LE MANOIR DU FANTASTIQUE
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 La légende de St Martin

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Isafc_70
Sangsue mort-vivante
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MessageSujet: La légende de St Martin   La légende de St Martin EmptyLun 6 Avr 2009 - 6:08

La vie était rude en ces contrées sauvages. Le paysage était à l’image des hommes qui le peuplaient. Un vaste plateau recouvert de lande, creusé de nombreuses tourbières. Des lacs aux eaux sombres et profondes constituaient à la fois sa richesse et son mystère. On ne comptait plus les légendes les concernant. Un tel avait vu disparaître une jeune fille dans la fleur de l’âge, un autre abritait la vouivre, ce monstre, mi-femme, mi-dragon, que tous rêvaient de voir, malgré la crainte qu’ils en avaient.

Pour ces gens de la terre, la vie s’écoulait au rythme des saisons. Leur labeur était dur et ingrat. A part quelques notables, la majorité vivait chichement, pour ne pas dire misérablement. Les cultures étaient bien maigres, dans cette terre trop acide pour être généreuse… Restait l’élevage. Mais chacun connaissait trop la valeur d’un lapin ou d’une douzaine d’œufs pour se risquer à les manger… Non, mieux valait les vendre à la ville ! Ça permettait au moins d’acheter ce que l’on ne pouvait produire soi-même.
C’est dans ce pays de braconne que vivait Jacotte. Du haut de ses seize ans, elle menait d’une main de fer son troupeau de chèvres, qu’elle emmenait paître chaque jour dans la lande. Chaque matin à l’aurore, elle passait à son cou une cordelette munie d’un petit sac de jute. Elle ne savait ce qu’il renfermait, mais sa mère lui avait bien recommandé de ne jamais s’aventurer sur le plateau sans l’avoir sur elle, faute de quoi les esprits malins s’empareraient d’elle et elle serait perdue. Le chemin était long, depuis le Brigandoux… Il lui fallait emprunter des chemins sinueux, pour rejoindre enfin, l’endroit magique où elle passait ses journées…Saint-Martin !

