Atelier 3 : Souvenir d'Afrique

Ce jour-ci j’avais décidé de faire une pause. Toutes mes fouilles archéologiques dans le nord de l’Ethiopie s’étaient soldées par des échecs. Je pensais que les cités troglodytes de la Libella regorgeaient de trésors insoupçonnés. A l’évidence je m’étais lourdement trompé. Quelques objets de cultes orthodoxes avaient été mis à jour. Hélas, aucun n’avait de valeur marchande. Tout n’était que ferraille, joliment ouvragées certes, mais de la ferraille.
Afin de me changer les idées j’avais pris mon Toyota LandCruiser pour me faire une partie de pêche dans un de ces lacs de volcans. J’adorais passer mon temps libre dans ce petit hôtel au bord de l’eau. Mon bungalow spartiate de bois peints offrait une vue magnifique. Le lac était d’une couleur ocre à cause du taux de fer. Au matin, en ouvrant mes volets, je voyais à deux pas des regroupements de flamants roses. Ces derniers s’envolèrent majestueusement en entendant mes volets qui claquaient.
Nous étions en avril. Grâce à l’altitude, le nord de l’Ethiopie offrait un climat doux. Je sortis donc pour m’installer sur la terrasse avec une tasse de café. Une légère brise traversait le plateau volcanique pour caresser mes joues. Je dégustais le moka éthiopien que j’avais moulu moi-même. C’était un instant rare, un de ces instants de plaisirs simples qui rend vos journées mémorables.
Arpentant la plage, je voyais le personnel de l’hôtel s’affairer sous la végétation luxuriante. Un des Ethiopiens venait à ma rencontre. Il tenait deux lancers de pêche et portait une bourriche en bandoulière. Nous avions rendez-vous afin de taquiner les rares poissons du lac.
- Bonjour monsieur, me lança-t-il.
- Bonjour Enzo, repondis-je.
Enzo était un petit homme frêle qui travaillait à l’hôtel. Il accompagnait les rares clients pour des traversées en barques ou des parties de pêche. Comme il ne parlait pas très bien l’Anglais, souvent il se faisait comprendre par gestes. Il me fit signe de le suivre.
Nous longions la plage étroite pour arriver sur un grand rocher. Il s’offrait à nous comme un plate-forme qui s’avançait dans l’eau. C’était effectivement l’endroit rêvé.
Il me donna un des lancers munis d’une cuillère, cet objet de métal qui simule un petit poisson. D’un geste peu adroit je jetai ma ligne. Après avoir bloqué le moulinet je fis tourner sa manivelle pour remonter la cuillère. A travers les tons rougeâtres du lac je voyais le reflet argenté de celle-ci.
Soudain, ma ligne se bloqua. J’avais accroché quelque chose. Je n’arrivais pas à bien voir ce qui gênait. Je distinguais une sorte d’objet métallique dépasser de la surface.
Malgré la profondeur je décidai d’aller inspecter de plus près.
- Tiens moi le lancer, dis-je à Enzo.
- Monsieur, danger ! Il y a des « robis ».
« Robis », c’est comme ça que les Ethiopiens appellent les hippopotames. Ils s’en méfiaient. Souvent ces animaux inoffensifs à priori renversaient les barques. Certains avaient même mordu des Ethiopiens assez profondément pour les tuer.
- Je ne te demande pas d’y aller, lui répondis-je. J’y vais seul. Tends la ligne pour que je puisse la suivre.
Je commençais alors en entrer dans le lac, poussant une barque de location. Au bout de quelques coups de rame j’arrivai au bout de la ligne.
Ce qui dépassait de l’eau était un morceau de métal. De l’or. Je n’arrivais pas en croire mes yeux. Si cet objet était planté dans le fond, il devait mesurer plus de deux mètres de haut.
Je tâtonnais le reste de l’objet sous l’eau. Je sentais des aspérités régulières, comme des ciselures. Puis, mes mains ressentirent de part et d’autre des branches. En touchant plus bas, je constatais que le corps de l’objet continuait vers le fond. Ce que j’avais devant moi était une croix orthodoxe, une grande croix en or.
Je tentai de la sortir de l’eau en tirant comme un forcené. Elle ne bougea pas d’un millimètre. Il me fallait plus de bras.
- Enzo ! criai-je vers mon guide. Va chercher tes collègues, j’ai besoin de déplacer cet objet.
- Monsieur, danger…
- Je sais, il y a des « robis » !
- Oui danger ! Les robis sont là, je les ai vus.
Après un coup d’œil circulaire, je me rendis compte que le lac était calme. L’eau était tellement plate qu’elle reflétait les montagnes telle un miroir poli.
- Je paierai bien ! hurlai-je à Enzo. Vas les chercher.
Je repris alors mon travail de toutes mes forces, faisant fi des recommandations. La croix ne bougeait toujours pas. L’effort me fit grimacer. Mes muscles se bandaient pour extirper la relique. Je pensais alors au prix que je pouvais en tirer au marché noir à Djibouti.
Tout en tirant, il me semblait entendre des voix. C’était certainement Enzo qui revenait. En redressant la tête je le vis courir en ma direction. Il agitait les bras en l’air pour me faire signe. A cette distance je n’entendais que faiblement ce qu’il me disait depuis la rive.
Puis je compris, il criait : « Robi ! Robi ! ».
Je me retournai. Devant moi se tenait la mâchoire ouverte d’un hippopotame. Elle se ferma brusquement sur la barque, agrippant ma jambe au passage. Une de ses dents grandes comme des poignards traversa ma cuisse. Je n’eus pas le temps de crier.
Il m’entraîna vers le fond pour me punir de ma cupidité.

