Emathuor Vampire de campagne
Nombre de messages : 232 Date Naissance : 23/12/90 Date d'inscription : 01/06/2005
| Sujet: Shithole Mer 30 Déc 2009 - 20:31 | |
| Voici un texte que j'ai dû écrire dans le cadre d'un cours de littérature américaine. La contrainte était de 1000 mots et la thématique du travail était la FIN. Merci d'avance à ceux qui me feront part de leurs commentaires. Emathuor (le revenant) Shithole
Avant que tout cela se produise, j’ai longtemps pensé que le monde dans lequel nous vivions n’était pas éternel, et qu’il allait un jour s’effondrer comme un vilain jeu de cartes. Je n’aurais jamais imaginé que son effondrement tiendrait d’une mécanique aussi subtile, du dérèglement aussi fin et destructeur d’un système si profondément ancré dans la chair même de l’homme que ce dernier n’aurait d’autre choix que d’assister, impuissant, à son propre recul infreinable. Ici, Dieu est bel et bien mort. En son absence, son existence dissipée est plus certaine que jamais. Peut-être comprendrez-vous. Il m’arrive de m’égarer ainsi parmi les vieux concepts. Cette propension que j’ai de rationaliser certaines choses qui défient pourtant toute forme de raison est nécessaire à quiconque désire survivre ici; sans cela tout s’écroule. Si j’écris aujourd’hui ces mots confus, c’est parce que je n’ai pas encore perdu tout espoir, et c’est sans doute pour cette raison que je ne suis pas encore entièrement, comme tous les autres, passé de l’autre côté du monde – c’est-à-dire derrière lui, dépassé par lui, prisonnier. Ça ne fait pas de moi quelqu’un de plus vrai, de plus tangible, ou de plus profond qu’eux. Ici, je ne suis rien. Ici, l’identité n’existe plus. Je suis un corps en perte de plus, un individu brouillé, écrasé, déshumanisé par le non-sens de cette aventure. Je me rappelle toutefois avec une clarté étonnante la vie que je menais avant que tout cela se produise. C’est au souvenir de cette identité révolue que je m’accroche aujourd’hui; sa réalité incontestable, aussi vaporeuse soit-elle, est la seule arme qu’il me reste contre la dissipation imminente du monde.
J’entrai à Vancouver par le Granville Street Bridge, une matinée brumeuse d’octobre, avec l’impression curieuse de pénétrer un nuage reculé de ma conscience encore habité par les secrets de mon enfance. Retrouver Vancouver, c’était me retrouver moi-même au milieu de ce foutoir étrange dans lequel je baignais depuis quelques mois déjà. Sans doute est-ce la puérilité de mon enthousiasme qui m’aveugla pendant que je parcourais Granville St, puis Burrard et Davie, sans même noter ce qui assure aujourd’hui mon autodestruction amorcée. C’est en arrivant à la hauteur du Gastown (vieux Vancouver) que je commençai à m’inquiéter, non pas pour moi-même -pas encore-, mais pour ces gens. Il y a au cœur de ce quartier une vieille horloge à vapeur qui réunissait tous les ans un nombre insupportable de touristes, qui s’arrêtaient pour admirer l’archaïsme raffiné de la chose. Or, lorsque j’arrivai au coin de Cambie et Water Street, en devinant déjà l’attroupement que je croiserais autour de la Gastown Steam Clock, je dus littéralement stopper la voiture pour éviter un accident. Des gens se pressaient par centaines autour de l’horloge antique, la couvrant presque jusqu’à la tête dans un tiraillement incessant, comme si tous souhaitaient la toucher de peur qu’elle ne s’envole. Je dus rester au moins cinq minutes au même endroit, proprement stupéfié par l’étrangeté de la chose. La mince gueule de l’horloge qui chapeaute l’énorme cadran circulaire ne crachait plus sa fumée blanchâtre dans l’air d’octobre. Elle semblait s’être éteinte, le mécanisme n’étant plus apte d’assurer son fonctionnement suite à un bris quelconque. C’est du moins ce que je tirai comme conclusion en m’éloignant du coin achalandé pour rejoindre Powell Street, dominée par l’inquiétante Hotel Europe qui jetait un regard aveugle sur la rue déserte. Je me stationnai tout près de sa façade creusée de fenêtres closes et j’entrepris une marche interminable dans la ville, en éprouvant le sentiment tenace de lui être désormais étranger, Vancouver que j’avais pourtant habitée et que je connaissais plus que tout autre endroit au monde. Tout semblait figé, arrêté, et les passants absorbés par leur marche lente et contemplative. Tous les coins de rues, quartiers confondus, se ressemblaient par leur stagnation, leur absence absurde de vie et d’animation, l’intérieur creux et désert de leurs bâtiments. Je marchai longtemps au milieu de ce vide inconnu, ces artères parfois dépeuplées, parfois fourmillantes d’âmes silencieuses au regard égaré, de corps paresseux à la marche sans rythme. Lorsque j’arrêtai un homme pour lui demander l’heure, je ne reçus en guise de réponse qu’un rire vide et désenchanté. Je pourrais écrire un roman entier sur la promenade que je fis ce jour-là, mais ce serait inutile. Il me faut surtout tenter de comprendre, à défaut de pouvoir expliquer, ce qui se passe ici.