Qui n’a pas vu Saint-Martin ne peut comprendre que Jacotte ait été fascinée par cet endroit ! Imaginez un éperon rocheux, surplombant toute la vallée, majestueusement. Une vue à couper le souffle. Lorsqu’elle était là, elle ne faisait plus qu’un avec Dieu, qu’elle priait avec ferveur dans la petite chapelle isolée, ses chèvres batifolant alentour. Mais pour y arriver … Que de périls ne fallait-il pas affronter ! A commencer par ce sentier, serpentant au milieu des étangs… Le diable y vivait avait-elle entendu dire une fois, dans une conversation. Tout le monde parlait à mots couverts, d’une femme qui s’était égarée dans la lande, et qu’on l’on avait retrouvée nue, hurlant dans une langue inconnue, se tordant au sol comme si les flammes de l’enfer l’avaient consumée. Monsieur le Curé, appelé à la rescousse s’était vite déclaré impuissant… Belzébuth avait pris possession de cette femme, rien n'avait pu l’en déloger.
L'Église avait tenu concile, à la demande des seigneurs locaux. Comme il était courant à cette époque, un procès avait eu lieu, et la malheureuse avait été condamnée au bûcher. C’était alors pratique courante… Les histoires que l’on se racontait le soir à la veillée, regorgeaient d’évènements de ce genre. Qui avait vu, qui avait entendu dire… Le diable était dans telle maison, et les messes noires dont on parlait à demi-mots, et les sorcières dont on se méfiait…
Jacotte le savait… Jamais elle n’aurait du venir en ce lieu, seule. C’est en procession que les habitants du plateau se rendaient à Saint-Martin. La chapelle avait d’ailleurs été érigée pour tenter de conjurer le sort qui touchait le lieu. Et puis, quelle plus belle offrande au Seigneur, que cette vue grandiose… Pour sûr, le diable n’avait qu’à bien se tenir ! Cependant, quelques disparitions inexpliquées avaient rapidement terni cet espoir. Les eaux noires des lacs étaient redevenues la terreur des gens du plateau, et la chapelle avait rapidement été désertée.
Mais elle se sentait bien ici, Jacotte… En paix avec elle-même, loin des moqueries de jeunes de son âge. Il faut dire qu’elle était gironde… Des mollets tout ronds, une peau de pêche, des joues rougies par le grand air… Elle promettait d’être une femme appétissante ! Pas comme ses épouvantails sans forme que l’on croisait parfois, desséchées comme des fagots de mauvais genêt. Tout en elle était rondeur, et inspirait le désir… Ses grands yeux noirs offraient un regard franc, voir moqueur, à qui voulait le soutenir. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’avait pas la langue dans sa poche la Jacotte ! Elle savait les remettre à leur place tous ces prétendants, pressés de cueillir sa fleur sans pour autant songer à son honneur. Ils repartaient généralement la joue égratignée d’une belle balafre rouge… C’est qu’elle y tenait à son honneur Jacotte !
Entre deux rêveries, elle récoltait quelques herbes sauvages dont sa mère préparerait des tisanes, posait quelques collets, cueillait (selon les saisons), des fruits sauvages ou des champignons, puis s’installait pour quelques rêveries. C’est ainsi qu’elle fit sa première rencontre avec Lui !
Il se tenait là, devant elle, droit et fier. Il était différent des hommes que l’on pouvait voir dans ces contrées, vêtu richement, mais différemment encore des seigneurs du plateau. Il ne ressemblait à rien de ce qu’elle connaissait. Son regard perçant la détaillait lentement, lui mettant immédiatement le feu aux joues. Bizarrement, elle était sans voix, elle qui d’habitude raillait vertement tout le monde. Il était grand… Immense même. Une stature imposante, un air grave, et une voix… Son corps avait été envahi de frissons lorsqu’il lui avait enfin parlé. Oh ! Il n’avait pas dit grand-chose, juste qu’il lui souhaitait la bienvenue dans son domaine… « Son domaine… » Voilà qui l’avait interpellée. Elle n’avait jamais entendu dire que cet endroit appartint à quelqu’un.
« Viens ici autant qu’il te plaira » avait-il dit d’une voix grave. « Tu seras toujours la bienvenue. J’aime la compagnie, et j’en ai fort peu ! Surtout d’aussi belle allure » rajouta-t-il d’un ton amusé.
Ce jour là, toute fière qu’elle était, elle avait pris ses jambes à son cou, rassemblé ses chèvres, et était partie en courant, comme si le diable avait été à ses trousses. C’est alors qu’elle avait chuté dans le mauvais chemin, tombant dans les eaux noires de l’étang qui le bordait. Elle s’était débattue, avait suffoqué, s’était sentie couler lentement… Puis plus rien. A coup sûr, elle était morte.
Elle s’était réveillée grelottante, nue, allongée devant une cheminée dans laquelle crépitait une belle flambée.
« Alors ma belle enfant, comme ça je t'ai fait peur ? »
L’inconnu était devant elle, debout. Il la toisait d’un air ironique. Un désir qu’elle ne connaissait pas illuminait ses yeux…
« Où sont mes chèvres ? » Parvint-elle à demander d’une voix faible.
« N’aie crainte, elles sont en sûreté… Tout comme toi ! Je me suis permis de te dévêtir, pour ne pas que tu attrapes la mort. Je vais te frictionner pour hâter ton réchauffement. Non, non, j’ai dit… Obéis ! »
Et sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit, il s’approcha, et frotta le corps de la jeune fille d’une toile de métis rêche mais chaude. Les bras d’abord, puis les jambes. Doucement, il entreprit les mêmes frottements sur la poitrine. Jacotte ne pu s’empêcher de gémir sous la douce morsure de l’étoffe sur sa chair tendre.
« Debout ! » ordonna-t-il, tout en lui tendant la main pour l’aider.
Se plaçant derrière elle, il lui frotta le dos, jusqu’à ce que la peau soit d’un beau rouge vif.
« Voilà qui est mieux ! Tu sembles avoir retrouvé quelque tonus » lui dit-il tout en posant son regard sur les tétons insolemment tendus. « Tu sais que tu es très belle ? Un vrai régal pour les yeux… Je n’ose imaginer pour les mains. »
La jeune fille était totalement bouleversée. Oh elle n’avait plus peur, mais ressentait des choses qu’elle ne connaissait pas. Pourquoi ne l’avait-elle pas égratignée, comme les autres ? Elle ne le savait pas. C’est comme si elle n’avait, d’un coup, plus aucune volonté ! Et cette chaleur qui l’avait envahie… et qui n’était pas due qu'aux frottements du tissu sur sa chair dénudée. Elle regardait la flambée, et se sentait comme cette bûche.
C’est à cet instant précis qu’elle se rendit compte qu’elle avait perdu l’amulette qu’elle portait en permanence à son cou. Elle blêmit d’un coup, et fut prise de tremblements.
« Que se passe-t-il ? » Lui demanda l’inconnu.
« Hé bien… C’est que… J’ai perdu mon amulette ! Celle qui me protège des mauvais esprits ! » Balbutia-t-elle, yeux baissés
L’homme partit d’un rire tonitruant.
« Tu ne vas pas me dire que tu crois à ces sornettes ? Les mauvais esprits ? Quels mauvais esprits ? Et pourquoi pas le diable tant que tu y es ! Ai-je l’air de Belzébuth ? Hein ! Regarde-moi quand je te parle ! »
« C'est-à-dire que… non… enfin si ! Les mauvais esprits existent, je l’ai entendu. Des filles ont disparu sur le plateau, sans qu’on ne les ait jamais retrouvées. Et puis toutes ces sorcières qu’on a brûlées vives… »
« Balivernes que tout cela. Les gens d’ici n’évolueront-ils donc jamais ! Si tu me fais confiance, je te ferai accéder au savoir… Celui qui rend libre. Je veux faire de toi une femme libre… De tes pensées, de ton corps, de ta vie ? Qu’en dis-tu ?
« Libre ? Mais qu’est-ce que c’est la liberté ? Je dois garder mes chèvres, aider mes parents, trouver un bon mari, voilà ce que doit être ma vie. Et puis, je ne vous connais pas ! Qui me dit que je peux vous faire confiance ! »
« Réfléchis bien… Je t’offre quelque chose d’unique, parce que tu n’es pas comme les autres. Je te laisse jusqu’à demain pour me donner une réponse. Mais je sais déjà que tu sauras faire le bon choix »
Il lui tendit ses hardes, qu’il avait mises à sécher près du feu, et la laissa se vêtir.
« N’oublie pas… Je viendrai chercher ta réponse demain, à Saint-Martin ! Ta vie va changer ma belle enfant. Tu retrouveras ton chemin facilement, tu n’auras qu’à suivre la buse, elle t’indiquera ta route »
Et il disparut d’un coup, la laissant seule dans la pièce, surprise, mais finalement pas tellement inquiète.
Lorsqu'elle sortit, un cri d'oiseau attira son attention. Elle était là, cette buse majestueuse, planant dans les cieux. Confiante, Jacotte décida de la suivre...
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MessageSujet: 2ème partie   La légende de St Martin EmptyLun 6 Avr 2009 - 6:11

