Une petite nouvelle écrite vite fait dans la semaine.
.REDEMPTION
Assis sur un rocher, dans le bas-côté d’un sentier qui dévalait de la montagne, Tom contemplait le désert qui s’étalait devant lui, à perte de vue. Un désert de sable rouge et de petites roches ocres, parsemé de fumerolles à l’odeur de souffre, qui ajoutaient à la chaleur déjà intenable, une impression d’étouffement. Ca et là, quelques amas rocheux coupaient la platitude de l’horizon de leurs masses qui apportaient les seules et trop petites ombres de cette étuve.
Tom avait été un homme robuste, mais là, assis sur le rocher, il ressemblait à un vieillard. Les manches retroussaient de sa chemise laissaient apparaître des bras maigres, son visage était tiré, couvert de rides qui n’y étaient pas quelques mois plus tôt. Ici, il avait vieilli vite, trop vite. Le soleil avait eu raison de lui dans la montagne, et maintenant, il allait devoir traverser ce désert, espérant trouver la délivrance de l’autre coté.
Il ne lui restait qu’une gourde pleine, l’autre était vide, mais il ne savait pas où il pourrait la remplir dans cette étendue de sable. Rien que du sable, partout devant lui. A cette idée, il refusait de se lever, mais il fallait avancer, aller de l’avant. Pour aller où ? Pour trouver quoi ?
Et puis pas un animal, tout au plus quelques insectes qu’il avait aperçu se faufilant entre les pierres du sentier, et encore, il n’en avait jamais vu de tel. Alors, qu’allait-il manger ? Il avait finit son dernier sachet repas le matin même en atteignant l’orée du désert, petite pause avant de repartir, et puis le mal de tête était revenu, douleur sourde et épuisante qui l’empêcha de reprendre la route. Il avait trouver le rocher où il était assis depuis, attendant que ça passe, réfléchissant à sa situation, comme depuis qu’il était arrivé dans ce maudit pays.
Il s’était réveillé sur le sol de pierre de l’autre coté de la montagne, à une intersection de chemin, quelques jours avant, ou même des semaines, il souffrait tellement depuis qu’il était là que le temps lui échappait, et puis sa montre était cassée. Elle gisait sur le bord du sentier dans la montagne.
En se redressant, ce matin là, il se demandait où il était. Il se levait et s’étirait, puis après un rapide tour d’horizon, essayait de rassembler ses souvenirs. Pas évident, il avait encore le cerveau embrumé de son sommeil, ou de son coma, il ne savait pas non plus. Après quelques minutes, la dernière chose qu’il se souvint, fut la vision d'une balle de revolver qui lui fonçait dessus. Elle lui pénétrait le front, laissant un petit trou aux bords brûlés, avant de ressortir de l’autre coté en lui emportant la partie arrière de la boite crânienne. Il tombait face contre terre.
Et puis la réalité l’avait rattrapé, maintenant, il était debout, au milieu de nulle part. Avec pour seule compagnie… il avisait des objets éparpillés par terre, deux gourdes et une dizaine de sachets repas et aussi, il le sentait naître derrière ses yeux, un mal de tête, qui l’accompagnerait tout au long du chemin. Tom avait le choix entre le désert et la montagne. Il optait pour la seconde possibilité, ne se sentant pas le courage de traverser une étendue aride et vide.
Voila comment il avait atterri ici, sur ce rocher, et maintenant, devant lui, il avait ce qu’il avait fuit au début. Quelle ironie.
Son mal de crâne s’étant atténué, Tom se redressa, regarda une dernière fois la montagne et pénétra dans le désert, fixant l’horizon. Une chape de chaleur s’abattit sur lui et il failli renoncer, mais à quoi bon, de toute façon il ne pouvait pas rester dans la montagne, et de l’autre coté, la même épreuve l’attendait. Autant continuer droit devant.