Sachez que j’ai tenté à plusieurs reprises de sortir de la ville, mais toutes les issues, sans exception, sont fermées. Vancouver, tout comme ses habitants transformés, est condamnée. Je parcours incessamment depuis la ville, du nord au sud puis d’est en ouest, en quête d’une sortie possible, et peut-être d’une femme avec qui il me serait plus simple d’affronter ce qui sévit ici. Le paysage ne change jamais. Les décors, ainsi que les pauvres acteurs de ce théâtre absurde, sont fixés et le resteront jusqu’à la fin. Sur la marche centrale du Victory Square, je croise toujours ce vieil homme noir qui prie en sondant le ciel, au coin de Pender et Granville, ces trois femmes âgées qui parlent une langue étrangère, sur celui de Georgia et Seymour, ces itinérants fumant dans l’entrée d’un bâtiment délabré. Les mêmes situations se retrouvent partout. Rien n’avance, rien ne change, tout s’éternise. Je me demande comment j’ai pu échapper à cette malédiction qui transforme ces hommes en épaves. Je me sens extérieur à cette mise en scène du destin, je me sens encore en pouvoir de me dominer, de me battre contre ce grand gel qui saisi tout, qui s’empare des gens et les emprisonne dans un refrain inchangeable. Je n’ai toujours pas perdu la faculté de penser et d’agir; peut-être est-ce là pourtant la cause de ma terrible souffrance. Vous devez savoir qu’ici, la nuit n’arrive jamais. Les aiguilles de la Gastown Clock ont immortalisé l’heure dernière. Depuis, le Temps s’est retiré. Une idée reçue largement véhiculée dans l’imaginaire collectif occidental voudrait que le monde s’efface avec grand fracas, en entraînant avec lui les hommes et leurs prétentions. Ce grand cataclysme fabulé à l’intérieur de chaque époque est un pur fantasme; la fin, la vraie, est beaucoup plus terrible que ce que nos esprits ont toujours voulu concevoir. Elle possède tout et installe sa mécanique en écartant toute contestation possible. Sans Temps pour la soutenir, la réalité humaine s’effondre, lentement, cruellement, s’affaisse lourdement et sans bruit. Et une fois l’Histoire achevée, il ne reste que le vide, immense, de la fin. | |
|
Time2Reload Vampire de campagne
Nombre de messages : 123 Age : 30 Date d'inscription : 28/06/2009
| Sujet: Re: Shithole Dim 3 Jan 2010 - 20:25 | |
| J'ai l'impression que les idées se brouillent et s'entremêlent. Il y a plusieurs formes et impressions pour cette fin et elles s'embrouillent. On parle bien de fin du monde, mais je n'arrive pas à déceler de quelle fin il peut s'agir... Les phrases sont longues et dures à comprendre. Il y a un morceau d'histoire racontée, avec cette ville et son horloge... mais je ne vois pas son dénouement. Désolé.
(Les autres, vous percevez les mêmes choses que moi ?...) | |
|
TAK Travelo kamikaze
Nombre de messages : 4975 Age : 41 Date d'inscription : 29/12/2006
| Sujet: Re: Shithole Dim 10 Jan 2010 - 11:09 | |
| Texte étrange et séduisant à la fois que voilà. Je comprends ce que tu veux dire T2R et je suis d'accord avec toi dans une certaine mesure, mais passé outre cette impression de fouillis sémantique (tout de même un peu pénible), j'ai bcp aimé l'idée générale de ce texte. Une fin des choses qui n'est ni un cataclysme, ni une extinction, ni autre catastrophe digne d'un film hollywodien. Nan, c'est juste la fin de la vie, celle qui est ordonnée par un début et par une fin ; par l'érosion des choses et le passage du temps. Et c'est ce concept-là que j'ai adoré. Mais après, c'est clair que ces phrases sont trop longues et brouillonnes, tout comme la syntaxe un peu trop fouillée et désordonnée à la fois. Tu as du vocabulaire et une certaine finesse de plume Emathuor, te reste plus maintenant qu'à synthétiser et canalyser tout ça ! P.S: Ah oui et la mise en page est affreuse ! la prochaine fois, ce serait bien que tu prennes le temps de mettre ça en forme ou de passer ton texte en pdf, pour ce que ce soit plus agréable à lire | |
|