Elle était rentrée tard ce jour-là. Aux questions que ses parents ne manquèrent pas de poser, elle répondit de façon évasive, qu’elle avait perdu une chèvre et qu’elle avait du la chercher, ce qui sembla calmer un peu leurs doutes. Comme l’inconnu le lui avait dit, l’oiseau l’avait ramenée sur sa route, et avait décrit des cercles avant de disparaître, comme pour lui dire au revoir… Oui, au revoir et pas adieu… Quelque chose lui disait qu’ils seraient amenés à se retrouver souvent. Jacotte avait bien réfléchi à ce que l’inconnu lui avait proposé. Elle n’était pas caponne, et si les rumeurs qui circulaient sur le plateau l’effrayaient, elle avait été impressionnée par la sérénité de l’homme. Il se dégageait de lui une telle force, un tel calme, qu’elle ne pouvait qu’avoir confiance…
Lorsqu’elle arriva à Saint-Martin le lendemain matin, elle remarqua immédiatement la buse qui décrivait des cercles dans le ciel d’azur, avant de venir se poser doucement sur la croix de la chapelle. Jacotte la salua de la main, puis s’installa comme à son habitude. Sans qu’elle entendît quoi que ce soit, Il était là.
« Bonjour belle enfant… As-tu la réponse à ma question ? » Demanda l’homme d’une voix douce.
Jacotte leva le regard vers Lui, se noyant dans les eaux noires de ses yeux et répondit calmement.
« Je crois qu’oui Monsieur… Je pense que je peux vous faire confiance. »
« Je le savais… Je lis en toi comme en un livre ouvert ! Crois-moi, tu ne le regretteras pas. Le savoir que je veux te transmettre n’a pas de prix. Non seulement il te rendra libre, mais fera de toi une femme de pouvoir. Mais avant toute chose, il faut que je te dise qui je suis… C’est une très longue histoire… »
Il s’installa dans l’herbe, aux côtés de Jacotte, et entreprit de lui raconter sa vie. Il était né d’une famille noble du plateau il y avait de cela bien longtemps… La vie qui lui était destinée ne l’intéressait pas. Il avait rejeté violemment d’ailleurs, l’idée de rentrer dans les ordres. Lui, passionné de sciences, refusait de rejoindre ce qu’il considérait comme le clan de l’obscurantisme. Autant dire que ce refus ne fut pas sans conséquences. Sa famille le rejeta, lui allouant une pension digne de son rang, mais l’éloignant du mieux qu’elle put. Il s’était donc installé dans une grosse maison bourgeoise, de l’autre côté de la Lande.

C’est là qu’il décida de se consacrer à sa passion… La recherche scientifique. Tout le passionnait, les étoiles, les plantes, la faune … Il fut bientôt reconnu pour mettre au point des remèdes qui semblaient faire des miracles pour certaines maladies. Ses infusions d’écorce de saule et de reine des prés soulageaient les fièvres et les douleurs. Mais surtout ses mains possédaient un don rare… Celui de guérir ! Combien de fois avait-il « barré » le feu d’une brûlure, remis un membre déplacé, que ce soit sur les hommes ou sur les bêtes. Les paysans venaient le voir de loin, mais toujours avec crainte… C’est qu’il circulait à son sujet de méchantes rumeurs. On le disait alchimiste, certains parlaient de messes noires qui se déroulaient soi-disant les nuits de pleine lune dans la demeure cossue. Bientôt, on ne parla plus de lui qu’en l’appelant « le sorcier de la lande. » Mais il s’en moquait ! Son esprit était comblé par la vie qu’il menait, la solitude ne lui pesait même pas. Jusqu’au jour où une jeune fille lui fut amenée.
Elle souffrait d’étranges crises de convulsions. Régulièrement, son corps se tétanisait, ses yeux se révulsaient, sa bouche écumait… Ses parents la lui avaient amenée en désespoir de cause, personne ne pouvant rien pour elle. Quatre jours et trois nuits, il avait travaillé sur elle, par apposition des mains, mais aussi en lui faisant boire des décoctions de sa préparation. Au quatrième jour, son état s’était sensiblement amélioré. Elle était belle comme le jour, de longs cheveux blonds encadrant un visage d’ange. Clothilde, tel était son nom, et il en était tombé éperdument amoureux. Pour elle, il se jeta à corps perdu dans la recherche, trouvant un moyen de libérer sa belle du mal sournois qui la rongeait. Il passait ses nuits à déchiffrer de vieux grimoires, et ses journées à courir la lande, à la recherche des ingrédients nécessaires à ses préparations, sourd aux rumeurs qui enflaient de plus en plus.
Tout le plateau ne parlait plus que de ça… Qu’il joue aux guérisseurs passe encore, mais qu’il consacre tout son temps à une possédée du démon, voilà qui ne convenait plus du tout à personne. Des villageois avaient rapporté cela à Monsieur le Curé, qui était allé voir de suite le Seigneur. Que faire ? Il ne s’agissait pas là d’un manant que l’on aurait pu brûler vif sans autre forme de procès, mais d’un noble… Il fut convenu de se rassembler en concile rapidement. Il en allait de la crédibilité des notables…
Deux jours plus tard, la belle Clothilde et Sire Geoffroy furent arrêtés, et enfermés dans les sous-sols du château. Elle fut passée à la « question » dans la semaine, comme il était de coutume dans ce genre d’affaire. Pour lui, point de décision, son nom le protégeait encore un temps.
Durant quatre jours, elle fut entendue, questionnée, torturée de la façon la plus abominable qu’il puisse être. Elle subit le supplice du chevalet, attachée, fouettée jusqu’au sang. Les brodequins broyèrent les os de ses jambes impitoyablement… Elle n’était plus que souffrances. A bout de force, elle finit par avouer ce qu’on attendait d’elle. Oui elle était possédée du diable ! Oui, elle avait assisté à des messes noires dans la demeure de Sire Geoffroy ! Ce qu’elle ignorait la pauvrette, c’était le sort qui lui était réservé.
Lorsqu’on lui apprit la nouvelle, il avait hurlé de douleur du fond de sa geôle. Comment avaient-ils pu oser ? Peu lui importait ce qu’il adviendrait de lui, il s’en moquait. Sans elle, il ne voulait plus vivre de toute façon.
Son procès eut lieu le lendemain. Il n’était plus question de prendre des précautions, puisque sa « complice » l’avait dénoncé comme partisan de Satan ! Ce ne fut que pure formalité. Ils furent condamnés au bûcher, et la sentence serait exécutée le dimanche suivant, après la sainte messe, sur la place du village.
« Assassins ! Je vous maudis tous, vous et votre descendance ! Vous ne serez jamais en paix… Croyez-moi ! Je vous maudis ! » Hurla-t-il alors qu’on le tirait hors de la salle d’audience pour le ramener en cellule.
Les deux bûchers se faisaient face sur la place. Tout le plateau était venu assister à la messe, comme il convenait de le faire. Clothilde était solidement attachée au poteau, inconsciente. Bienheureuse souffrance qui finalement lui épargnerait de se voir mourir… Sire Geoffroy quant à lui était en face, bien conscient. Il n’espérait qu’une chose, partir avec sa bien-aimée. Mais leurs bourreaux en avaient décidé autrement. C’est le bûcher de Clothilde qui fut allumé le premier… Il ne leur suffisait pas de se conduire en bêtes, encore fallait-il qu’ils en rajoutent dans le raffinement du supplice. La dernière chose qu’il lui serait donc donné de voir sur cette terre, serait la mort de sa douce Clothilde. Les hurlements de la malheureuse subitement revenue à elle déchirèrent ses oreilles. Jamais il n’aurait cru possible une telle souffrance, une telle horreur. Et cette odeur de chairs carbonisées…
Une dernière fois il lança sa malédiction sur la foule alentours…
« ASSASSINS !!!
JE VOUS MAUDIS TOUS, JUSQU’AU DERNIER !!! » Avant que le feu n’ait raison de lui également. Lorsque son corps s’embrasa, une buse tournoyait dans le ciel, semblant défier la fumée et les hommes. La foule était à genoux, priant et remerciant Dieu de l’avoir délivrée du démon…
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MessageSujet: Re: La légende de St Martin   La légende de St Martin EmptyJeu 23 Avr 2009 - 11:09

