Solen, par ses mimiques habituelles, venait de me rappeler que c’était l’heure de sa promenade sanitaire.
Toujours respectueuse de mes douleurs dorsales,ma petite yorshire bondit sur le fauteuil pour que je lui mette sa laisse.
En sortant de la maison, de l’autre coté de la route, je vis un curieux bonhomme qui les mains dans les poches regardait attentivement ma maison.
Il avait un bizarre accoutrement, passablement démodé, et qui faisait penser aux vétements que les personnages portent sur des estampes, d’il y a un siècle.
Une ceinture de flanelle autour de la taille faisait penser que cette personne appartenait a la classe paysanne.
Comme il continuait a regarder ma maison, sans faire attention a moi, je m’approchais de lui et lui demandais s’il cherchait quelque chose.
Portant les yeux sur moi, il me répondit :
- -C’est ma maison. Elle a beaucoup changée.*
- -Votre maison ? Vous avez vécu la dans votre jeunesse. ?
- -J’ai habité là toute ma vie, et j’y suis mort.
- Interloqué, j’ai tout de suite pensé avoir a faire a un fou. Pourtant en dehors de son curieux habillement, il me semblait normal.
- Pour en avoir le cœur net, je décidais d’entrer dans le jeu.
- - Y a-t-il longtemps que vous êtes mort ?
- - Oh oui ! je crois. Quel jour sommes nous ?
- - Nous sommes mercredi, pourquoi ?
- - Non, je veux dire, en quelle annèe sommes nous ?
- - Nous sommes en 2006-
- Saperlipopette ! alors ça fait un bout de temps. Je suis mort en 1895.
- De plus en plus ahuri, je restais quelques secondes silencieux, puis je repris
- - Mais enfin, Monsieur, vous n’êtes pas mort, puisque nous parlons ensemble.
- - Ah, ça, mon bon Monsieur, je n’y comprends rien. Je suis mort, j’en suis sur. Et puis, voila que je me trouve là depuis quelques minutes, devant ma maison.
- C’est vous qui habitez là maintenant ?
- - Oui. Depuis 10 ans. Et avant c’était je crois un polonais qui a fait beaucoup de travaux dans cette maison. Voulez vous entrer ?
- - Ben, oui. C’est pas de refus.
- J’eus beaucoup de mal a faire comprendre à Solen que sa promenade était différée, mais nous avons pu rentrer, dans le salon
- - Là, c’était ma chambre…oh là là, vous en avez des livres ! De mon temps, il y avait le lit, la commode et une chaise, et c’est tout.
- Puis le mort- vivant m’expliqua que dans la cuisine et la salle à manger, il cardait des matelas. C’était son occupation secondaire après ses travaux agricoles.
- Tout cela était fort interessant, mais je ne vous cache pas que j’étais avant tout curieux du phénomène qu’il représentait, alors que lui semblait prendre les choses avec un certain détachement. C’était troublant.
- - Mais enfin Monsieur, vous me dites que vous êtes mort en 1895, nous sommes en 2006, cela ne vous parait pas extraordinaire
- - C’est pas ordinaire, c’est sur. Mais de mon temps déjà il y avait beaucoup de choses que l’on ne comprenait pas, alors….
- - Oui, mais tout de même….En dehors de Jésus Christ, personne n’a jamais été ressuscité. Vous avez été enterré dans le village ici
- - Ou voulez vous que je sois enterré ?J’ai toujours habité ici.
- - Bon. Mais pendant que vous étiez mort, que faisiez vous ?
- - Ben ! quand on est mort, on ne fait rien bien sur !
- - Mais vous étiez ou, exactement ?
- - Ben, j’étais au cimetière pardi
- - Votre corps était au cimetière, mais votre esprit ?
- - Je ne comprends pas ce que vous dites.Moi, j’étais avec moi, c’est tout
- - Bon. Vous étiez enterré au cimetière, votre corps et votre esprit ensemble. Mais que s’est il passé pour que vous sortiez de terre tous les deux et que vous vous trouviez ici ?