Tout autour de lui, le sable et les cailloux rouges l’aveuglaient. Ils devaient plisser les yeux pour se protéger de cette agression lumineuse. Mais ça relança sa souffrance, le ver repris de plus belle. Oui, un ver. Il y avait réfléchi depuis qu’il était arrivé, et même si c’était impossible, il n’avait pas d’autre explication. Parfois, il sentait que quelque chose bougeait là dedans, la douleur se déplaçait derrière son front, lente et sourde, et puis les bruits. Il entendait des bruits de reptations, de sucions. Un ver. Il ne voyait que ça. Un ver.
Et en se moment, il était en train de le dévorer de l’intérieur. Enfin c’est ce qu’il ressentait. Avait-il mérité ça ?
Il avait eu le temps de penser d’y penser. Durant son trajet dans la montagne, il s’était dit que celui qui lui avait tiré dessus avait voulu se débarrasser du corps et l’avait jetait dans cet endroit maudit. Mais, il avait constaté qu’il n’avait pas de marque sur le front. La balle avait du le louper, et le tueur avait préféré le laisser mourir dans cette chaleur atroce. Mais alors, pourquoi lui laisser de l’eau et de la nourriture ? Certes il n’en avait pas beaucoup, mais tout de même, s’il devait mourir, il aurait été plus simple de ne rien lui donner. Et ce ver, comment était-il arrivé là. C’était peut-être ça la mort qu’il lui réservé, le ver. Combien de temps encore avant qu’il n’atteigne une partie vitale du cerveau et ne le rende complètement fou, ou ne le tue sur le champ, hypothèse qu’il préférait.
Et puis soudain, le déclic. Toute cette chaleur, cette souffrance. Même s’il n’y avait pas les flammes de l’enfer, il en avait les fumées qui montaient du sol. Oui c’est ça, il était en enfer. La balle l’avait bien tué. Il payait pour toutes les atrocités qu’il avait commises. Le ver était là pour le f aire souffrir à son tour.
Toute sa vie, il avait fait le mal, torturant et tuant des personnes. Il travaillait pour des gens qui le payait grassement, mais ils lui faisaient peur. Pas tous, mais une personne en particulier, il l’avait rencontré une fois. Ils avait rendez-vous dans une ruelle, et quand il l’avait vu, il c’était senti fondre. Cet homme débordait de malveillance, il était mauvais, il était le Mal. Ce fut la seul fois où il le rencontra mais ça lui avait suffit, il ne tenait pas à renouveler l’expérience. Ensuite, il fut plus assidu dans son travail, plus violent et mauvais, le Mal étendait son emprise sur lui, jusqu'à ce jour où il s’était fait surprendre par un homme qui était apparu derrière lui et l’avait tué.
Et maintenant, il était là, dans cette nature hostile, inappropriée à la vie, se battant pour survivre essayant de sauver ce qui pouvait l’être ; lui.
Déjà trois soleils s’étaient succédés depuis que Tom avait quitté le rocher. Il avançait dans cette immensité vide, laissant deux sillons derrière lui ; il n’avait plus la force de levait les pieds. Chacun de ses pas soulevait un nuage de poussière brûlante qui dansait dans l’air avant de retomber en silence.
Il avait laissé derrière lui la montagne qui lui servait de repère pour avancer le plus droit possible, vers un but inconnu. Son mal de tête était présent en permanence, le vers ne le quittait plus, il s’agitait tout le temps. Il avait réussi à en faire abstraction, et avait accepter la situation. Disons qu’il n’avait pas le choix. Il se concentrait sur son avancé et cherchait des solutions à sa situation. Depuis qu’il pensait avoir tout compris, il lui semblait possible de s’en sortir. Encore qu’il ne voyait pas comment. Les forces en jeu étaient bien au-dessus de lui.
Perdu dans ses pensées, il ne vit pas la cuvette qui était devant lui, et s’étala sur le sol desséché, s’entaillant la paume des mains en voulant amortir la chute. Il fallait arrivé dessus pour la voir, lui était tombé dedans. Il se releva et épousseta son pantalon et sa chemise, puis il inspecta ses blessures. Il haussa les épaules. Rien pour désinfecter, de toute façons c’était superficiel, ça irai comme ça.