J'aime beaucoup cette histoire. Cette légende (ou ce début car il semble qu'une suite devrait suivre) est-elle connue ou est-ce toi qui l'a inventé ?
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MessageSujet: Re: La légende de St Martin   La légende de St Martin EmptyJeu 23 Avr 2009 - 11:34

Ca n'est, en effet, que le début de l'histoire, il reste encore trois parties à publier. Cete légendes est entièrement fictive, j'ai tout créé, sauf les lieux qui existent bel et bien à la limite de la Hte Saône et des Vosges. C'était la première fois, non seulement que j'abordais un thème plus ou moins fantastique, mais aussi que je crééais totalement un univers.

Promis, je posterai la suite dès que j'aurai un peu de temps devant moi.
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MessageSujet: Re: La légende de St Martin   La légende de St Martin EmptyJeu 23 Avr 2009 - 11:39

Et bien félicitation. Il y a un petit goût de ces légendes comme j'imagine que les gens en écoutaient au coin du feu dans le temps.
J'attends donc la suite.
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MessageSujet: La légende de St Martin - Suite   La légende de St Martin EmptyVen 24 Avr 2009 - 10:53

Jacotte l’avait écouté sans l’interrompre, mais le dévisageait maintenant avec incrédulité.


« Mais alors, Monsieur… enfin Messire, vous êtes… m… enfin je veux dire… »


« Mort ? Oui, tout ce qu’il y a de plus mort… Depuis cent cinquante ans. Seule mon âme a survécu à mon supplice, et erre depuis tout ce temps. Je me manifeste aux hommes sous forme d’oiseau, attendant celle qui me délivrera, et me permettra de trouver le repos. »


« Et… Ce serait moi ? »


« Ma foi, il semblerait que oui… Tu sembles prête à cela en tout cas. Je vais faire de toi ma disciple, te transmettre tout ce que je sais. A l’issue de cette initiation, tu auras entre tes mains un grand pouvoir… Mais aussi une tâche importante : réhabiliter ma mémoire. Te sens-tu à la hauteur de cette tâche ? »


C’est ainsi que durant six années, Sire Geoffroy prit en charge l’éducation de Jacotte. Si elle était une paysanne, elle n’en était pas sotte pour autant, et montrait même des dispositions étonnantes pour les sciences. Elle connaissait déjà beaucoup de choses, comme les plantes qui soignent ou tuent, l’influence de la lune sur les gens et les bêtes… Surtout, elle était une élève appliquée et curieuse. En quelques semaines elle sut lire et écrire, et dévora alors les livres que son Maître lui proposait.


« Te voilà lettrée maintenant, mais ça n’est pas suffisant pour faire de toi une femme d’influence. Tu dois apprendre à jouer des, différents pouvoirs que tu peux avoir sur les autres. »


« Qu’entendez-vous par-là, Maître ? Quel pouvoir pourrais-je bien avoir jamais, et sur qui donc ? A part mon troupeau… »


« Jacotte, le plus grand pouvoir des femmes s’exerce sur les hommes… Vous avez, vous autres femmes, des atouts bien supérieurs à ce que nous ne posséderons jamais. Comprendre les méandres de l’âme d’un homme et de
son désir t’aidera à devenir une amante redoutable, qui pourra obtenir ce
qu’elle veut. Tu auras alors en main ton destin, mais aussi bien plus que cela. Tu détiendras le seul et l'unique Pouvoir. »


La jeune fille frémit en entendant ces mots. Oh ! Elle avait changé depuis leur rencontre, elle n’était plus la jeune bergère sauvage… Certes, bergère elle l’était toujours, il fallait bien justifier ses escapades dans la lande des journées durant, car si ses parents avaient su quel était le but, nul doute qu’ils ne l’eussent enfermée ou envoyée dans un couvent quelconque. Elle était devenue une superbe jeune femme, resplendissant la santé et la joie de vivre. A dix-sept ans, elle se découvrait un appétit de vivre et une soif d’apprendre qui ne lassaient de la surprendre. Elle devait tellement à Sire Geoffroy qu’elle se serait sacrifiée sur-le-champ pour lui.


