Un ptit texte comme ça
Tu n’es qu’une sale petite peste, me dit souvent Maman. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais elle a les lèvres qui tremblent et les yeux qui s’élargissent dans ces moments là. Alors moi je pleure. Je pleure parce que je ne comprends pas. Et alors, Maman me crie dessus de plus belle, et elle me dit de filer dans ma chambre, avant qu’elle m’étripe. C’est vrai que je fais beaucoup de bêtises, mais ce n’est jamais méchant, juré.
Papa, lui, ne me dispute jamais, mais il ne me console pas souvent non plus quand je suis triste. Au début, je croyais que c’était parce qu’il avait peur de Maman, mais maintenant il me semble que c’est de moi dont il a peur. Je le vois à sa façon d’éviter mon regard, et aussi à la lueur affolée qui envahit ses yeux quand je l’approche. C’est sûrement à cause des chatons, je ne sais pas.
Tiens, en voilà une de bêtise justement. Nina, ma chatte, a eu une portée cet été. Quatre chatons en tout : il y en avait un roux tigré, un gris clair, un noir et blanc et le dernier était tout blanc. Il était trop mignon, celui-là. Papa m’a dit qu’on ne pouvait pas les garder, alors j’ai pleuré. Ca n’a pas suffit, alors j’ai tapé du pied et je me suis roulée par terre. Mais rien n’y a fait, et finalement, j’ai dû monter dans ma chambre avant de me faire étriper, sale petite peste.
Mais le soir, j’ai attendu que Papa et Maman soient couchés et je suis redescendue en douce pour câliner un peu les chatons. Et il était là, blotti dans la fourrure chaude de sa mère. Il ouvrait de tout petits yeux et me regardait avec un air endormi. C’est là que j’ai craqué et que je l’ai pris avec moi. Il a dormi toute la nuit contre moi, dans mon lit. Mais je sais maintenant que je n’aurais pas dû lui tourner la tête complètement, parce que ce n’est pas un nounours et que les animaux ne sont pas des jouets. Mais je ne pensais pas à mal, juré.
C’est là que Papa a commencé à me regarder bizarrement. Maman, elle, m’a envoyé chez ma tante, celle qui garde toujours ses volets fermés et qui allume des bougies qui ont une drôle d’odeur. Je n’aime pas ma tante, elle porte toujours les même robes et en plus, elle sent mauvais.
Mon petit frère m’adore, lui. A chaque fois que je me penche sur son berceau, il me fait un grand sourire et essaie de m’attraper les cheveux. Il est rigolo mon petit frère. Mais Maman n’aime pas beaucoup que je m’approche de lui depuis le coup du chaton, alors je vais lui faire des papouilles en cachette. J’aime bien lui faire des papouilles, ça le fait rigoler, et moi, ça me rend heureuse.
Hier, j’ai encore fait une bêtise, et Maman m’a giflée cette fois-ci. Alors je me suis mise à pleurer, sauf que là j’avais vraiment mal au cœur. Je m’ennuyais et, pour lui faire plaisir, j’ai voulu faire la poussière dans la salle à manger. Je savais où elle rangeait tous ses produits d’entretien et je suis allé les chercher discrètement pour que la surprise soit totale. Mais j’ai renversé son joli vase de Chine qu’elle tenait de ma grand-mère. J’étais bien embêtée, j’avais honte, mais Maman n’a rien voulu savoir. Alors je me suis excusée, et c’est là qu’elle m’a giflée. Elle pensait que je l’avais fait exprès pour me venger. C’est vrai que je lui en ai un peu voulu sur le coup de m‘avoir envoyée chez ma tante, mais je lui ai pardonné très vite. C’est ma Maman, quoi, et je voulais juste qu’elle soit contente de moi, juré.
Aujourd’hui, Maman est vraiment de mauvaise humeur. Quand je suis arrivée à la cuisine, ce matin, elle ne m’a même pas dit bonjour. Moi, je lui ai quand même fait un bisou, mais elle n’a pas bougé. Elle doit avoir des tas de soucis, je pense. En plus, Théo a de la fièvre depuis hier soir, ça doit l’inquiéter un peu. J’espère que ce n’est pas à cause de moi.
Maman est partie faire des courses en ville.
- Surveille bien Théo, que la môme n’aie pas encore une de ses idées stupide, qu’elle a dit en partant.
Et Papa est donc resté vers moi, ou plutôt vers Théo. Mais je suis contente parce qu’il a bien voulu jouer avec moi pour une fois. Oh, je vois bien que ça ne l’enchante pas et qu’il n’a pas vraiment l’air rassuré, mais au moins, lui, ne m’a pas hurlé de monter dans ma chambre, sale petite peste.
Alors je suis allé trouvé une cachette (j’adore jouer à cache-cache), et je crois que j’en ai trouvé une bonne, une très bonne même. Papa n’est pas près de le trouver, ça non. J’en rigole déjà.
Soudain le voilà qui surgit derrière moi.
- Trouvé !
- Mais non, Papa, dis-je en rigolant. Ce n’est pas mon tour de me cacher, c’est le tour de Théo !
Là il s’est mis à blanchir à vue d’oeil. Il a ouvert la bouche et s’est mis à bafouiller. C’était comique à voir.
- Mais qu’est-ce que tu racontes ? Comment veux-tu qu’il se cache ? il a dit, la voix mal assurée.
- Et bien je l’ai caché moi-même, bêta, que je lui ai répondu, en me moquant un peu de lui.
Il s’est alors penché vers moi et m’a tenu fermement par les épaules.
- Il faut me dire où tu l’as caché, tu m’entends ? Ce n’est pas drôle du tout comme jeu !
- Oh, allez Papa, t’es pas si nul, tu vas trouver, que je lui ai dit en éclatant de rire. Allez, je te laisse vingt minutes, et si tu n’as pas trouvé d’ici là, tu auras un gage.
J’étais vraiment heureuse de pouvoir jouer un peu, c’est pas souvent ces temps-ci. Mais lorsque Papa m’a attrapé le bras et m’a dit que j’étais qu’une sale petite peste, qu’il fallait que je lui dise où j’avais caché Théo, nom de Dieu, et bien je me suis mise à pleurer. Je me suis mise à pleurer parce que je n’ai pas compris pourquoi tout d’un coup il s’est énervé comme ça.
Pourquoi j’ai l’impression que tout le monde me déteste ? Je ne fais jamais rien de mal, et quand il m’arrive de faire des bêtises, ce n’est pas exprès, juré.
Heureusement que j’ai mon petit frère, je vous le dis. Lui ne me juge pas, et il est toujours gentil pareil. D’ailleurs, pas question que je dévoile l’endroit où il est caché, ça non alors. Papa n’a qu’à se débrouiller tout seul pour le trouver, ça lui apprendra.
De toute façon, gourmand comme il est, il ne va pas tarder à aller chercher une glace dans le congélateur.
Je le vois déjà éclater de rire. J’en rigole d’avance.