Il parcouru la cuvette des yeux. Elle était profonde, mais descendait en pente douce, peut-être un ancien lac. Non, les contours étaient trop réguliers, un rond presque parfait que le temps avait usé. Mais ce qui l’attira le plus était en son centre. Une masse, qui semblait être un corps, gisait au fond. Il s’en approcha et vit que c’était une femme. Ses vêtements étaient déchirés, elle était maigre, ses cheveux sales, poussiéreux, cachaient son visage. Elle devait être morte.
Il s’approcha davantage. Le bras du cadavre bougea, il glissa sur le sol dans sa direction. Elle était encore vivante et l’avait vu. Il se précipita vers elle et s’agenouilla.
−Vous allez bien ?
Question idiote quand on voyait l’état de la femme. Il se reprit.
−Vous m’entendez ?
Un souffle s’échappa à travers les cheveux. Tom cru percevoir un oui. Il se mit entre elle et le soleil pour qu’elle ne soit pas éblouie, et lui écarta les cheveux. Sa peau était desséchée, ses lèvres étaient déchirées, et ses yeux vitreux n’étaient presque plus humides, la poussière commençait à se poser dessus.
Il l’aida à s’asseoir.
− Ca va aller ? dit-il.
− À boire, dit-elle.
Tom regarda sa gourde. Il avait essayé de boire le moins possible depuis qu’il avait quitté la montagne, et il ne lui restait que quelques gorgées d’eau. Soit il les gardait et poursuivait son chemin comme il avait fait depuis maintenant, soit il lui offrait la fin de sa gourde, et perdait tout espoir de continuer son périple et du coup, tout espoir de s’en sortir.
Ce dilemme fit s’agiter le ver qui lui rappela son passé. La douleur le fit s’écrouler sur le sol. La femme ne bougea pas. Puis le ver se calma.
Tom avait pris sa décision. Il attrapa la gourde, dévissa le bouchon, et aida la femme à boire.
Elle bu avidement et se releva d’un bond. Tom abasourdi n’avait pas bougé. Elle le toisa, puis un sourire se dessina sur son visage, et elle parti en courant, semblant flotter au-dessus de sol. Elle gravit la pente s’en ralentir, puis disparue, cachée par le sommet.
Tom était seul, a genou, au milieu d’une cuvette, sans eau, sans nourriture. Le ver s’agita de plus en plus. C’est la fin se dit-il. La douleur s’amplifiait. Arrivant par vague de plus en plus forte, comme la mer sur la plage à marée montante, le submergeant.
Dans une ultime douleur, telle qu’il s’écroula sur le sol, sa tête éclata, dispersant du sang alentour, aussitôt absorbé par le sable. Le ver était devenu papillon, le mal était devenu bonté. Tom avait triomphé du mal qui l’habitait, qu’il avait représenté dans sa vie antérieure. Par ce simple geste, offrir son eau, il s’était libéré. Le papillon fit battre ses ailes, blanches, pures, et prit son envol. Il se dirigea vers une troué rose qui s’était ouvert dans le ciel bleu, transportant le corps décapité derrière lui.
Une voix s’éleva, résonnant dans l’étendue désertique.
−Même moi j’ai des hommes qui tuent. Et même si ce n’est pas dans ma nature, il le faut. C’est l’un d’eux qui t’a tué. Mais tu as réussi l’épreuve, tu auras droit à une nouvelle personnalité. Ta mémoire te sera restituée, comme punition pour ce que tu as fait avant, et parce que tu connais des secrets de mon ennemi qui peuvent être important pour lutter contre lui. Le Bien doit triompher.
Tom se retrouva assis dans un fauteuil, devant une longue table au bout de laquelle un homme le regardait. Il n’en avait pas peur, cet homme débordait de bonté, de gentillesse, il était le Bien.
−Désolé pour ta tête, mais il fallait bien que je fasse sortir le Mal qui était en toi. Et puis maintenant tu en as une autre, la même, mais vide de toute méchanceté.
Tom se passa les mains sur le visage et ne put s’empêcher de sourire.
−Maintenant, il faudra que tu travail pour moi, reprit l’homme.
−Bien sur, répondit Tom, heureux d’être sorti du désert.
Il se leva, et se dirigea vers la sortie. Il savait ce qu’il avait à faire.
FIN
J'espère que ca vous plaira.