Quant à lui, il était subjugué par la beauté sauvage de sa protégée. Elle était aussi brune et solide que Clothilde avait été blonde et fragile. Son opposé en quelque sorte. Et pourtant, elle le troublait tout autant, mais de manière différente. Avec Clothilde, il avait été le protecteur. Il aurait voulu être le sauveur, et il avait échoué. Là il était le mentor, le guide. Il allait la façonner, comme un sculpteur façonne sa glaise pour un faire une œuvre d’art. Il sentait en elle une force hors du commun, prometteuse des grands destins. Et la détermination du regard d’ébène de la jeune femme n’était pas pour le contredire. Avec les hommes, les choses n’avaient pas beaucoup changées… Elle avait toujours la griffe féroce et la langue bien pendue ! Malheur aux effrontés qui osaient l’approcher d’un peu trop près… Il faut dire que sa réputation farouche lui rendait grand service. Sans elle, ses
parents ne l’auraient jamais laissée seule. Pensez donc, à son âge… Beaucoup étaient déjà mariées ! Mais cette vie là ne l’intéressait pas…


Le plus long fut de lui faire prendre conscience de sa féminité et du pouvoir qu’elle lui conférait. Jusque là, être une fille était plutôt une tare pour elle. Il faut dire que dans les milieux paysans, un gars était mieux accueilli dans les familles. C’était des bras assurés pour la ferme, celui qui la reprendrait à la mort du père, alors qu’une fille… Il fallait lui constituer une dote ! Et Jacotte avait déjà trois sœurs aînées, et trois plus jeunes… Son seul frère était mort en bas âge de fièvres méconnues. Ses parents n’avaient d’ailleurs pas manqué de prendre cela comme une punition divine. Pourquoi Dieu n’avait-il pas pris l’une de leurs filles, plutôt que ce petit gars tant attendu ?


Pour la première fois de sa vie, quelqu’un lui disait qu’elle était une femme, et que c’était non seulement un privilège, mais aussi un atout pour son avenir. Elle se sentait enfin belle, reconnue pour elle-même. C’est le cœur battant et les yeux brillants qu’elle attendait tous les jours, assise devant la chapelle, l’arrivée du bel oiseau. Nul doute, elle aimait cet homme… Pour lui, elle était prête à tout. Non point par reconnaissance ! Il lui avait appris que la bonté ne se paie pas. Pour la première fois, quelqu’un lui avait enseigné ce qu’était le DON absolu, totalement désintéressé. Enfin, si tant est que l’on puisse considérer que le repos d’une âme n'est pas une monnaie d’échange, bien sûr…


« Mon Maître, je veux être à vous. Totalement… » Lui avait-elle balbutié un jour, à l’issue d’une conversation riche sur les valeurs du monde.


A vingt-trois ans, elle était devenue une jeune femme pleine d’assurance et d’une beauté mystique..

« Ma belle, il est temps désormais de faire ton entrée dans le « monde ». Demain soir, tu seras une autre femme. L’une de celle à qui tout est permis, à qui l’on ne peut rien refuser. Pour l’occasion, tu devras te soumettre à un rituel particulier, que je prépare minutieusement depuis pas mal de temps. Je vais t’expliquer. »


Sire Geoffroy lui parla longuement, et elle l’écouta religieusement, assise à ses pieds, buvant chacune de ses paroles. Elle avait toujours su qu’elle pouvait avoir une confiance totale en lui, et aujourd’hui encore, elle acceptait sans condition ce qu’il avait prévu pour elle, même si elle frémissait sous ses mots. Ils parlèrent ainsi jusque très tard dans la nuit, conscients l’un et l’autre de l’importance de ce qui allait se jouer.


A l’aube, Sir Geoffroy vînt la chercher. Il portait sur son bras une longue robe de velours rouge foncé, richement brodée, qu’il posa délicatement sur le lit. Des bottines lacées noires l’accompagnaient. S’approchant de la belle endormie, il la regarda longuement. Il était toujours ému devant la fragilité de sa nuque dégagée, devant la pureté de ses traits que le sommeil apaisaient. Il y a longtemps, il avait trouvé une pierre, et au fil des années, il avait su dégager de la gangue un brillant de la plus grande pureté. Il lui restait aujourd’hui à lui donner son éclat final. Son souffle glacé fit frémir la peau nacrée.

« Es-tu prête pour l’épreuve qui t’attends ? » demanda-il, en repoussant une mèche folle, collée sur la joue de la belle.


Ouvrant des yeux encore embués de sommeil, elle lui sourit en murmurant un « oui » à peine audible. Elle prît la main qu’il lui tendait, et le suivit sans discuter plus avant. Dans la pièce contiguë à la chambre, les bûches crépitaient dans la cheminée, tandis que trônait au centre, un immense baquet fumant, d’où s’exhalaient des parfums fleuris et épicés.


Doucement, Sire Geoffroy fît glisser la chemise de baptiste sur la peau douce de la jeune femme, parcourue de frissons.


« La première étape de ta renaissance passe par la purification. Non que tu sois souillée, ma jolie, rassure toi. Mais tu dois laisser dans cette eau, tout ce qui a constitué ta vie, pour ressortir vierge de tout passé. »


Doucement, mais fermement, il l’aida à s’installer dans le bain parfumé.


« Mon rôle s’arrête là pour le moment, je te laisse en des mains plus expertes, ma douce. Il est des choses que seules les femmes savent faire… »


Deux jeunes servantes venaient d’entrer dans la pièce, les bras chargés de linges qu’elles mirent devant la cheminée afin qu’ils se réchauffent. Les trois femmes étaient désormais seules.