- - Ah ça, Dame, je n’en sais rien. Tout d’un coup, je me suis trouvé devant ma maison…Pardon, devant votre maison, maintenant, et ça me fait plaisir.
- Mais je ne suis pas comme « avant »
- - Que voulez vous dire ?
- - Ben, avant que vous sortiez, j’ai voulu toucher les feuilles du cognassier au bord du jardin. C’est moi qui l’avais planté. Hé bien je n’ai pas pu toucher les feuilles.
- - Comment ça ?
- - Ma main passait a travers les feuilles….comme si je n’avais pas de main..C’est drole, hein ?
- - C'est-à-dire, que….c’est extraordinaire….Voulez vous que nous nous serrions la main. ?
- Il tendit sa main vers moi, je voulu la saisir, mais je ne sentis absolument rien. Ma main passait au travers de la sienne….Mes yeux voyaient son corps, qui en fait n’avait aucune consistance.
- Je dois avouer qu’à ce moment là, je sentis la panique monter en moi. L’incompréhension est la meilleure génératrice de la peur.
- L’inconnu vit bien l’effet que sa présence provoquait en moi, mais lui, ne semblait pas très surpris.
- - Vous n’y comprenez rien, hein ? Moi non plus, mais des mystères, il y en a beaucoup pour les hommes.On ne sait pas tout, c’est comme ça !!
- Vous voulez voir d’où je suis sorti ? Venez, on va au cimetière.
- Il se mit en marche et je le suivi. Vu de dos, il semblait être une personne absolument normale, et je me fis la reflexion qu’indépendamment de son corps, ses vétements, quoique d’un style ancien, semblaient être en bon état.
- Arrivé au cimetière, sans hésitation il vint devant un tombeau, et du doigt me désigna un nom inscrit sur la pierre tombale. « Léon Cazaux 1820- 1895 »
- C’est moi, me dit il.
- Un moment s’écoula, puis, il murmura :
- -Je préfère la rejoindre..
- Puis, il monta sur la tombe, et lentement, je vis les pieds, puis les jambes, puis le corps disparaître sous la pierre. Au moment ou sa tête allait disparaître, il leva le bras pour un signe d’adieu a ma destination…..
- Si vous avez suivi ce récit, vous devez parfaitement comprendre, dans quel état d’esprit je me trouvais : sensation d’être dans un monde irréel, incompréhension avec son corollaire : l’effroi.
- Je suis rentré a la maison..
- Le pas de la porte franchi, Marie me demanda :
- - Avec qui étiez vous ?Je ne l’ai vu que de dos quand vous partiez, et je ne l’ai pas reconnu.
- - Ah, bon !!Vous l’avez vu aussi ?
- - Mais bien sur que je l’ai vu !! Pourquoi me demandez vous ça ?
- - Parce que, c’était un mort !
- - Quoi ?
- Je lui racontais alors toute l’histoire
- - Vous souvenez vous du nom ?
- - Oui. Léon Cazaux
- - Bon. Allons au cimetière
- Nous sommes allés au cimetière, Marie et moi.
- La tombe était bien là.
- Je ne l’avais pas vue la première fois, mais , il y avait une autre inscription sur la pierre tombale : Le nom de sa femme : « Rose Cazaux née Laporte 1825- 1896. »
- Elle ne lui avait survécu qu’une annèe.
- La tombe ne présentait rien de particulier
- Cela se passait il y a un mois. Nous n’en avions parlés a personne. C’est la première fois, que sur ce forum, derrière mon pseudo, j’ose raconter cette histoire exceptionnelle.
Sujet: Le mort mystérieux 
Le vieux monsieur est très sympathyque, mais le fait que le narrateur l'ait invité alors qu'il "regardait" sa maison me semble irrationel. 