C'est très court, je n'ai pas fignolé... J'ai eu une grosse journée de boulot aujourd'hui alors j'ai manqué de temps et de forces...


Allez Bonne Lecture !.

Excellent! C'est original et dépaysant! Le style est fluide et précis, bref, c'est agréable à lire. Bravo!

vi bravo aussi, clair et fluide, ca se lit bien, et le contexte est bien trouve, peut etre un peu rapide, on aimerait plus profiter des descritions du pays et des autochtones, mais c'est chouette

Sûrment ton meilleur texte ! (du moins parmis ceux que j'ai lus)
L'atmosphère tropical est vraiment très bien décrit, et je me suis pris à envier cet homme prenant son café sur sa terrasse ! quel rêve !!

L'idée est très bonne, dommage juste que

SPOILERS (surligner pour lire)

on n'en sache pas plus sur cette croix plantée sous l'eau. J'ai tout de suite pensé à un village immergé dont seul la croix de l'église dépasse encore à l'air livre...

Sinon :

Citation :

...Certains avaient même mordu des Ethiopiens assez profondément pour les tuer.

je trouve que tu es assez léger quant aux attaques de "robi", sachant qu'ils peuvent couper un alligator en deux par un simple coup de mâchoire. Peut-être pourrais-tu plus appuyer sur le fait que ce sont de paisibles animaux mais qu'une fois qu'ils sont énervés, mieux vaux s'enfuir, d'autant plus qu'on ne peut leur faire mal qu'en leur blessant le ventre ou l'entrejambe...

thomas desmond a écrit:

et je me suis pris à envier cet homme prenant son café sur sa terrasse ! quel rêve !!

Ouais, ça m'a fait la même impression! On est vraiment pris dans l'ambiance et on n'a aucune peine à imaginer le sentiment de sérénité qui doit envahir le personnage. Ca doit être classe quand même!
Tu as déjà voyagé dans ces pays Olivier? On dirait que oui.

thomas desmond a écrit:

sachant qu'ils peuvent couper un alligator en deux par un simple coup de mâchoire

Ah quand même!

Oui je connais l'endroit que j'ai décrit. J'ai eu la chance d'y aller.

Comme tu vois, je suis encore vivant. Tu imagines donc que j'ai ramené cette fameuse croix avec moi

ah le petite fumier !! et il nous fait croire qu'il travaille, alors que la vente de l'objet lui a rapporté assez d'argent pour voyager sur toute la planète pour après tous nous niquer dans les ateliers après ses descriptions du mozambique et autres cercles polaires;...

Ca a du être un grand moment vu les descriptions que tu nous en fait!!
Allez tu peux nous le dire, pas de fausse modestie entre nous, tu as fait une clé de bras au "robi" et tu as déterré la croix de l'autre main, c'est ca?

Ah ! Je ne suis pas le plus grand voyageur du forum, mais oui je suis allé à l'étranger plusieurs fois.

Et oui ! monique nous bat tous, ainsi que Erika qui doit être en train de se pavaner au Mexique !!!

Très sympa ton histoire!
On dirait le prologue d'un roman où il y aurait ensuite tout une expédition d'aventuriers qui retrouverait la croix des années plus tard et celle-ci les mènerait à un secret incroyable dont la route serait remplie de dangers. Bon j'ai l'impression de faire la bande annonce de Indiana Jones 4 ou je ne sais quoi encore alors j'arrête.

C'est bien, on se croirait ailleurs, surtout que je viens de rentrer du boulot dans le brouillard en plus. Dommage que ce soit si court.