Lascivement, elle se soumît aux mains expertes des deux jeunes femmes. Brossée, lavée, puis séchée, elle était désormais debout devant la cheminée, nue comme au premier jour.


Dans la chambre, les vêtements attendaient sur le lit. Bertrande prit la robe délicatement, et la déplia.


« Que vous allez être belle Madame, ainsi parée… Approchez que je vous la passe. »


Elle allait à merveille. Le lourd tissus de velours rouge recouvrit la peau de nacre, et Bertrande entreprit de lacer le corset. « Bien serré » Avait précisé le maître, aussi elle serra autant qu’elle pu, provoquant chez Jacotte quelques suffocations.


« Il faut souffrir pour être belle, Madame… Même si vous l’êtes déjà ! »


Le décolleté mettait admirablement en valeur la poitrine, tandis que le laçage serré faisait ressortir ses reins. La jupe ample s’évasait en corolle jusqu’au sol.


« Et maintenant, les bottines… Regarde comme elles sont belles Bertrande ! ».


« Vous voici prête Madame… Si vous voulez bien me suivre, je vais vous conduire à Monsieur. » dit Ninon.


Jacotte eut quelque mal à trouver un équilibre, peu habituée qu’elle était aux talons hauts. Obéissante, elle suivit la jeune servante dans les couloirs de la demeure, sans savoir où elle pouvait bien l’emmener. C’est avec surprise qu’elle vit la jeune femme lui tendre une cape noire bordée de fourrure. Une calèche attendait dehors. Ninon aida sa maîtresse a y prendre place, et lui souhaita une bonne journée, avec un sourire malicieux.


Mais où l’emmenait-on ? Elle reconnu cependant, le chemin de Saint-Martin. En cette belle matinée de septembre, une brume enveloppait les étangs, nimbant les eaux noires d’un manteau de mystère. Ils allaient à la chapelle, à n’en pas douter. Un ciel bleu magnifique rajoutait au côté magique de l’aventure. Les feuilles rousses des arbres étaient un enchantement pour les
yeux.


Bientôt, la petite chapelle apparut sur son éperon rocheux. Jacotte était toujours gagnée par le même émerveillement quand elle la voyait, et elle remerciait en silence, Sire Geoffroy d’avoir choisi cet endroit, pour la cérémonie qu’il lui réservait. N’était-ce pas là qu’ils s’étaient rencontrés ?


Le cocher arrêta la calèche, et l’aida à descendre, puis l’escorta jusqu’à la chapelle, dont la porte était entrouverte. L’autel était recouvert d’un lourd drap de velours rouge, sur lequel était brodées des armoiries d’or. Jacotte reconnu les armes de la famille de Sire Geoffroy. Des sièges avaient été disposés en demi-cercle devant l’autel, de lourds candélabres éclairaient la chapelle. Les rayons brûlants du soleil perçaient au travers des vitraux, rajoutant une part de mystique à la scène.


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MessageSujet: La légende de St Martin - Fin   La légende de St Martin EmptyVen 24 Avr 2009 - 10:56

« C’est ici que je vous laisse Madame. » dit le cocher,avant de partir.


Dehors, suivant la calèche qui partait, une buse plana majestueusement, avant de se poser sur la croix de pierre de l'édifice.


L'heure était venue de la renaissance...


Nul besoin pour Jacotte de se retourner, elle sut d’emblée que Sire Geoffroy l’avait rejointe. Il se tenait dans l’entrée de l’édifice, droit et majestueux, comme à son habitude. D’un pas solennel, il s’avança vers elle, la détaillant d’un regard enflammé.


« Gente Dame, vous êtes tout simplement superbe. Tellement éloignée de la petite sauvageonne que j’ai découverte ici-même il y a si longtemps. Je vais t’accompagner dans la sacristie, où tu attendras que je vienne te chercher. Nos invités ne devraient pas tarder d’arriver, et je dois les accueillir comme il se doit »





La prenant par la main, il lui fit franchir la petite porte derrière l’autel, et l’installa confortablement. Jacotte le regarda, droit dans les yeux, et lui murmura


« Messire, je vous aime. Comment pourrais-je jamais vous remercier de tout ce que vous avez fait pour moi ? Il me semble que je n’aurai jamais assez d’une vie pour le faire et… »



Posant un doigt glacé sur les lèvres pourpres, Sire Geoffroy l’interrompit.


« Tu ne me dois rien. Ce qui est arrivé était écrit, seuls restent aujourd’hui à s’accomplir nos destins respectifs. »



Et il déposa un baiser froid sur les lèvres offertes, avant de quitter la minuscule pièce.


Dans l’édifice était arrivé un petit comité de personnes richement vêtues. Hommes et femmes mêlés parlaient à voix basse.


« Mes amis, je vous ai réunis ici en ce jour de l’an de grâce 1870, pour célébrer le baptême d’une personne chère à mon cœur. Je vous sais gré d’avoir répondu à mon invitation, afin de l’accueillir parmi nous. Prenez place je vous prie ."


Tandis que l’assemblée s’installait, Sire Geoffroy posa un grimoire sur le pupitre de bois ouvragé, puis se para d’une étole pourpre.


« Bien, nous allons pouvoir commencer cette cérémonie. » Dit-il en se dirigeant vers la sacristie où l’attendait la jeune femme.


Elle apparut à son bras, resplendissante de fraîcheur et d’innocence. L’atmosphère de la chapelle était glaciale, mais il flottait dans l’air quelque chose de très particulier. Jacotte se sentit portée par un flux d’amour et de bonté qu’elle n’arriva pas à définir. Ou plutôt si… C’était exactement ce qu’elle avait ressenti lors de sa première rencontre avec Sire Geoffroy. Point d’ondes négatives ici, bien au contraire.



« Jacotte du Brigandoux, comparais-tu devant nous ce jour, libre de tout dogme et de tout engagement ? » Demanda Sire Geoffroy, grand Maître de cette cérémonie.



