec une force fulgurante.
La moquette épongea le sang versé avec une frénésie animale.
- Tchatchor !
- Oui, Klept, fit-il dans un sanglot.
- Maîtrise toi, tu fais honte à notre communauté. Va fouiller le reste de la maison, trucide tout ce qui bouge et reviens au rapport. Je crois qu’on a trouvé notre nouveau lieu de villégiature. Les choses vont aller mieux maintenant que les brigades n’ont plus d’agent infiltré.
- Ok, chef ! fit Tchatchor soudain galvanisé. A vos ordres, je ferai ce que vous me direz !
- Mais ne va pas croire que tu vas échapper à la sanction. Pour moi cette mission est un échec, vous auriez dû rester sur vos gardes. Si je n’avais pas été là, tu serais mort toi aussi, et Maniator aurait fini par tous nous exterminer. Tu seras privé de tarte tatin pendant une semaine !
- Ok, chef, fit Tchatchor en déglutissant avec difficulté.
- ET NE M’APPELLE PLUS CHEF !!!
Il s’avéra que la demeure était vide, ses seuls occupants gisaient sur la moquette du salon et leurs corps étaient bien trop endommagés pour être convertis. Encore de nouvelles pertes pour la dernière communauté de zombies. Mais plus que jamais l’espoir subsistait, un grand pas avait été amorcé et une nouvelle ère, chargée de promesses, tendait les bras vers les ultimes résistants.
Klept s’assit en tailleur auprès de la dépouille de Flamo et prit ses mains dans les siennes.
- Un jour nous serons les maîtres du monde, je te le promets.
FIN du 1er épisode
Sujet: Concours Zombies - Une nouvelle demeure 
génial, j'étais mort de rire, un mélange de minus et kortex et de flic ou zombi.... génialissime d'originalité. un rythme soutenu... hum, beaucoup sont génialement écrites, mais celle ci j'adore, ca va etre dur de donner des notes 
Content que ça t'ait fait rire! J'aurais aimé soigner un peu plus le texte mais j'étais vraiment à la bourre... 