« Oui Messire »



« Tu viens à nous aujourd’hui, recevoir le baptême qui fera de toi une femme libre. Es-tu consciente de ce que cela représente, non seulement pour toi, mais aussi pour la société dans laquelle tu vis ? Y es-tu prête ? »


« Oui Messire, j’espère être digne de ce rang, et je suis prête à l’accepter.»


« Bien. Agenouille-toi devant l’autel… Mes amis, prions maintenant pour accueillir cette âme pure parmi nous."


L’assemblée se mit aussitôt à psalmodier en latin, une longue litanie, dont le chant particulier berça Jacotte. Aux pieds de Sire Geoffroy, buste droit, elle se recueillait religieusement, les yeux clos.


«Tel l’enfant présenté devant les fonds baptismaux, tu dois être dépouillée de tout artifice. Se trouverait-il dans cette assemblée, une bonne âme pour défaire la baptisée ? » Demanda Sire Geoffroy.


Une femme approcha. Elle n’était plus très jeune, mais possédait une allure et un maintien de reine. Doucement, elle défit la robe, et délaça le corset. La jeune femme apparut alors dans toute la blancheur de sa nudité, telle une madone païenne. Seuls ses bas de soie et ses chaussures la vêtaient encore.


Sire Geoffroy lui tendit la main pour la relever.


« Noble assemblée, nous faisons offrande à notre Sainte Mère Dame Nature de ce corps innocent et pur, afin qu’il soit sanctifié par ses éléments. Suis-moi. »


Il l’emmena devant l’autel, sur lequel il lui demanda de s’allonger.


« Ô ! Sainte Mère Nature, accueille en ton sein ton enfant. Permets-lui de s’élever dans l’amour de toi, dans le respect des autres, et surtout le respect d’elle-même. »


Prenant une poignée de terre sablonneuse dans une coupelle d’argent, il en saupoudra le corps offert en continuant de réciter.


« Par la terre d’où naît toute vie, fais que ce jeune corps soit à jamais fertile. »


Puis, prenant l’un des cierges allumés, il continua.


« Par le feu, incendie ses sens, afin que jamais elle n’oublie l’essence même de toute vie. »


L’assemblée priait toujours, dans un silence absolu. Seules étaient vivantes, les flammes lumineuses des cierges éclairant la chapelle.


Jacotte, toujours allongée semblait perdue dans un autre monde, les yeux embués de larmes.


« Je suis fier de toi ma douce. » Lui murmura Sire Geoffroy. « Il reste encore la dernière étape, mais pour cela, il nous va falloir sortir. »


Il l’aida à se relever. Titubante, les jambes tremblantes, elle s’enroula dans la cape qu’il posa sur ses épaules.


« Mes sœurs, mes frères, je vous invite maintenant à la sanctification suprême. Celle de l’eau ! Veuillez nous suivre. »


Ils formèrent une procession jusqu’aux eaux de l’étang noir, tout proche. Les convives formèrent un demi-cercle, entourant le couple. Sire Geoffroy dénoua la cape de Jacotte, avant d’entrer dans l’eau glacée jusqu’à mi-taille.



« Par cette eau, sanctifie celle qui se remet à toi. Baigne là d’amour et de bonté, fais d’elle une femme neuve. » Dit-il en tendant la main à sa protégée.


Craintivement, la jeune femme entra dans les eaux froides, rejoignant son Maître.


« En ce lieu, ce jeudi 5 septembre de l’an de grâce 1870, Jacotte du Brigandoux a cessé de vivre. » Dit-il en laissant couler l’eau sur la peau blanche. « Inclinez-vous, noble assemblée, devant Dame Garance, descendante de la lignée des Comtes de Faucogney ! »


Il la prit dans ses bras, et la ramena sur la berge, où l’on s’empressa de la couvrir. Transie de froid, elle grelottait, mais n’en était pas moins une femme comblée.


Banquet fut donné en la grande maison de la lande. Jamais, depuis plus de cent cinquante ans, les murs ancestraux n’avaient résonnés d’autant de joie. Garance trônait, à la place d’honneur, vêtue de sa robe d’apparat.



Alors que les invités furent partis, Sire Geoffroy l’emmena en sa chambre, dans la cheminée de laquelle flambaient de belles bûches.



« Ma douce, te voilà désormais une Dame, et il va falloir songer à ton avenir. Non, laisse-moi parler. Tu es de chair et de sang, tu as besoin d’un homme qui sache te combler, point d’un revenant en quête de repos, même s’il t’aime à un point que tu n’imagines pas. Loin de moi l’idée de te donner à un fat ou un mal-appris. Celui qui aura l’insigne honneur de te prendre pour femme devra te mériter. »



Garance pleurait doucement, entre ses bras. Ses mots lui faisaient mal, mais elle savait au fond d’elle-même qu’il avait raison. Leurs bouches se soudèrent en un baiser douloureux.



« Ma jolie sauvageonne, ne pleure pas. » Dit-il en essuyant du bout de son doigt glacé, une larme qui roulait sur la joue pâle. « Tu as toute la vie devant toi, alors que je n’ai que la mort et le tourment à t’offrir. Et puis, je peux bien te le dire, mon âme est fatiguée. Tu m’as donné beaucoup plus que tu ne l’imagines. Je ne pensais plus pouvoir aimer, et tu m’as montré que ça m’était encore possible. De cela, je te suis redevable pour l’éternité. Hier, j’ai adressé au notaire de la ville un manuscrit. Celui-ci révèle à tous tes origines. »


« Mais Messire, que dites-vous ? Vous m’avez rebaptisée, mais je ne suis qu’… »


« Non Garance, tu n’es pas celle que tu crois. Il y a bien longtemps, une très jeune fille eut un enfant, né de ce que les dévots appellent le péché. Cet enfant de l’amour, elle fut obligée de le sacrifier, pour ne pas qu’il soit victime de la haine populaire. Elle l’abandonna près du saut du Brigandoux. Cet enfant Garance, c’était ton grand-père, et cette femme, c’était ma mère, la comtesse Marie de Faucogney. Elle me confia son secret, alors qu’elle était à l’agonie, me faisant promettre de retrouver ce fils, et de veiller sur lui. Mais la folie des hommes m’en a empêché. Aussi, il est justice qu’aujourd’hui, tu retrouves le rang qui t’est dû. Maintenant, je vais te confier encore une chose. Je peux, pour un temps très court, me matérialiser en homme de chair et de sang. Je ne peux le faire
qu’une seule fois, c’est pour cela que j’ai retardé ce moment le plus possible. Mais tu m’as tellement donné, qu’il me semble juste aujourd’hui, de t’offrir cela, en gage de mon amour. »


D’un coup, sous les doigts de Garance, la peau de Sire Geoffroy se réchauffa, elle sentit battre la veine de son poignet. Elle avait toujours su que l’amour pouvait faire des miracles, mais ne s’attendait pas à le voir de ses yeux. Il était là, homme de chair et de sang, à ses côtés, lui ouvrant les bras.



Leurs bouches se dévorèrent, tant ils avaient faim l’un et l’autre de leurs peaux respectives. Fébrilement, il la déshabilla, caressant ses courbes avec passion.



Toute la nuit, ils se prirent et se reprirent, conscients de l’urgence à profiter d’un temps qui filait inexorablement. Puis, aux premières heures de l’aube, Garance sentit de nouveau le froid à ses côtés. Geoffroy était toujours là, mais la magie avait cessé, son sang ne pulsait plus dans ses veines.


« Merci pour ces heures magnifiques mon Maître. Oui, vous êtes mon Maître… Maître de mes sens, de mes plaisirs, de mon savoir. Cette nuit, vous avez fait de moi une femme à part entière, et cela restera gravé dans ma mémoire et dans ma chair. J’aimerais vous garder toujours à mes côtés, je préfère vivre avec votre esprit, que de vous perdre à jamais. »


Dès le lendemain, tout le pays ne parlait plus que du mystérieux manuscrit reçu par le notaire. Ainsi donc, les manants qui vivaient dans le taudis du Brigandoux étaient issus de haute lignée… Plus d’un s’en étouffa de dépit ! « Le Jeannot », journalier miséreux, était donc un comte ! Mais il en fut un que cela n’amusa point. Il s’agissait du dernier descendant de la lignée des Faucogney, Richard, qui avait hérité du titre par son oncle. Oh ! Point qu’il n’ait encore beaucoup de pouvoir, la Révolution était passée par-là… Mais le prestige et l’argent étaient importants aux yeux de cet homme pour qui, seul le paraître comptait.


Consciencieux, le notaire fit les recherches qui s’imposaient, afin d’authentifier l’acte reçu. Et qu’elle ne fut pas sa surprise lorsque, dans les archives de la commune, il retrouva les documents relatifs au procès de Sire Geoffroy. Les principaux accusateurs et juges de ce procès avaient tous des intérêts liés à ceux de la famille de Faucogney. Ainsi donc, on n’avait pas mis au bûcher un sorcier, mais un cousin gênant pour la succession. La comtesse Marie étant décédée, rien n’avait pu les empêcher de mener leur sinistre projet à bien.


Autant dire que l’affaire fît grand bruit. Richard perdit immédiatement sa fortune et son titre, au profit du père de Garance. Ruiné, haï par les habitants, il mit fin à ses jours en se jetant du haut des roches du Brigandoux. La légende ne dit-elle pas d’ailleurs « qu'au saut du Brigandoux,
la chèvre a pris le loup ! » Et ce loup là n’était certes pas le moindre.


Garance quant à elle, vit son ventre s’arrondir de délicieuses promesses. Ce fut pour la Saint-Jean, qu’elle mit au monde une ravissante petite fille, à la peau de pêche et aux cheveux blonds. Devinez comment l’enfant fut baptisée ? Vous ne trouvez pas ? Cherchez bien…



Quel prénom pouvait mieux lui convenir que Clothilde voyons !


En donnant une fille à Geoffroy, elle lui offrit non seulement la descendance qui lui avait été interdite, mais aussi le cadeau le plus précieux… Le repos de l’âme.


Dès lors, la chapelle Saint-Martin redevint ce qu’elle avait été avant les années noires, un lieu de recueillement pour tous les habitants de la vallée. Et lorsque, aujourd’hui encore, quelqu’un y aperçoit, planant dans les airs, une buse majestueuse, il se découvre respectueusement, pour saluer l’esprit libre.


Dernière édition par Isafc_70 le Ven 24 Avr 2009 - 15:37, édité 2 fois
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Max
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MessageSujet: Re: La légende de St Martin   La légende de St Martin EmptyVen 24 Avr 2009 - 11:59

Si vous pouviez utiliser la même mise en forme que pour vos deux premières parties, cela inciterait plus les lecteurs à vous lire.
Seconde petite remarque en passant.
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Catherine Robert
Matronne Lova Moorienne
Catherine Robert


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MessageSujet: Re: La légende de St Martin   La légende de St Martin EmptyVen 24 Avr 2009 - 12:11

Je lirai quand même. Perso, même si je reconnais que ce n'est pas l'idéal, ça ne me dérange pas tant que ça.
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http://catherine-robert68.sosblog.fr
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MessageSujet: Re: La légende de St Martin   La légende de St Martin EmptyVen 24 Avr 2009 - 12:12

Je vais remettre en forme, mais je n'en ai pas eu le temps ce matin... C'est long à faire, et franchement, j'avoue que moi aussi cela m'indispose de voir un post pareil... Ca devrait être arrangé d'ici ce soir.
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MessageSujet: Re: La légende de St Martin   La légende de St Martin Empty

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